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Takerboucht : «En Algérie, j'étais en mode survie»

Publié le mardi 27 décembre 2016 à 18:40 par Dubdadda
Son nom ne vous dit peut-être pas grand chose mais Yannis Takerboucht a longtemps été considéré comme un grand espoir de la génération 93 du PSG au même titre que Youssouf Sabaly, Alphonse Areola ou encore Philtzgérald Mbaka. A travers le long entretien qu’il nous a accordé, l’ancien latéral droit parisien est revenu sur son parcours chaotique qui l’a mené en six ans du statut de meilleur joueur de la finale du championnat de France U17 et capitaine des U19 Nationaux à l’anonymat des pelouses de CFA2. Dans cette seconde partie, le joueur d’Aubervilliers revient sur l'après-PSG et ses deux expériences malheureuses en Espagne puis en Algérie.

La tentation espagnole

Comment s’est passé l’été 2014, à la fin de ton contrat stagiaire au PSG ?

En février, j’ai participé à une réunion durant laquelle on a discuté avec le club de mon avenir. J’avais un agent à ce moment-là, le même que Youssouf (Sabaly) et à l’époque le PSG m’a fait comprendre que c’était bouché au milieu. J’ai préféré poursuivre l’aventure ailleurs.

«Le président du club m’a appelé pour me dire qu’il me voulait. Finalement, je suis rentré et je n’ai plus jamais eu de nouvelles.»

Je me suis mis à la recherche d’un nouveau club. Yvon (ndlr : dirigeant historique de l’Association) m’a donné lors du dernier match un numéro de téléphone à appeler. C’était Evian qui me voulait en tant que latéral droit et j’avais obtenu alors un rendez-vous avec Dupraz et un dirigeant. Au même moment, Getafe m’a proposé un essai. Je pensais que c’était pour le groupe pro, au poste de milieu défensif, alors j’ai appelé mon agent pour lui dire que j’allais en Espagne. En fait, c’était une détection pour la réserve et c’était n’importe quoi (soupirs). Une fois l’essai terminé, l’agent m’a appelé pour me dire que n°6 à Evian ce ne sera pas possible. J’ai réalisé ensuite un essai en Suisse à Lugano en deuxième division. Je me souviens avoir marqué un très joli but de loin en lucarne puis le président du club m’a appelé pour me dire qu’il me voulait. Finalement, je suis rentré et je n’ai plus jamais eu de nouvelles.

Je voulais rester en France mais un agent m’a appelé pour dire qu’il avait un truc pour moi, une semaine d’essai à Santander. J’ai marqué pendant la première opposition puis lors d’un match amical au cours duquel j’avais évolué en 6. Le coach était content et me voulait. Il y a eu des soucis entre agents et je suis resté finalement deux semaines à dormir dans un centre sans eau chaude ni internet. A un moment donné, j’ai même voulu tout arrêter car on a dépassé le délai pour signer pro. Finalement, j’ai signé uniquement stagiaire avec une place tout de même dans le groupe pro. Si l’équipe première montait en première division, mon contrat prévoyait aussi une prime.

Malheureusement, l’aventure a tourné court. Peux-tu nous expliquer ce qui s’est passé ?

«J’ai vraiment craqué et heureusement qu’il y avait Philtzg (Mbaka) à ce moment-là. On a pris un appart ensemble et j’ai vécu seulement avec mes économies parisiennes.»

Je n’ai tout simplement jamais été payé ! Deux semaines après signature à Santander, le club est rétrogradé en troisième division pour fraude et c’était alors le trou noir dans ma vie. J’ai vraiment craqué et heureusement qu’il y avait Philtzg (Mbaka) à ce moment-là. On a pris un appart ensemble et j’ai vécu seulement avec mes économies parisiennes. Elles n’étaient pas très importantes car lors de ma dernière année de contrat à Paris, je m’attendais à signer pro quelque part donc j’ai pas mal donné à ma famille. J’ai vraiment pété un plomb. Je ne suis plus allé à l’entraînement, mon niveau a baissé en flèche et heureusement des amis comme Youssouf (Sabaly) m’ont aidé en m’envoyant de l’argent. Je suis revenu en France durant l’hiver sans être libéré de mon contrat. Par la suite, j’ai gagné mon procès contre le club espagnol.

Du Racing Santander à l'AS Poissy

De retour en France, comment as-tu tenté de rebondir après cette douloureuse expérience espagnole ?

J’ai réalisé un essai en décembre à Uzès en National (photo). Je n’étais pas au top physiquement mais tout s’est bien passé. J’ai joué au poste de latéral droit et il y avait le frère de Mandanda à l’époque. Malheureusement, je me suis claqué le dernier jour, j’étais dégoûté et je suis retourné au quartier. La période a été très compliquée. Je me suis entraîné tout seul mais avec personne derrière, c’était très difficile. Heureusement, grâce à mon CV, beaucoup de personnes m’ont fait des propositions. Je suis allé en Bulgarie par exemple mais une fois là-bas, j’ai abandonné, puis aussi en Norvège.

«A ce moment-là, j’étais un peu dégoûté du foot, j’avais des kilos en trop mais je me disais que je pouvais pas lâcher comme ça.»

Le seul essai pour lequel j’ai encore aujourd’hui des regrets c’est au Los Angeles Galaxy en février 2014. L’agent m’avait appelé à l’époque pour effectuer quinze jours d’essai là-bas car le club voulait constituer un groupe élite, une sorte de réserve. A ce moment-là, j’étais un peu dégoûté du foot, j’avais des kilos en trop mais je me disais que je pouvais pas lâcher comme ça. Je me suis envolé pour Los Angeles et j’ai été impressionné par la qualité des infrastructures qui étaient pratiquement mieux que celles du PSG. Il y avait des joueurs de foot qui venaient des quatre coins du monde. J’étais à la rue physiquement, et ce dès le premier footing alors que durant mes années au Centre je faisais toujours les meilleures scores dans les exercices physiques. A la fin du premier entraînement, un dirigeant m’a convoqué dans le bureau et m’a expliqué que j’étais le seul à ne pas avoir effectué des préselections et qu’ils étaient très déçus par mon niveau. Ils m’ont proposé soit de me prendre un billet retour le lendemain soit que je termine le séjour à leurs frais mais sans m’entraîner avec eux. Je leur ai donné raison et j’ai fini mes 15 jours à Los Angeles.

Durant l’intersaison, Jean-Luc Vasseur m’a proposé un essai à Créteil. Cela ne s’est pas trop mal passé mais à ce moment-là je ne sortais vraiment pas du lot.

Durant l’été, tu as choisi le FC Mantois (Yvelines) en CFA avant finalement de t’engager avec Poissy en CFA 2 quelques semaines plus tard. Que s’est-il passé ?

Je souhaitais retrouver une CFA et le FC Mantois m’a proposé un contrat. Mbaka a décliné l’offre mais personnellement j’ai dit oui. Avec ce que je touchais de Pôle Emploi, je limitais la casse financièrement. J’ai fait tous les matches de préparation au poste de latéral droit et j’étais assez bien physiquement. Lors de la première journée de championnat, l'entraîneur n’avait aucun joueur disponible à mon poste et pourtant je n’ai pas été pas convoqué. Je suis allé le voir directement pour tenter de comprendre sa décision mais le dialogue était très compliqué. J’ai décidé de quitter le club et le président m’a même appelé pour me dire qu’il me comprenait. Cinq jours plus tard, j’ai rebondi à Poissy en CFA2.

Tu as laissé un excellent souvenir à Poissy avec une montée en CFA à la clé. Pourquoi n’es-tu pas resté au club une année supplémentaire ?

J’ai couru après mon physique toute l’année mais j’ai bien joué quand j’étais disponible. Je me souviens avoir marqué le but de la montée contre le premier ! Je voulais rester mais j’ai fait un autre mauvais choix (soupirs). A l’époque, je croulais sous les dettes à cause de l’Espagne, je n’avais plus d’argent et je vivais seul. Dans ma vie et dans ma tête, je n’étais pas bien, malgré les bons résultats. J’étais toujours à découvert, j’étais livreur à Saint-Germain jusque tard dans la nuit. Durant l’été, j’ai eu des propositions de l’étranger et Poissy m’a proposé le contrat que je voulais. Dans le même temps, plusieurs agents envoyés par des clubs algériens m’ont contacté (JSK, Mouloudia) et je leur ai dit que j’étais ouvert à une discussion.

La signature de son premier contrat professionnel en Algérie

Finalement, tu as choisi de t’envoler pour l’Algérie et le club du RC Arbaâ (première division) durant l’été 2015.

«Si j’avais su ce qui allait se passer, j’aurais négocié des mois d’avance comme d’autres recrues.»

J’ai eu le président du RC Arbaâ au téléphone qui m’a dit que son club était structuré, depuis quatre ans en première division et que j’allais jouer tous les matches. J’étais tellement en galère que lorsqu’il m’a parlé du montant du contrat, j’ai pris mon billet pour Alger. J’ai rejoint mes coéquipiers en Tunisie au cours d’un stage et j’ai signé un contrat de trois ans dans le bureau de l’hôtel au dernier moment. Si j’avais su ce qui allait se passer, j’aurais négocié des mois d’avance comme d’autres recrues (ndlr : 12 joueurs français recrutés lors du mercato). Lorsque l’on est rentré en Algérie, les ennuis ont commencé. On était logé dans une villa insalubre, dans un village paumé. Ce jour-là, j’ai pété un plomb et je leur ai dit «soit vous me payez un appart, soit je m’en vais». Ils n’avaient personne à mon poste donc ils ont accepté ma demande. Etant donné que je pensais être bien payé, j’ai meublé l’appartement en utilisant l’argent que je venais de gagner grâce au procès contre le Racing Santander.

Pourtant, je n’ai jamais été payé et j’ai joué seulement 10 matches sur la saison. Je n’allais pas aux entraînements mais je ne pouvais pas partir car il fallait absolument que je récupère mes salaires impayés. C’était un bourbier de malade (sic), l’équipe a changé quatre fois d’entraîneur et j’ai cherché des avocats. Il y a énormément de soucis de paiement et de corruption dans le football algérien et il m’a fallu deux jugements pour obtenir gain de cause. J’ai appris seulement en octobre dernier que j’allais pouvoir récupérer 10 mois de salaire. Les derniers mois en Algérie étaient très durs, je n’avais pas d’argent, pas de voiture, j’étais en mode survie. J’ai quitté le pays cet été, seulement après avoir trouvé les bons avocats.

Après deux expériences douloureuses en Espagne et en Algérie, tu as dû énormément réfléchir cet été à la suite de ta carrière, n’est-ce pas ?

«Je me suis rendu que lorsque mon physique est au top je pouvais encore être bon. Aujourd’hui, j’ai envie de faire une top saison et de me laisser une dernière chance.»

Oui, j’ai eu une proposition en provenance d’Oman, tout comme Mbaka et Ayina (ndlr : les deux anciens Parisiens ont signé au FC Oman) qui ont le même agent que moi. Cela ne s’est pas concrétisé, j’ai 23 ans et je veux arrêter de me perdre à aller chercher de l’argent. On m’a proposé un essai en première division en Turquie mais cela ne s’est pas fait. Je me suis retrouvé à réaliser une préparation physique avec Ikoné, des joueurs de Leicester, Arsenal. Je me suis rendu que lorsque mon physique est au top je pouvais encore être bon. Aujourd’hui, j’ai envie de faire une top saison et de me laisser une dernière chance. Si cela ne marche pas, il sera encore temps à 24/25 ans d’aller dans des championnats exotiques.

Pourquoi ton choix s’est-il finalement porté sur Aubervilliers en CFA 2 ?

Après un an de contrat pro à l’étranger, j’étais obligé de signer un contrat fédéral en CFA ; or ce type de contrat est limité par club car ils prennent tout à leur charge. Je n’ai pas réussi à trouver un club de CFA et j’ai décidé d’être reclassé amateur en CFA2. Cela s’est super bien passé avec Aubervilliers et son coach. Malgré quelques pépins physiques en raison de la digestion de ma grosse préparation, le club est aujourd'hui satisfait de moi.»

Les deux autres parties de l'interview :


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