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[Exclu CulturePSG] Entretien avec Pierre-Yves Bodineau, entraineur de l'équipe U19 Féminines du PSG [2/2]

Publié le jeudi 23 juin 2016 à 8:00 par Bruno Hermant
En ce début du mois de juin, au siège du club, CulturePSG.com a eu la chance de pouvoir s'entretenir durant presque une heure avec le coach de l'équipe U19 Féminines, qui vient de remporter la finale du Challenge National U19, le championnat de France de la catégorie, en battant Lyon (3-1) à Tarbes dimanche dernier. L'ambition et l'optimisme débordant de notre interlocuteur font que nous aurions pu évoquer ces sujets durant des heures. Petit tour d'horizon avec lui sur plusieurs sujets, seconde partie de l'entretien...

 

L'entraineur de l'U19 Féminines, Pierre-Yves Bodineau en haut à droite.

Pour revenir sur les deux finales (2014 au Mans, et 2015 contre Lyon et à Montpellier), la première est perdue de peu, on remarque que Lyon est plus collectif mais il ne manque pas grand-chose au PSG pour l'emporter, et l'an dernier, le PSG survole la saison, aucune défaite et se plante contre Lyon en une mi-temps, patatras, qu'est-ce qui s'est passé ? Ont-elles joué la rencontre avant l'heure ?

Pour revenir sur la première, on était déjà très heureux de se qualifier pour la finale. C'était historique pour le club. Et en revoyant des images de cette rencontre, on était peut-être trop heureux. Trop heureux d'avoir battu Saint-Etienne en demie et d'être qualifiés en finale. On a donné beaucoup de joie à ce moment-là, et peut-être aurait-il fallu attendre la finale pour s'en réjouir. Là, on a beaucoup appris. Parce que dans la préparation, nous étions en retard. Ce que nous avons observé avec les Lyonnaises, où tout semblait carré, que le club avait l'expérience précédente des finales.

En plus, ce jour-là, les supporters historiques du club devaient rejoindre l'enceinte du stade mais n'ont pu le faire durant notre rencontre, et vraiment, cela nous a manqué en fin de rencontre, leur soutien aurait pu faire basculer la rencontre en notre faveur. On a pris deux rapidement mais on a fait le jeu derrière pour revenir.

On avait à cœur de refaire une finale contre Lyon, avec une formule à trois, certes particulière, mais on avait la chance de recevoir l'équipe la plus forte. Et là, patatras comme vous dites, on a marqué, puis on s'est mis à reculer, en déjouant totalement, sans respecter le plan de jeu. Notamment défensivement.

La peur de gagner ? 

Peut-être oui. Mais on est passé à côté, et nous n’avons pas eu les joueuses comme le club le souhaitait. Et puis la deuxième rencontre à Montpellier est anecdotique, il nous manquait des joueuses, et la réussite nous a trahis. Six tirs pour Montpellier, quatre buts, alors qu'on dominait les débats, avec plein d'occasions en notre faveur. C'était déjà fait donc... Mais il est vrai que la douleur des défaites passées nous a beaucoup appris et nous a servi pour cette finale. Et désormais, il va falloir aller nous chercher...

Cette saison est encore exceptionnelle. Aucune défaite dans la première phase du Challenge National, une seule en seconde à Juvisy, mais avec une partie de l'effectif qui était présente avec l'équipe première…

C'était une récompense pour nous. Puisque qu'une partie de l'équipe était alignée en Coupe de France contre Lorient (NDR : 16è de finale, victoire 6-0 avec un but d'Anissa Lahmari en fin de rencontre) et c'était bien de pouvoir faire évoluer nos plus jeunes joueuses sur un match compliqué comme Juvisy. Il était peut-être présomptueux de penser aller gagner là-bas avec cette équipe-là, nous nous sommes ratés, mais des faits de jeu ont été contraires...

Au final, c'est plus l'attitude que nous avons regardée, et c'était satisfaisant. Bien sûr qu'il nous faut compter avec les résultats, c'est même une obligation. Cette défaite nous a aussi permis de resserrer des boulons.

Défaite salutaire donc, puisqu'en début de phase deux, l'équipe déroulait, peut-être se pensait-elle aller en finale sans problèmes...

Justement, c'est peut-être la défaite qui nous a permis de ne pas nous enflammer, de régler quelque chose, de ne pas se sentir invincibles. Cela a aussi permis de montrer que sans les cadres, les plus jeunes ont encore beaucoup de travail à effectuer pour atteindre leur niveau. Et les cadres ont été regonflées aussi, puisqu'elles ont senti qu'elles étaient très importantes pour ce groupe. C'est pour cela qu'avant Lyon, je n'avais aucun doute sur l’issue de ce match. Je leur ai certes remonté les bretelles en début de semaine, mais arrivé au jour J, les derniers jours, j'aurai même pu rester chez moi. Je pouvais leur laisser les clés du camion.

La finale contre Lyon cette année est une démonstration parisienne, l'équipe marche littéralement sur les lyonnaises, il peut y avoir 5-0 à la pause sans aucune discussion possible. Vous dites que c'est une déception...

Par rapport à la physionomie de la rencontre, et on en a discuté avec le staff de l'OL à la fin du match, ils étaient d'accord pour dire que si nous nous retrouvons à 4 ou 5-0 à la pause pour le PSG, il n'y a aucun débat. On peut être déçus de ce résultat parce qu'avant de commencer la rencontre, on voulait marquer des buts, nous voulions marquer le coup. Nous voulions faire plus. C'était bien aussi pour la motivation. Quand on en demande plus, on obtient aussi ce que l'on veut. Je leur ai demandé plus pour assurer le coup. On prend un but en fin de rencontre. On aurait souhaité ne pas le prendre, rien que pour la vision du tableau d'affichage, qui ne reflétait pas la rencontre.

Le fait qu'il n'y a pas d'équipe réserve, est ce que cela avantage la formation ? Comment a été prise la décision ? Reviendra-t-on à ce type de format ? Est-ce complètement oublié ?

C'est un vaste débat. Nous en étions en charge avec Julien Rigoux à l'époque. Nous avions des joueuses qui étaient vraiment dans « l'esprit club » , qui étaient aussi très intéressantes pour encadrer certaines de nos jeunes joueuses. Mais, même si le niveau était assez bon, quand on demandait à ces joueuses de se projeter en « professionnel », cela ne les intéressait pas. Elles souhaitaient rester dans le confort d'une équipe B, porter le maillot du PSG, tout donner même pour un match, mais se lancer complètement dans ce projet et en respecter toutes les contraintes, ce n'était pas, à l'époque, la priorité de beaucoup de nos joueuses. C'était des filles qui avaient des bonnes valeurs, avec un esprit amateur. Et cela ne correspondait plus à ce qu'attendait le club et ses exigences. Même ces filles-là le disaient :« Nous ne travaillons pas comme nous le devrions ». Forcément, elles étaient très déçues de quitter le PSG et cette équipe. Mais garder des joueuses dans cette équipe était aussi hypocrite. On les empêchait de se propulser, nous devions leur faire changer d'esprit. Elles donnaient tous jusqu'à la sortie de leurs études pour jouer en D1, puis au fil du temps, elles avaient aussi leurs habitudes en équipe B, en tant que joueuse du PSG. Et ce statut est quand même bien plus attractif que de jouer dans une équipe de premier plan en D2. Du coup, on perd l'esprit de compétition. Et malgré les bons résultats de l'équipe, cela nous faisait descendre des joueuses de statut international en DH...

Sachant que le championnat se développe, la réforme de la Division 2 va augmenter le niveau, que Patrice Lair est aussi attaché à ses valeurs, d'avoir une équipe réserve, mais la décision a été prise par le club, en concertation avec Farid Benstiti, moi, et l'association du PSG. Cela mettait en valeur nos jeunes. On aurait pu ne pas supprimer cette section et travailler différemment. Cette question est encore en suspens, ouverte, un sujet controversé. Mais je pense qu'on a fait un bon choix au final. Après, il est certain que cela peut être un désavantage, si la FFF autorisait les équipes réserves à monter en D2, comme l'U19 de Barcelone qui est premier de son championnat (NDR: Barcelone, comme le PSG, n'a pas d'équipe réserve véritable, mais une équipe B composée de jeunes joueuses qui pourraient toutes jouer en U19. Et le Barca est leader de la poule 3 de la Division 2 Espagnole)

Si on reste dans ce schéma, ce que j'espère, nous monterons une équipe «espoirs», entre U19 et D1, du même principe que notre équipe Cadettes, entre l'U16 et l'U19, qui sont hors championnat et qui jouent des matchs de gala. Que ce soit contre des équipes masculines de la région, ou des clubs étrangers et des tournées, à l'image de ce que font les Espagnoles, les Scandinaves, les Américaines. Proposer des oppositions choisies, de qualité. Qui auront aussi la possibilité de jouer les phases finales, les Coupes. Mais cela nous permet de jouer des adversaires de qualité, dans des conditions différentes, et ce qui fera travailler encore plus nos joueuses. Et cela nous permet aussi de faire des échanges avec les clubs de la Région qui effectuent du bon travail avec leurs équipes féminines.

En abordant le recrutement, l'an dernier, une célèbre jeune Costaricienne (NDR : Gloriana Villabolos) a rejoint le groupe, mais le club n'a pas vraiment communiqué sur son cas, savoir comment cela allait évoluer. Et d'une manière générale, comment se passe le recrutement au PSG ?

C'est un point sur lequel on est obligé de se pencher, Farid Benstiti l'avait évoqué et voulait mettre cela en place, Patrice Lair pense que c'est indispensable, nous devrions déjà avoir une cellule de recrutement spécifique. Nous avons la chance d'avoir les recruteurs des garçons qui nous aident beaucoup, qui voient des bonnes joueuses et qui nous les proposent. Que ce soit Pierre Reynaud, Jean-Paul Arbol qui sillonnent les terrains d'Ile de France, mais aussi d'autres comme Luis Ferrer, qui nous parle de joueuses sud-américaines. On a la philosophie première de recruter local. Nous savons que les talents se trouvent dans notre région. Si on doit prendre une joueuse qui vient de loin, il faut forcément qu'elle soit au-dessus du lot.

Et de plus, le club n’a pas les structures, actuellement, pour pouvoir recevoir dans les meilleures conditions une fille qui habiterait à plus de 200km de Paris. Ce créneau de plus de 2h de Paris est assez compliqué avec l'internat. On peut trouver des solutions, mais ce n'est pas notre crédo. Si cela arrive, c'est que la joueuse qui va nous rejoindre est exceptionnelle. On veut que ce soit bien fait et pas trop tôt. Plus on fait ce genre de choses tôt, plus le risque d'échec peut -être important. Nous discutons avec des parents pour un recrutement d'une jeune joueuse de 13 ans qui habite la province actuellement, nous préférons dire aux parents que la joueuse peut encore jouer une saison avec son équipe actuelle, pour ne pas la déstabiliser, la laisser dans son élément, quitte à ce qu'elle rejoigne le PSG pour effectuer des tournois de manière ponctuelle la saison prochaine avec l'équipe et rejoindre le club à l'avenir quand elle sera un peu plus âgée.

Concernant Gloriana Villabolos, on l'a suivi, elle a un parcours exceptionnel au Costa Rica. Comme nous n'avons pas encore de cellule établie, les dossiers sont moins suivis que prévu. Nous espérons vraiment progresser sur ce point particulier du recrutement, car tous les jours, on nous propose des filles du monde entier. Dont Gloriana fait partie. Nous voyons qu'elle joue dans toutes les équipes nationales de l'U17 aux A au Costa Rica, mais là encore, nous avons des filles qui sont tout à fait capables de rivaliser avec ces talents. Une joueuse comme Sana Daoudi par exemple, qui a subi quelques blessures, mais qui est d'un très bon niveau.

Deux joueuses de l'U19 qui évoluent régulièrement avec l'équipe professionnelle, Anissa Lahmari et Grace Geyoro, ont prolongé récemment jusqu'en 2019, d'autres filles qui sont actuellement en U19 vont-elles prochainement signer ? D'autres filles sont-elles amenées à rejoindre le club ?

On doit rencontrer le coach, il va leur donner une chance dès la reprise. Après, si on doit prêter des joueuses, ou les accompagner vers d'autres projets, nous le ferons, pour celles dont le coach ne serait pas satisfait ou si elles sont amenées à ne pas avoir de temps de jeu suffisant, nous les accompagnerons, parce que ce sont des filles qui ont véritablement la fibre Club. Ce sont des filles que nous suivons réellement. Elles comptent énormément pour nous. On sait ce qu'elles peuvent rapporter au club. Il faut aussi maintenant savoir être intelligent et leur permettre de s'épanouir.

Ce qui a été mené avec un joueur comme Alphonse Areola par exemple est véritablement bien joué. Je trouve que la solution est géniale et j'estime que bon nombre de filles pourraient se développer dans un contexte similaire. Même si, au final, elles ne devaient pas revenir au PSG, il y a des filles qui mériteraient d'être prêtées. Et de toute manière, elles serviraient le club, comme ambassadrices de sa formation. 

Dans quel format peut-on mettre en place ces prêts ? Les joueuses signent un contrat fédéral et elles sont prêtées ?

C'est assez nouveau. Il faut mettre un processus en place. Nous n'avons pas de Ligue spécifique. C'est la Fédération qui prend en charge toute l'organisation du football féminin. Cela commence à devenir un gros bébé pour la Fédération. Comme pour nous, on voit que cela avance très vite. Nous devons nous structurer et la FFF aussi. Avec l'arrivée encore cette saison de nouvelles sections issues de clubs de Ligue 1, nous espérons que la Fédération puisse accélérer sur ces sujets et mettre en place des solutions, voire même de créer une Ligue. Ce qui permettrait de créer de véritables contrats professionnels et de constituer des prêts de manière plus fluide.

Les prêts ne sont pas autorisés par la FFF via les contrats fédéraux ?

Ils le sont, mais ce n'est pas du tout dans les coutumes du football féminin français. C'est très peu développé. Le football féminin veut conserver un esprit de fraicheur, il est aussi, quelque part, un peu conservateur. Il faut garder cette fraicheur, mais en même temps, il ne faut pas prendre non plus les filles pour ce qu'elles ne sont pas. Elles ont une vie assez difficile malgré tout. C'est très compliqué d'être footballeuse professionnelle. Il faut aussi savoir passer par des états compliqués (blessures, manque de temps de jeu, perte de confiance...) dans une carrière. Sachant que cette même carrière ne dure pas durant 10 ans, ou du moins toutes les filles n'arrivent pas à les atteindre. Si certaines arrivent à en faire 5, c'est déjà très bien, il leur faut déjà penser à ce qui se passera après. Elles doivent, nous devons faire attention à tous ces paramètres.

Pour les neuf joueuses de votre groupe «pro», quelle est la suite donnée ?

Sur les neuf joueuses, sept étaient sous contrat fédéral et seront prolongées. Pour les deux autres, nous étudierons les choix à faire. Une des deux, pourraît signer un contrat fédéral et nous tenterons de lui trouver une solution en prêt, car elle a besoin de temps de jeu et mérite l'investissement qui est fait. Pour la seconde, tous les feux sont au vert, c'est une joueuse exceptionnelle.

Certaines ne rejoueront pas avec l'U19, du fait de leur âge, de fait, j'aimerai que d'autres filles qui sont dans ce groupe s'émancipent, notamment nos U18 comme Lina Boussaha. Nous avons quelques filles qui ont un potentiel très intéressant, je peux citer Lea Kergal, Priscilia Rinaldi, Laurine Coutenay... Beaucoup de filles à promouvoir selon moi, on verra avec le coach qui sera présente à la reprise, il aura la chance d'avoir une somme de potentiels très différents, et j'espère que cela va sourire à ces gamines et qu'elles pourront progresser avec le groupe pro à la reprise fin juillet.

Vous dites que vous allez revoir Patrice Lair pour ces sujets. Qui a le dernier mot ? Y’a-t-il une direction sportive qui prend ces choix ? Ou sont-ils pris en commun accord avec tous les techniciens ? Ou du seul fait de l’entraineur de l’équipe première ?

Question délicate. Personnellement, je milite pour qu'on sépare la formation de la compétition. Bien sûr, il faut travailler ensemble, main dans la main, pour le même objectif, à savoir être le meilleur club, avoir la meilleure formation dans le monde, ce que j'estime possible au PSG, qui peut être reconnu mondialement avant Londres, Madrid, Munich... Nous avons cette opportunité la, il nous faut la saisir. Il faut que le club dichotomise la formation et la compétition, qu'il mette des moyens et des personnes à ces postes à créer, que ce soit au recrutement comme expliqué précédemment, dans l'accompagnement, dans le sportif, pour l'équipe A et pour les équipes de jeunes. Le travail est complètement différent dans un même club pour les différentes équipes. Les moyens ne sont pas forcément financiers, il nous faut des personnes avec des idées, une philosophie commune et cohérente avec le projet du club, qui vont apporter tous les éléments aux jeunes pour, une fois arrivées à maturité en équipe première, puissent se servir de tout ce qui s'est passé avant.

On cherche à s'identifier à Barcelone, toutes les équipes du Barça jouent en 433 par exemple. Jouer à la Parisienne, c'est possible. Il suffit de déterminer ce que l'on veut faire en équipe première. Nous n'aurons jamais le même coach, il y aura toujours une philosophie différente. En revanche, nos jeunes peuvent et doivent savoir jouer dans tous les systèmes possibles, doivent savoir pratiquer le même football, à savoir porté sur l'offensive, spectaculaire, donner du plaisir aux spectateurs. Nos athlètes représentent Paris, ils se doivent de pratiquer un beau jeu et être exemplaires. Nous savons le faire, le PSG l'a démontré encore ce week-end sur tous les plans. N'importe quel coach qui viendrait prendre en charge l'équipe première au PSG sait qu'il peut s'appuyer sur nos jeunes. Nous sommes prêts à se servir de cette pépinière de talents et à promouvoir la jeunesse Parisienne.

Nous tenons chaleureusement à remercier encore une fois Pierre-Yves Bodineau pour le temps accordé à cet entretien, qui aurait pu encore durer longtemps tant le sujet était vaste, et lui souhaitons encore de nombreux succès avec la formation Parisienne, qui a la chance d'avoir un profond amoureux du club pour la défendre. 


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