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[Exclu CulturePSG] Entretien avec Pierre-Yves Bodineau, entraineur de l'équipe U19 Féminines du PSG [1/2]

Publié le mercredi 22 juin 2016 à 8:00 par Bruno Hermant
En ce début du mois de juin, au siège du club, CulturePSG.com a eu la chance de pouvoir s'entretenir durant presque une heure avec le coach de l'équipe U19 Féminines, qui vient de remporter la finale du Challenge National U19, le championnat de France de la catégorie, en battant Lyon (3-1) à Tarbes dimanche dernier. L'ambition et l'optimisme débordant de notre interlocuteur fait que nous aurions pu évoquer ces sujets durant des heures. Petit tour d'horizon avec lui sur plusieurs sujets, première partie de l'entretien...

L'entraineur de l'U19 Féminines, Pierre-Yves Bodineau en haut à droite.

Tout d'abord, bonjour Pierre-Yves, félicitations pour cette victoire dimanche, et merci d'avoir accepté notre demande. 

C'est un plaisir, merci à vous d'évoquer nos équipes de jeunes. 

Comment s'est déroulée la rencontre dimanche contre Lyon, en finale du Challenge National U19 ? 

On a surdominé cette rencontre. Des occasions en pagaille. Le PSG a un but refusé, une passe en retrait dans la surface captée par la gardienne de l'OL, une belle reprise de volée qui finit sur la barre par Laurine Coutenay, au moins un pénalty qui n'est pas accordé. On, enfin moi, en tant que coach, était déçus du résultat quelque part. Cela aurait pu terminer à plus de six buts à notre avantage, c'est ce que nous voulions. 

En sorte de revanche des deux finales précédentes ? (NDR : finales perdues face à Lyon en 2013/14 1-2 au Mans et contre Lyon et Montpellier en 2014/15 1-3 et 2-4 au Camp des Loges et à Montpellier)

Pas vraiment dans cet état d'esprit, mais plus comme une récompense du gros travail réalisé cette saison, que tout devait se passer comme nous le souhaitions. Tous les feux étaient au vert pour le PSG. Nous pourrions prendre les départs de certaines filles du PSG vers l'OL comme une trahison quelque part. Mais réellement, c'est un cadeau pour les filles qui restent. Elles vont pouvoir prendre les rênes. Je pense même sincèrement qu'elles auraient pu le faire bien avant. Vraiment. Cela aurait pu arriver sans problèmes rencontrés l'an dernier, avec par exemple Perle Morroni était au Pôle de formation de Clairefontaine la semaine. N'étant pas à disposition du PSG la semaine, elle n'a pas pu jouer les rencontres de Ligue des Champions l'an passé. Et comme l'an dernier, Laure Boulleau a eu plusieurs blessures déjà, Farid Benstiti aurait pu se servir de Morroni.

Cela aurait évité les « bricolages » à gauche, en décalant Jessica Houara-d'Hommeaux, en plaçant Sabrina Delannoy à sa place...

Farid Benstiti était déjà très déçu l'an dernier de ne pas pouvoir utiliser Morroni. C'est aussi pour cela, en plus de la volonté de la joueuse de quitter le giron fédéral, que le club a « récupéré» quasi toutes les joueuses sous contrat. Cela aurait pu être fait l'année dernière mais le cursus scolaire des filles (NDR : avec l'établissement scolaire auquel le PSG est partenaire) ne proposait pas de filière S (NDR : scientifique).

C'est chose faite dorénavant. Mais c'est donc pour cela qu'elle est restée un an de plus au Pôle. Il restait deux filles à la fin de saison dernière, Morroni et Couturier, d'autres avant elles étaient déjà sorties du programme FFF, et elles manifestent ostensiblement leur choix, revendiquant une fierté pour elles d'avoir fait le bon choix, celui de quitter le giron FFF et d'avoir rejoint la formation du PSG. Ce choix a tout de même été « sanctionné » par la FFF, puisqu'une partie d'entre elles n'étaient plus appelées par les sélectionneurs. Mais au final, elles ont été rappelées, ne pouvant faire sans...

Une sorte de « guéguérre » entre le club et la FFF en somme ?

Malheureusement, parce que la mise en place qu'a effectuée la Fédération est une très bonne idée. Elle a professionnalisée le football féminin et la formation des joueuses amenées à être « professionnelles ». Avant, toutes les joueuses passaient par le CNFE. Mais maintenant, les clubs pros veulent récupérer leurs joueuses pour les faire progresser. Cela ne date pas d'hier d'ailleurs, c'était déjà le même problème avec les garçons, jusqu'à ce que certaines structures de formation de clubs ne deviennent plus intéressants que les pôles.

Clairefontaine a toujours été considéré comme le top de la formation à la Française. Chez les filles, c'était le même topo. Les filles ont toujours été très performantes, tant qu'elles jouaient avec l'équipe du CNFE. Quand l'équipe n'a plus été alignée en D1F... Les clubs veulent récupérer leurs joueuses. Quand, avec Julien Rigoux (NDR : ancien coach de l'U19), et je tiens à saluer son travail au club car nous avons débuté ensemble, nous étions à Saint-Germain, au Camp des Loges, on avait des filles qui venaient de partout en Ile-de-France. 

Cela n'était pas viable ?

C'était vraiment contreproductif. Elles effectuaient des fois une heure et demi de trajet aller, autant pour rentrer, le tout après une heure et demi d'entrainement, quand elles arrivaient à l'heure... Les conditions n'étaient pas celles que nous avons à l'heure actuelle. Il n'y avait pas de structure médicale, peu de suivi à ce sujet. Les horaires pas vraiment adaptés non plus, avec des séances de 19h30 à 21h. Quelque part, nous mettions en péril leur scolarité, leur santé, leur intégrité physique même. Nous sommes encore un peu dans ce cas pour les petites, nous tendons à réduire ces problèmes d'horaires, et le problème des transports se pose moins, puisque leurs parents les accompagnent. On se bat pour que ces situations n'arrivent plus, car il y a déjà 30 ans, en tant qu'ancien joueur de la formation du PSG, j'ai vécu des situations similaires, dans ces mêmes conditions.

Donc le fait de s'entrainer au Stade Charléty et d'utiliser la section sportive d'un établissement scolaire du XIVè arrondissement de Paris vous facilite les choses ?

Le club s'est organisé comme cela. Il faut qu'on trouve une cohérence, puisque l'équipe première joue à Paris. Depuis 2011/12, on travaille à Paris. Cela est plus central. Et on va surtout laisser les joueuses chez elles, c'est qui ressort de notre philosophie. C'est fondamental. Pourquoi les mettre en internat ? Elles vont être contentes la première semaine, puis après au bout d'un mois... L'internat de Clairefontaine, certes, on y vit football mais c'est aussi un environnement complètement différent. C'est énormément de sacrifices pour les filles. Elles n'auront pas les mêmes opportunités que les garçons. Après, même socialement, on peut mettre des garçons en vase clos, dans une bulle, voire même hors du système scolaire, du fait de ce qu'ils représentent pour un club, surtout celui qui a une dimension énorme comme le PSG. Mais pour les filles c'est compliqué, on leur enlève beaucoup de choses. Elles sont très famille.

L'exemple concret est Lina Boussaha. Elle ne voulait pas quitter sa famille. Son club précédent ne voulait pas non plus la laisser partir. Le Pôle France voulait la prendre. La joueuse hésitait vraiment entre le PSG et Clairefontaine. Nous l'avons convaincue de rejoindre le PSG, totalement, sans passer par le giron fédéral, sans internat et qu'elle pourrait rejoindre sa famille le soir. D'autres ont fait un choix différent. Mais pour elle, il est clair que cela payera. C'est une joueuse talentueuse qui fait une très belle saison, il est fortement possible qu'elle obtienne un contrat fédéral de la part du PSG. Elle tire tout le monde vers le haut.

C'est aussi une récompense pour le club parce que toutes les joueuses avaient ce schéma pré-établi : « Clairefontaine c'est le top, le graal ». Comme c'était le cas avec les garçons, il y a 30 ans... Maintenant cela change. Et on le voit au PSG, il a de fortes chances de pouvoir s'imposer au PSG en équipe première, une tendance s'est inversée depuis quelques temps. Le titre, quelque part, et même si ce n'est pas la finalité, vient récompenser ce travail mis en avant depuis quelques années. La finalité, c'est de faire en sorte qu'elles puissent éclore et durer dans cette équipe. Les faire éclore est faisable, les faire durer, cela est bien plus dur. On sait qu'on peut le faire au PSG. Des joueurs comme Adrien Rabiot actuellement, qui ont su s'imposer en équipe première et durer, il y en a eu trop peu au PSG.

Malheureusement oui...

Là où le club a pu échouer avec nos garçons, nous savons que nous pouvons réussir avec leurs petites sœurs. 

Mais est-ce que le club, l'équipe première, peut-elle jouer et compte jouer avec une équipe seulement constituée de jeunes joueuses provenant de son centre de formation ? Nous avons une vingtaine de joueuses sous contrat, avec plusieurs étrangères. Patrice Lair a annoncé dans la presse qu'il comptait laisser partir des joueuses. Donc est-ce que ce sont des filles du groupe U19 qui prendront leur place, ou le club doit-il encore recruter des filles, comme Sarah Palacin récemment ?

C'est un peu tôt pour que je me prononce. Je l'ai rencontré. On doit se revoir prochainement  et on va plancher dessus. Il a beaucoup aimé la finale et il a vu qu'il y avait énormément de qualités, qu'on avait des talents individuels. On lui a dit qu'on était un peu moins bien collectivement, mais il a remarqué beaucoup de bonnes choses, apprécié le match et notre philosophie de jeu. Pour l'instant, on part sur de bonnes bases, elles se sont mises en valeur. On espère que ça va suivre. Le préparateur physique était très content. On va pouvoir lui proposer différents styles, différents profils, qu'elles cultivent d'ailleurs. Nous avons une variété de profils. Et nous avons une progression très importante. Certaines jouent déjà ensemble depuis cinq ans maintenant.

Farid Benstiti disait qu'on allait avoir la meilleure équipe d'Europe dans les cinq ans avec ces jeunes. Personnellement, et parce que je suis très ambitieux, je pense qu'elles pourraient accélérer les choses, parce qu'elles apprennent très vite. On remarque encore plus vite leurs progrès, tous les trois mois, une augmentation de leur niveau est visible. Il y a une évolution. Certaines ont déjà, malgré leur jeune expérience, vécu énormément de choses, tant sur le plan sportif que sur le plan extra-sportif. Nous sommes le PSG, ce n'est pas un club comme les autres. Il y a des choses à encaisser pour des jeunes filles de cet âge. Certaines ont participé à une finale de Coupe d'Europe, ce n'est pas rien à 18/19 ans. Et vivre aussi tout ce qu'elles ont vécu dans les « coulisses ».

Je sais qu'elles peuvent jouer partout, elles ont le sang-froid. Que ce soit dans des conditions idéales, ou tout son contraire. Elles peuvent aller jouer à Barcelone le samedi et se retrouver la semaine suivante dans un stade de banlieue miteux, sur une pelouse dégradée, dans un vestiaire qui pue la pisse (sic), contre une équipe de garçons, se prendre peut être une raclée au tableau d'affichage mais mettre de l'envie et vouloir proposer du jeu. C'est l'esprit que le club veut leur inculquer, qu'elles sachent toujours d'où elles viennent, qu'elles transpirent le foot parisien.

Forcément, ce n'est pas les terrains de Barcelone tous les week-ends...

Malheureusement oui, on aimerait bien mais ce n’est pas le cas.

Nous tenons chaleureusement à remercier encore une fois Pierre-Yves Bodineau pour le temps accordé à cet entretien, qui aurait pu encore durer longtemps tant le sujet était vaste, et lui souhaitons encore de nombreux succès avec la formation Parisienne, qui a la chance d'avoir un profond amoureux du club pour la défendre. Seconde partie de l'entretien disponible demain.


Vous pouvez retrouver les commentaires de l'article sous les publicités.

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