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Pastore, son interview complète dans El Pais

Publié le mercredi 8 mars 2017 à 12:40 par Matthieu Martinelli
Avant Barcelone/PSG, Javier Pastore s'est longuement confié au quotidien espagnol El Pais. Il évoque le match mais aussi ses coéquipiers, son style de jeu et bien d'autres thèmes liés au football. Voici l'intégralité de cet entretien, traduit par nos soins.

La première recrue du fond souverain du Qatar fut Javier Pastore (Córdoba, Argentina, 1989). Il était en 2011 la première pierre à l'édifice du projet du nouveau règne du PSG. Peu de joueurs connaissent mieux l'équipe que ce milieu de terrain aux gestes de ballerine, adoré par les supporters comme seuls les artistes inqualifiables peuvent susciter l'adoration.

Barça/PSG

Comment abordez-vous le retour au Camp Nou ?
«Beaucoup de gens pensent déjà à la finale parce que nous avons battu le Barça. Ce ne sera pas facile. Nous nous souvenons que le Barça avait mis 5-0 au Real Madrid. Nous devrons êtres très vigilants. Cela fait 6 ans que je suis là et je sais que nous avons échoué en quarts quatre fois de suite. Je n'oublie pas que nous avions gagné 3-1 contre Chelsea avant de perdre à Londres alors que nous avions tout pour nous; nous avons perdu contre City l'an passé, un City diminué.

La coordination entre Rabiot et Verratti en double pivot surprend, pour sortir ou pour se positionner entre les centraux. Sans se regarder.

«Nous savons ce que va faire notre coéquipier avant qu'il ne prenne possession du ballon»

La base de cet effectif a plusieurs années en commun, se connait et joue de la même manière. Ils ont cette connexion que te donne le temps. Rabiot n'était pas aussi constant dans les matchs mais il a toujours répondu présent et comprend très bien le jeu. Quand une équipe sait comment elle joue, il est beaucoup plus facile d'évoluer sur le terrain. Nous savons ce que va faire notre coéquipier avant qu'il ne prenne possession du ballon. Cela te donne un avantage pour savoir commment l'aider et vers quel espace te déplacer pour ne pas se gêner (chevaucher).

Qu'a le plus travaillé Emery pour cette confrontation ? Le pressing ou la gestion du ballon ?

«Avant, quand nous perdions le ballon, nous faisions 5 pas en arrière et attendions.»

Avant, quand nous perdions le ballon, nous faisions 5 pas en arrière et attendions. Maintenant, quand nous avons le ballon et le perdons, nous sommes beaucoup plus près du ballon. Ainsi il est plus facile de presser. Emery nous le demande énormément. Si tu les laisses réfléchir ou leur donne des espaces, les joueurs du Barça peuvent se créer des occasions, jouer plus facilement, et c'est primordial de les presser haut. Ce qui m'a le plus surpris à l'aller c'est la rapidité avec laquelle nous récupérions le ballon. On ne les a pas laissé enchaîner 6 passes d'affilée. Cela les a beaucoup gênés.   

Quelle équipe a le plus changé depuis votre confrontation de 2013 ?
Le jeu continue d'être le même pour les deux. Mais Barcelone a cette fois beaucoup souffert du manque de rythme d'Iniesta et de l'absence de Xavi. Ensemble ils donnaient une force unique au milieu de terrain. Ils ont un peu perdu au milieu de terrain et ont misé sur leurs trois attaquants, qui sont les trois meilleurs au monde. Je crois que toute équipe qui possède un milieu de terrain fort est une grande équipe.

Qu'a Verratti ?
Il a tout. Sauf la taille. Il rappelle Iniesta ou Xavi à leur meilleure période. Avec lui nous avons toujours une solution. Il joue comme s'il était dans le jardin de sa maison. Comme Iniesta, il va toujours vers l'avant. il protège très bien le ballon. Lui prendre le ballon est impossible.

Son style de jeu tout en technique

Iniesta a un don : il est comme un sonar qui évalue la distance qui le sépare de ses adversaires directs sans avoir besoin de voir où ils sont. Vous possédez quelque chose de similaire. Comment réussissez-vous à sentir qu’un adversaire se rapproche ? Vous entendez le bruit de ses chaussures ?
Il s’agir d’avoir conscience de la distance et du temps. Il faut savoir la vitesse avec lequel court le défenseur qui vient te marquer, s’il vient rapidement ou plus doucement. Mais c’est quelque chose de rare. Je passe ma vie à observer ce qui se passe autour de moi. En voiture, je sais quand le feu va passer au rouge ou quand une autre voiture va me doubler. Je fais le trajet jusqu’à chez moi en ayant eu tous les feux directement au vert. Je ne dois quasiment jamais m’arrêter au feu rouge. Parce que je vois que le feu pour piéton passe au rouge et je sais que le mien s’apprête à passer au vert…

Ce don, vous vous en servez pour dribbler sans puissance.
Mon jeu, ce n’est pas d’aller et de provoquer. J’essaye de faire une première touche assez longue, pour que le défenseur croit qu’il pourra me prendre la balle. Je n’ai pas besoin de faire de gri-gri. Moi, j’attends juste cette seconde où l’adversaire qui me marque croit qu’il va pouvoir me prendre la balle et tac ! Je touche de nouveau la balle et il ne la revoit pas. 

Est-ce que le fait de devoir s’adapter à jouer sur l’aile, où vous affrontez des adversaires plus physiques que vous, vous a aidé ?
Sur les côtés les joueurs sont plus rapides et plus puissants que moi. C’est le cas de Lucas, Draxler et Di Maria.

Emery souhaite que ses ailiers soient en faux pied pour pouvoir terminer leurs actions. Mais vous avez davantage le profil pour élaborer le jeu que pour arriver dans la surface. N’avez-vous pas besoin de forcer votre nature ?
Oui, et Emery me crie dessus pour cela toute la journée. Il sait que je préfère revenir au milieu du terrain pour donner la dernière passe et créer des actions que pour les terminer.

Pourtant, vous vous retrouvez quasiment systématiquement démarqué dans la surface. Vous pourriez marquer plus de buts.

«J’aime voir le football. Chercher des choses que tous les joueurs ne cherchent pas.»

Oui, je sais bien me démarquer. J’essaye d’arriver là où se trouve l’espace libre. J’aime voir le football. Chercher des choses que tous les joueurs ne cherchent pas. Il y a des attaquants qui vont dans l’axe et marquent beaucoup parce qu’ils vont dans l’axe, comme Cavani, qui fera toujours l’appel, même s’il n’est pas servi. Moi j’essaye de chercher l’espace où je peux dire : « Si j’arrive ici, je serai seul et j’aurais beaucoup plus de possibilités de marquer le but que si j’ai un défenseur sur moi ». C’est quelque chose que me demande tout le temps Emery : arriver dans la surface quand l’action est construite du côté opposé à celui où je me trouve. J’ai parfois des difficultés, parce que si je n’arrive pas à voir cet espace j’ai tendance à revenir en arrière pour participer à une autre action ou offrir une ligne de passe à mon arrière latéral. Mais à chaque fois que Emery me fait jouer à gauche, il fait aussi jouer un relayeur gauche comme Matuidi qui se projette beaucoup. De cette façon, si je reviens dans l’axe, nous avons un autre joueur qui peut se projeter. Matuidi a les qualités pour attaquer l’espace et il sait que lorsque je repique dans l’axe, il doit le faire. C’est automatique.

Pourquoi auparavant vous vous « déconnectiez » autant durant les matchs ?
J’essaye de faire un effort pour gagner en régularité. Auparavant, cela m’est arrivé de nombreuses fois de faire 20 minutes incroyables, où je créais 5 occasions de buts, et après cela je passais une demi-heure sans toucher la balle et en étant un peu perdu. Je croyais qu’après avoir fait 2 ou 3 bonnes actions le match était terminé pour moi. Je marquais ou faisais marquer un but et c’était bon. Si je marquais dans les 10 premières minutes je me disais que l’entraîneur pouvait me remplacer, de toute manière j’avais atteint mon objectif. Maintenant j’ai un âge… Maintenant j’ai une autre mentalité : si je provoque un but alors je souhaite donner une autre balle de but ou marquer moi-même un autre but. Je ne veux plus perdre un instant du match. Quand j’étais plus jeune, il suffisait que je fasse des choses qui m’amusent sur le terrain pour que je sois heureux. Au niveau auquel nous sommes actuellement, cela ne peut plus se passer comme cela. Je m’en suis rendu compte avec le temps, encore plus après avoir passé autant de temps blessé sans pouvoir jouer cette dernière année.

Les suiveurs du PSG vous adorent pour votre sens esthétique.
Ce sont les supporters qui parlent. Sans marquer 50 buts par an, même sans jouer régulièrement à cause des blessures… J’ai la chance que les supporters m’apprécient beaucoup. Ils me font me sentir spécial. Ici, ils se sont habitués à avoir des joueurs comme Ronaldinho ou Rai. Ils se sont habitués à voir des choses différentes sur un terrain.

Ses blessures

Pourquoi vous êtes-vous autant blessé lors de la dernière année ?

«J’avais envie de jouer et je n’ai pas voulu m’arrêter pour savoir ce qui se passait vraiment.»

Cela fait 8 ans que je joue en Europe et je n’avais jamais eu plus de deux blessures. Mais j’ai terminé la Copa América avec des douleurs aux deux mollets. J’ai eu des vacances très courtes, je suis revenu aux entraînements et durant la pré-saison je me suis fait mal à un mollet. Et durant toute la saison se sont succédé des blessures à chacun de mes mollets. Le premier d’abord et le second ensuite. On travaillait pour que je puisse revenir en 2 semaines pour pouvoir jouer un match important, je le finissais avec des douleurs, je jouais à nouveau 3 jours plus tard et je me blessais une nouvelle fois. On ne pense jamais à la cause, seulement au traitement pour pouvoir être disponible lors des matchs importants. Cela a été une erreur que nous avons commise tous ensemble. Moi en particulier parce que j’avais envie de jouer et je n’ai pas voulu m’arrêter pour savoir ce qui se passait vraiment. J’ai perdu une année complète, et cette saison j’ai repris de la même façon jusqu’au moment où je me suis dit qu’il fallait que je m’arrête parce que cela n’était pas normal. J’ai changé mon alimentation et cela n’a pas donné de résultat. Je commence à changer ma posture et faire différents exercices de prévention. Cela fait 2 mois que je n’ai plus de douleur. Nous avons déterminé que l’origine de ces blessures était la forme des appuis. En changeant mes appuis, la sensation de fatigue et de douleur aux mollets a complètement disparu. Maintenant je suis bien.

Cavani et sa relation avec les avant-centres

Comment c’est de jouer avec Cavani ?
C’est le 9 que j’aime avoir. Jouer derrière lui, cela signifie avoir 25 diagonales et mouvements par match. Si, sur ces 25 appels, je lui donne 20 passes, et si sur ces 20 passes, 10 sont bonnes, alors il peut te marquer 5 buts. J’aime beaucoup cela parce qu’il attaque toujours la profondeur, il essaye toujours de mettre en difficulté les défenseurs. Il fait un appel diagonal, et si je ne peux pas lui donner la balle, alors il fait un 2ème appel dès l’action suivante. Il ne reste pas là à protester parce qu’il n’a pas reçu la balle, mais va immédiatement la redemander sur l’action suivante. En une minute il peut faire 3 appels diagonaux et te donner 3 possibilités de passe. Il y a très peu d’avant-centres qui ont cette mobilité. Physiquement, c’est un animal. Il peut jouer 2 matchs consécutifs sans ressentir aucune fatigue. Pour nous, il est fondamental, parce que sur les ailes nous avons deux joueurs qui ont tendance à revenir dans l’axe et à demander le ballon dans les pieds, comme Draxler et Di Maria, et qui ne vont pas marquer 20 buts par an, du coup il nous faut un numéro 9 comme lui qui cherche toujours la profondeur et qui ne pense qu’à marquer.

Il ne demande jamais le ballon dans les pieds ?
Très peu, parce qu’il sait que son point fort est ailleurs. Nous avons énormément de joueurs qui demandent le ballon dans les pieds, et si lui en faisait de même, alors on jouerait au milieu de terrain sans jamais arriver à la cage adverse.

C’est ce qui se passait avec Ibrahimovic.
Il redescendait beaucoup pour combiner avec nous, les milieux. Cavani restait en position de 9 pendant qu’Ibra revenait faire le numéro 10 en décrochant.

Que signifie la passe en une touche dans la relation numéro 10 – avant-centre ?

«Je pourrais jouer à une touche tout le long d’un match»

On se parle toujours lors des entraînements. Quand un milieu reçoit la balle et qu’en une touche il la donne immédiatement dans l’espace, les défenseurs centraux adverses ne s’y attendent quasiment jamais. J’aime énormément jouer à une touche. Je pourrais jouer à une touche tout le long d’un match. C’est ce que j’aime. C’est très rare que je joue à 2 touches lors des entraînements. Le « passe et va », c’est ce que j’aime.

Pour la passe décisive sur le 0-2 contre l’OM il y a 2 semaines, vous avez joué en une touche pour réaliser la passe qui tue dans le dos de la défense adverse. 
Si à la place de Cavani cela avait été un autre attaquant, alors j’aurais dû m’arrêter pour voir à qui je pouvais la donner. Mais lui fait toujours l’appel. Que tu lui donnes ou non, lui va toujours attaquer cet espace. C’est pourquoi j’ai fait cette passe, parce qu’on ne sait jamais. Et face à Marseille cela a marché. La passe était bonne mais l’action c’est lui qui l’a faite. Parce qu’un autre attaquant n’y serait pas allé, et le gardien aurait récupéré le ballon. Cavani donne de la valeur à la passe.

Cavani ne vous semble-t-il pas être l’exact opposé de Luis Suarez ?
Cavani n’aime pas les contacts. Il aime éviter les golgoths qui recherchent le contact physique. Au contraire, Suarez y va, lutte, donne des coups de coude, se met entre deux joueurs, se retourne balle au pied… C’est son point fort. Cavani s’éloigne des défenseurs pour trouver des espaces. Quasiment tous ses buts, il les marque en une touche. C’est fondamental de lui donner la passe 5 mètres devant lui. Pour qu’il puisse la jouer dans sa course en une touche.

La formation et la concurrence

Que pensez-vous de la formation française ?
C’est difficile pour les jeunes joueurs de jouer dans cette équipe car il y a un effectif avec beaucoup de joueurs reconnus. Cela dépend de l’entraîneur. Certains entraîneurs font jouer ceux qui sont les meilleurs, comme Emery. Et c’est quelque chose que je valorise énormément. Nkunku, Rabiot, Kimpembe et Augustin font partie de l’effectif depuis des années et ils n’ont pas toujours eu la possibilité de jouer parce que les joueurs devant eux avaient un statut. Cette année, Nkunku a joué plus de 15 matchs comme titulaire. C’est un grand joueur et il l’était déjà l’année dernière, mais on ne lui avait pas donné la possibilité de le montrer. En France il y a une nouvelle génération qui formera une sélection extraordinaire lors des prochaines années. Et pour moi, nous avons les meilleurs latéraux en Europe : Meunier, Aurier, Kurzawa… Il y a une vraie lutte pour montrer qui est le meilleur et qui doit jouer. Cela te force à ne jamais te relâcher. Celui qui est à 100% jouera tous les matchs. Cela marque comme cela cette année parce que nous avons 2 joueurs par poste.

Donc maintenant vous êtres en concurrence avec Draxler ?
Non. Je sais que si je suis bien, alors je jouerai. Parce que j’ai confiance en mes qualités et en ce que je dois faire. »

NB : Propos recueillis par El Pais et co-traduits par Matthieu Martinelli et Florian. Nous publions cette version intégrale de façon exceptionnelle car non-disponible en français.


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