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[Entretien - 1ère partie] Michel Montana, speaker du Parc : «Mon club, c'est le PSG»

Publié le vendredi 29 juin 2018 à 17:00 par Marius Cassoly
Michel Montana, speaker historique du Parc des Princes, s'est confié durant plus d'une heure à CulturePSG. En raison de la longueur de l'entretien, nous vous proposons de le découvrir en trois parties différentes sur notre site. À travers ce premier épisode, Michel Montana nous retrace son parcours et raconte le métier de speaker.

Comment êtes-vous devenu le speaker du Paris Saint-Germain ? Il me semble que c'est une histoire de rencontres….

C'est toujours des histoires de rencontres. Je viens du milieu de la radio et de la télé. À l'époque, j'étais la voix de Canal Jimmy. C'est là où j'ai rencontré le programmateur musical du Parc des Princes, en 1993-1994. On se met à parler de musique tous les deux, puisqu'il était le programmateur de Philippe Manœuvre, notamment. Et on parle foot. Il s'aperçoit que j'aime le foot, que le PSG c'est mon club. Je suis issu de la banlieue parisienne. Et donc il me dit «Est-ce que ça t'intéresserait de devenir le deuxième speaker du Parc ?» car à l'époque il n'y en avait qu'un. Je lui ai répondu que j'en serais ravi. J'ai rencontré Bruno Barbier, le directeur marketing du club à l'époque, ça a bien matché entre nous. C'est comme ça que c'est venu.

Vous souvenez-vous de votre premier match au Parc en tant que speaker ?

C'était en avril 1994. Je crois que c'était un PSG-Monaco.

Avant de devenir le speaker officiel du Parc des Princes en 1998, vous avez donc effectué quelques piges…

Pendant deux ou trois saisons, j'ai surtout fait les matches de coupes nationales. J'ai également officié pendant des matches de Ligue des Champions, notamment face au FC Barcelone et au Milan AC. J'étais hyper content, je ne m'attendais pas à faire des matches comme ceux-là. À l'époque, c'était Thierry Dochler le speaker. Il a eu beaucoup de travail avant la Coupe du Monde 1998, car il a géré l'organisation des animations dans les stades. J'ai eu plein de boulot parce qu'il avait souvent besoin d'être remplacé. Ensuite, j'ai eu la chance d'être le speaker pour les matches du Mondial 98 au Parc des Princes. C'est à la suite de cela que le club m'a demandé de devenir le speaker officiel du club.

Êtes-vous fan de football ? Et supporter du PSG, j'imagine ?

«Dès le début, j'ai fait partie de l'aventure en tant que supporter»

Oui, bien sûr. Mes premiers souvenirs relatifs au PSG remontent au barrage retour pour l'accession en première division [ndlr : en 1974 face à l'US Valenciennes, victoire 4-2 de Paris]. J'ai assisté au match mais, j'avoue que j'en ai des souvenirs flous. Ensuite, il y a eu une longue période où je suivais le PSG de loin, parce que j'ai beaucoup voyagé. Mais, dès le début, j'ai fait partie de l'aventure en tant que supporter. C'est incroyable quand j'y repense, car jamais je n'aurais imaginé plus tard devenir le speaker.

Est-ce que vous en rêviez, ou pas du tout ?

«Je me souviens avoir fait acte de candidature spontanée à Michel Denisot»

Au début, non. Je n'étais pas du tout dans cette optique-là. Mais mon club, c'est vraiment le PSG. J'ai voyagé, et j'aurais pu perdre la fibre, ce qui n'a pas été le cas. Bien plus tard, je me souviens avoir fait acte de candidature spontanée à Michel Denisot [ndlr : président du PSG de 1991 à 1998] pour devenir le speaker du Parc, mais je n'ai jamais reçu de réponse. Je ne pensais pas que, quelques saisons plus tard, par le plus grand des hasards, j'allais exaucer mon rêve.

Justement, concentrons-nous sur le métier de speaker. À quoi ressemble la journée type d'un speaker lors d'un match au Parc ?

«La journée d'un match est uniquement consacrée au PSG»

Je commence par regarder tous les sites, lire les journaux, pour m'imprégner du match, je le fais même plusieurs jours en amont. Comme j'habite Cergy (95), je pars effectivement bien avant, puisqu'il me faut une heure et demie pour aller au Parc. La journée d'un match est uniquement consacrée au PSG. Il y a un brief avec la régie trois heures avant le coup d'envoi, j'ai un conducteur très précis à respecter. C'est vrai qu'aujourd'hui je suis plus présentateur qu'animateur, mais j'ai quand même ma petite partie très personnelle. Durant cette réunion avec la régie, on discute des animations prévues et des textes, différents à chaque match. Enfin, une heure avant la rencontre, je descends sur la pelouse.

Quel est le montant d'un salaire de speaker ? Dans une interview à So Foot, vous déclariez toucher 600 euros par match…

Ah, je ne me souviens pas de l'avoir évoqué. C'est un tout petit peu plus, mais pas beaucoup plus. Donc je vais aller voir la direction (rires).

Quelle est la nature de votre contrat avec le club ?

Je suis pigiste. La dénomination exacte, c'est «contrat à durée déterminée d'usage». Avant, j'étais employé sous la forme d'intermittent du spectacle, mais le Parc des Princes n'a plus la licence spectacle, donc ils ne pouvaient plus m'employer en tant qu'intermittent. C'est un contrat renouvelable à chaque match. D'ailleurs, l'autre fois, en fin de saison en rigolant, j'ai dit : «À bientôt, si je suis encore là la saison prochaine...» On m'a rétorqué : «Pourquoi tu ne serais plus là ?» Donc j'ai considéré que c'était un renouvellement automatique pour l'année prochaine (rires).

Speaker au Parc n'est pas votre activité principale. Que fait donc Michel Montana lorsqu'il ne donne pas de la voix tous les quinze jours ?

«Je suis comédien spécialisé dans les voix»

Et bien, il donne de la voix aussi. Euh… je ne vais peut-être parler de moi à la troisième personne. Il y a déjà Paul Pogba qui le fait bien, qu'il ne m'en veuille pas (rires). Plus sérieusement, je fais des voix justement. Je suis comédien spécialisé dans les voix. Quand on dit ça, on pense forcément au doublage. J'en ai fait, mais plus maintenant. Je fais surtout du documentaire, des films institutionnels, des films d'entreprise, de la pub, beaucoup de bandes-annonces, d'habillage [ndlr : l'identité sonore d'une radio, comme les jingles]. En ce moment, je fais des bandes annonces pour BFM Sport, du sponsoring météo pour Nostalgie. Mais, pendant longtemps, j'étais également la voix de Canal Jimmy, de Canal+ Horizons, de Radio France International, M6 Music, etc.

Comment cela se passe-t-il lorsqu'un joueur du PSG marque un but ? Quelqu'un vous glisse son nom dans l'oreillette ? On imagine que ce n'est pas forcément facile de distinguer le buteur…

«On a tout de suite tendance à s'emballer et à vouloir annoncer le but»

Alors, c'est la grande difficulté ! Je suis un peu seul au monde. J'ai toujours eu peur de me planter. J'ai encore une vue suffisamment bonne, mais ça commence quand même à décliner (rires). Et à chaque fois qu'il y a une mêlée devant le but, je me dis qu'un jour je ne vais pas reconnaître le buteur. Comme il y a des gens autour de moi qui crient le nom du buteur, j'en tiens compte de temps en temps. Mais sinon, j'essaie de demander à la régie de me confirmer le nom du buteur. Ou alors quand j'ai le temps de croiser le regard du journaliste de Canal qui est en bord pelouse, je lui demande. La première chose à faire est de regarder l'arbitre de touche, s'il lève son drapeau ou pas. Parce qu'on a tout de suite tendance à s'emballer et à vouloir annoncer le but.

Et cela vous est-il arrivé de vous tromper ?

Il y a eu deux fois. La première : quelqu'un crie à côté de moi le nom du buteur. Je lui dis «t'es sûr ?», il me répond «Oui oui, je suis sûr Michel». Résultat : j'annonce son nom, et ce n'était pas lui au final. Et il y a une autre fois où c'était un but contre-son-camp. Là, j'ai pris la responsabilité d'annoncer le nom du joueur parisien qui était à l'initiative de l'action. L'idée était de faire reprendre son nom par le Parc. Cela est plus sympa que d'annoncer un but contre-son-camp (rires). En tout cas, mea culpa pour les futurs buts annoncés à tort, ça m'arrivera sûrement à nouveau.

Avez-vous déjà eu une extinction de voix avant un match ?

Cette saison, il y a eu deux fois où je suis un peu monté dans les aigus. C'était limite mais cela a été. Là où j'ai un grand regret, c'était lors de la finale de la Coupe de France (NDLR : face aux Herbiers) au Stade de France. On n'a pas fait de répétitions. Il y avait un speaker principal, mais également les speakers des deux clubs, situés en bas de chaque virage. Et on me dit «Vas-y Michel, c'est à toi. Chauffe les supporters parisiens». Je commence à crier, et je ne m'entends pas. Pas de retour. Grande solitude. On a l'impression d'être un débutant qui n'arrive même plus à parler au micro. Il y a dû avoir un problème au niveau de leur régie. En tout cas, sur le coup, je ne m'entends pas. Et là, l'erreur à ne pas faire - mais que je fais tout de même - c'est que je crie encore plus fort dans le micro. Tout de suite, boum ! La voix cassée ! Je devais faire la composition d'équipe dix minutes plus tard. Je commence à avoir un petit peu de métier donc j'ai su gérer, mais j'ai vraiment eu peur de ne plus avoir de voix. Je m'en voulais, et je me disais, «Mince, on aurait dû faire un test».

Vous avez remporté à trois reprises le trophée de meilleur animateur de Ligue 1. Depuis deux saisons, c'est le speaker de Guingamp, Pascal Pédron, qui s'adjuge la récompense. La concurrence entre speakers est-elle rude ?

«Chaque stade a sa voix, ses particularités»

Je ne fais pas cela pour m'attirer les honneurs, même si j'étais très content, fier, de recevoir ce prix. Après, honnêtement, je ne pense pas du tout à ça tout au long de la saison. Je l'apprends souvent par hasard. J'applaudis Pascal Pédron de Guingamp, je lui dis bravo ! Ce n'est pas évident de le remporter deux fois de suite, surtout avec les moyens qu'il doit avoir. À lui de nous faire une Zidane, un troisième et il pourra arrêter (rires). Sinon, on a tous une façon particulière de travailler : chaque stade a sa voix, ses particularités. Il y en a certains qui ne l'ont pas eu mais qui le méritent. D'ailleurs, j'en profite pour rendre hommage à Dominique Grégoire de Lyon et à Jacques Breda de Toulouse, à qui leurs clubs leur ont dit au revoir de façon assez précipitée, au terme de vingt ans d'activité.

Est-ce qu'il existe des rassemblements entre speakers ?

Avant, on se voyait tous. La Ligue organisait des réunions annuelles. Malheureusement, cela ne se fait plus. Donc j'en profite pour passer un message à la Ligue : s'ils peuvent de nouveau organiser ce genre d'événement, cela serait bien. C'est sympa de se rencontrer, car on en n'a jamais l'occasion.

Avez-vous eu des sources d'inspiration au niveau des speakers mondiaux ?

Non, pas spécialement. J'en découvre maintenant par hasard sur les réseaux sociaux. Chacun a son style et c'est d'ailleurs cela qui fait l'originalité de chaque stade.

Votre notoriété s'est largement construite autour de votre voix. Cependant, on vous voit également de temps à temps sur l'écran du Parc des Princes. Est-ce qu'on vous arrête parfois dans la rue, pour vous saluer ?

«Depuis un an, on m'arrête souvent dans la rue»

(Rires) J'ai toujours voulu rester une voix. Au départ, je n'avais pas forcément envie de retrouver ma tête sur les écrans géants. Mais depuis deux, trois saisons, c'est vrai qu'on me reconnaît parfois dans la rue. Je ne me rends pas compte que je passe souvent à la télé, parce que je suis dans l'axe des caméras. Mais moi, je n'en ai pas conscience. Depuis un an, cela arrive très souvent qu'on m'arrête dans la rue. Et parfois dans des situations auxquelles je ne suis pas préparé (rires). Il y a plusieurs fois où je me suis retrouvé en train de faire mes courses dans un supermarché, en short, à l'aise, et d'un seul coup on vient me demander des selfies. Quand je suis allé à Bordeaux pour la finale de la Coupe de la Ligue, j'ai halluciné. Le lendemain du match, je suis resté une journée de plus pour visiter la ville, et j'ai été arrêté plusieurs fois. C'est sympa, on discute de foot. Il y a même un supporter parisien du Sud-Ouest de la France qui m'a dit : «Je suis plus heureux de vous rencontrer vous plutôt qu'un joueur de l'effectif». Cela m'a énormément touché.

N.B. : La deuxième partie de l'entretien est disponible ici.

N.B. : La troisième partie de l'entretien est disponible ici.


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