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Emery, son interview complète dans Marca

Publié le samedi 6 janvier 2018 à 15:54 par Florian S.
A un peu plus d'un mois du choc des huitièmes de finale de Ligue des Champions contre le Real Madrid, décisif pour son avenir, le technicien du PSG Unai Emery s'est livré largement au quotidien sportif espagnol Marca. Sa carrière, son métier d'entraîneur, l'importance de la Ligue des Champions au PSG, l'évolution du club, son avenir... le Basque, qui avoue dans les colonnes de Marca, « vivre au présent » est avant tout excité par le défi « magnifique » qui se présente en février et précise qu'il est encore bien là, alors qu'on le voyait déjà parti l'année dernière, après la perte du titre contre Monaco.

Je ne sais pas si vous prenez le temps de le réaliser, mais vous occupez l'un des meilleurs bancs au monde. Vous arrivez à en profiter malgré toute la pression qui vous entoure ?

«Pour répondre à ça, je repense à mes débuts. Quand j'étais joueur j'avais déjà ma carte d'entraîneur. Je vivais déjà le football avec passion, et c'est ce qui m'a amené jusqu'ici. Dans la difficulté cela t'aide, car tu sens une responsabilité énorme. Toute ma progression s'est faite avec passion et responsabilité. Je n'ai jamais eu d'objectifs clairs pour entraîner ici ou là. Cela s'est fait naturellement.

Vous n'avez pas cherché à atteindre l'élite à laquelle vous appartenez désormais ?

Pas de façon préméditée. Cela s'est fait comme ça. J'ai obtenu la montée avec Lorca, avec Almeria... les choses changent vite dans le football. Rester au même endroit est confortable et épuisant, et peu de collègues y arrivent : Ferguson, Wenger, Simeone.... et à peine plus. Dans ma carrière, j'ai fait des petits pas, en sortant de ma zone de confort. A Valence je suis resté quatre ans. Un jour, nous avons perdu 4-2 contre l'Atletico en Europa League... et je me suis retrouvé, dans le bus, avec beaucoup de supporters valenciens déçus. Là je me suis dit : "Unai, tu dois partir d'ici". Je n'ai pas pu dormir car je pensais à la façon dont j'allais l'annoncer aux joueurs le lendemain. Puis je suis allé à Moscou, une étape très difficile, et à mon retour j'ai trouvé un endroit parfait : Séville. J'y ai fait 3 ans et demi... et maintenant je me retrouve à Paris, après avoir quitté ma zone de confort à Séville. Et demain, qui sait où je serai.

Très bien, mais maintenant va se présenter le Real Madrid.

J'ai joué des matchs, dans leur contexte, aussi importants que celui-là, bien que sans l'importance médiatique de ce Real-PSG. On me demande beaucoup si je ressens de la pression. Et je n'appréhende jamais cette notion. Je préfère parler d'exigence positive et de responsabilité à nous préparer le mieux possible pour ces deux rencontres. Nous serons alors au centre du football mondial. Et je le vis avec passion, comme je l'ai fait toute ma carrière. J'attends le match avec impatience, pour pouvoir démontrer la force de ce PSG. J'ai envie de le jouer, de l'apprécier... et de le gagner. Sans pression.

Vous avez dit récemment que la différence entre le Real Madrid ou Barcelone et le PSG, se trouve dans des détails qu'ils ont, mais que vous n'avez pas encore. A quoi pensiez-vous ?

Le Real a gagné douze Champions Leagues, le Barca cinq, le Milan sept, bien que maintenant il ait régressé. Le PSG est un club nouveau, qui est né en 1970 d'une fusion entre deux clubs. Un club qui, avec cette courte histoire, est également nouveau depuis 2011, en passant des capitaux français (ndlr: en réalité américains) aux capitaux qataris. Les nouveaux propriétaires ont créé une nouvelle entité, avec un projet économico-sportif, pas seulement économique. Et avec des gros moyens, clairement. Ce club veut être à chaque fois plus proche des grands d'Europe, afin de les égaler... puis les dépasser.

Et vous y arrivez ?

Les confrontations comme celle de Madrid en février sont la preuve que cette étape peut être franchie. Et je le vois comme un processus naturel au sein d'une exigence forte. Nous avons les moyens d'y arriver. Battre le Real est une opportunité de grandir. C'est comme ça que je le vois.

En Espagne les gens font le lien entre cette confrontation et le souvenir de la débâcle à Barcelone la saison passée. Combien de fois avez-vous revu ce match ? Va-t-il vous servir pour préparer cet éliminatoire ?

Tout cela est un processus, ce sont des expériences pour le club, l'équipe et l'entraîneur. Des expériences qui nous préparent pour l'avenir.

Vous changeriez quelque chose si vous jouiez à nouveau contre le Barca dans les mêmes circonstances, après un 4-0 à l'aller ?

Cet éliminatoire doit être scindé en deux parties : dans le premier match nous avons mis beaucoup de buts à une grande équipe comme le Barca, et au Camp Nou, nous ne savions pas comment répondre face à cette même équipe. Mais... il a eu une troisième variable qui nous échappe totalement: celle de l'arbitrage.

Vous voulez dire que sans Aytekin (l'arbitre de ce match retour) ce 6-1 n'aurait pas eu lieu ?

Ce que je veux dire c'est que les arbitres, devant des clubs aussi établis, ont un plus grand respect. Pas volontairement, mais involontairement. Inconsciemment, mais cela existe. Et tout ça, avec une année de plus a été amélioré chez nous. C'est à dire que nous avons une meilleure capacité à répondre face aux grandes équipes comme le Barca ou Madrid: on est plus respecté au niveau du football européen et mondial, et depuis les instances d'arbitrage de l'UEFA, il y a un plus grand respect à notre égard pour que l'on soit plus juste avec nous. Mon club est mieux préparé à faire un pas de plus dans notre croissance économico-sportive en Champions League. Si Aytekin avait influencé les choses ce jour-là ? Disons qu'une part de cette défaite a été conditionnée par les décisions d'arbitrage.

Vous voulez dire qu'il y a une différence par rapport à il y a un an ?

Je crois que nous serons mieux préparés que face au Barca il y a un an.

Considérez-vous que ce jour-là, au Camp Nou, vous avez été un entraîneur conservateur ?

J'aime écouter les avis de mes collègues de premier plan qui me donnent leur vision de ce match-là. Il y a eu beaucoup de circonstances. Pour moi, c'était un enseignement supplémentaire. Mais au final la responsabilité, et je crois que le président a été clair là-dessus, était partagée par tous.

Jouer en premier à Madrid est un avantage ou est-ce juste une idée reçue ?

Quand nous nous sommes réunis entre entraîneurs au début d'année à Nyon nous avons parlé de ça. Il y a deux choses: jouer à domicile au retour te donne un certain avantage, mais c'est assez subjectif, car s'il y a prolongation, un but de l'équipe à l'extérieur oblige celle à domicile à en marquer deux, et ce en moins d'une demi-heure de jeu. Et cela change tout. Quoiqu'il en soit, il y a ces deux aspects. Vous ne savez jamais ce qui est le meilleur et ce qui est le pire.

Comment voyez-vous ce Real Madrid ? Etes-vous inquiet, par exemple, que Bale soit déjà bien après un mois ?

Gareth est très bon. Nous l'avions déjà rencontré avec Séville pour l'un de ses premiers matchs lorsqu'il est arrivé au Real. Il nous avait mis trois buts. Il n'est pas aidé par son manque de continuité, mais il est très bon. S'il va bien, c'est un joueur qu'il faudra prendre en compte.

Dans une grande équipe il faut un entraîneur qui, avant tout, gère le vestiaire, pas nécessairement un expert tacticien. Comprenez-vous cette phrase qui revient souvent depuis quelques temps ?

Avec un plus grand talent sur le terrain vient une meilleure capacité individuelle à répondre tactiquement, techniquement, et collectivement. Mais le travail tactique est toujours important, car il doit y avoir une organisation. Je crois que la gestion collective et individuelle du vestiaire par l'entraîneur, à ce niveau-là, passe souvent avant le travail tactique.

Vous avez remporté trois Europa League de suite. Vous ne pensez pas que vous avez moins de crédit que d'autres qui n'ont pas gagné autant ? Que vous ne vous "vendez" pas bien ?

J'essaie d'être fort vis à vis des joueurs. Je me souviens que, quand j'étais joueur, une radio locale donnait systématiquement la composition d'équipe avant que les joueurs ne la connaissent. Et j'ai pensé: "Mon entraîneur n'a pas de crédibilité" car la presse en savait plus que le vestiaire. Et je prends cette devise à la lettre. Je le dis. Je n'ai pas à vendre mon image. Je suis naturel. Ce qui compte, ce sont les joueurs, pas les gens de l'extérieur. Les medias sont importants, et je les respecte, tout comme les joueurs, clubs, et supporters, les trois piliers du football. Mais je ne peux pas être au service des medias et me détacher de mon vestiaire. Non. Ce qui prime c'est l'intérieur. Je donne des interviews et des conférences de presse. Et c'est vrai que dans les conférences de presse vous n'arrivez pas forcément à transmettre ce que vous souhaiteriez.

Championnat, Coupe de France et Coupe de la Ligue sont des "obligations" pour le PSG. Cela vous agace-t-il que cet adage masque le travail qu'il y a derrière ? Autrement dit que seule la Champions compte pour les gens ?

Le PSG est un club nouveau, je l'ai déjà dit. La France a un championnat avec du potentiel et nous sommes une référence ici. Mais à juste titre, seuls ceux qui disputent vraiment ces compétitions, savent ce qu'il en est. Gagner n'est jamais facile. Oui, nous sommes favoris, mais personne ne nous fait de cadeaux. Nous avons de l'exigence, mais comme en a toujours eu le Real Madrid, le Bayern ou la Juve. Au niveau européen nous sommes un nouveau concurrent pour les grands. Pour eux ce n'est pas bon, mais pour le football français ce devrait être une bénédiction que le PSG ait cette capacité économique et sportive. Aujourd'hui nous pouvons jouer, et peut-être, gagner une Champion League. C'est un bon processus. A Milan, par exemple, on ne voit pas d'un mauvais oeil les capitaux chinois, car les gens veulent retrouver ce statut de grand. Le PSG n'a pas cette histoire. Que se passe-t-il ? Les gens voient les recrutements de Neymar ou Mbappé, et se demandent d'où vient tout cet argent. Mais on ne se pose pas cette question dans les autres grands clubs.

Mais ce sujet est polémique, vous ne croyez pas ?

Cela n’a pas d’importance d’où vient l’argent. Quand Madrid signait Zidane, Figo, Ronaldo… personne ne se demandait d’où venait l’argent. Ou quand le Barca a ramené Suarez. Jamais on n’en a discuté. Alors pourquoi avec le PSG, c’est le cas ? Je me répète : ce n’est pas qu’un projet économique, mais un projet économico-sportif. Dans ce cas, c’est de l’investissement dans le sport. En Angleterre, il y a des investisseurs des Etats-Unis ou d’Asie, et ce n’est pas un problème. Pour le PSG, on ne devrait pas débattre de sa capacité financière, car on n’en a jamais débattu en Espagne quand il y a eu de grands transferts.

Pour finir, considérez-vous cela comme raisonnable que votre futur dépende du match contre le Real et de la Ligue des Champions ?

Je vis au présent, comme je l’ai toujours fait. Je ne pense pas au futur. Personne ne m’a dit que si on passe ou on ne passe pas… ils me proposeront de continuer ou non. Je suis très heureux ici. Je travaille comme si j’allais rester toute ma vie…. Tout en sachant que demain cela peut ne plus être le cas. Je profite au jour le jour. L’année passée, Monaco nous a privés du titre en championnat et on disait que je n’allais pas continuer… et aujourd’hui, je suis là. A Séville également, on se demandait depuis janvier si j’allais continuer ou non. J’ai toujours dit que je vivais au présent. C’est un défi magnifique et une très bonne opportunité. Et avant Madrid, je me fais une joie que nous jouions ce match. Cet éliminatoire pourrait être une finale sans problème. Le PSG travaille depuis des années à battre les meilleurs et aujourd’hui, la meilleure équipe c’est le Real Madrid.»

NB: Propos recueillis par Juan Castro pour Marca. Nous publions cette version intégrale de façon exceptionnelle car non-disponible en français.


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