Bien qu'en échec au PSG, Lucas Digne reste un joueur compliqué à remplacer, tant à cause des espoirs qu'il continue de représenter que de la vision particulière qu'a le staff parisien de la concurrence. Et la gestion en amont n'a rien arrangé, bien au contraire.
Deux ans après son arrivée à Paris, Lucas Digne s'apprête à rejoindre l'AS Roma en prêt, mettant fin de façon provisoire à son échec parisien. Pour autant, lui trouver un successeur n'est pas des plus aisés.
Une succession tardive et longtemps refusée
Annoncés depuis le début de l'été, les espoirs de départ du jeune latéral gauche ont mis du temps à se concrétiser et ne le sont d'ailleurs toujours pas à 100%, le PSG tardant à valider le départ en Italie de Digne tant qu'il ne lui aura pas trouvé un remplaçant. Retarder le départ de Digne, c'est à peu près ce que les décideurs parisiens ont fait tout l'été. Le latéral gauche n'avait déjà pas mis beaucoup de chances de son côté en ratant sa saison dans les grandes largeurs et les demandes parisiennes n'ont pas aidé à le laisser partir. Acheté 15M€ en 2013, Lucas Digne ne vaut sûrement pas ce prix-là en 2015, même à un poste où les bons joueurs sont rares, donc chers. C'est pourtant cette somme qu'ont espéré les dirigeants parisiens durant les deux tiers du mercato avant de se rendre à l'évidence : personne ne mettra autant d'argent sur Digne, le club acheteur devant en plus assurer un confortable salaire à un joueur payé 250 000€ brut mensuels au PSG.
Pendant un moment, le staff technique du PSG a même cru pouvoir repartir pour une saison avec l'attelage Maxwell/Digne, les prétentions du club freinant les prétendants au jeune Français. Il n'en a rien été et Digne va obtenir aujourd'hui ce qu'il a demandé il y a deux mois et demi : son départ. Mais le PSG n'entend pas pour autant abandonner son joueur et les conditions du prêt rendent son retour en juin 2016 des plus probables puisque l'option d'achat est fixée entre 16 et 25M€ selon les sources des différents pays. L'AS Roma ayant multiplié les opérations de ce genre cet été avec Dzeko, Salah ou Bruno Peres, il va falloir faire des choix dans un an et le latéral gauche parisien a peu de chances de signer définitivement à la Louve, son option d'achat étant parmi les plus élevées du lot.
Cela tombe bien, le but du club parisien semble être de récupérer son joueur régénéré et plus mûr dans un an, l'AS Roma offrant à Digne le temps de jeu que le PSG ne peut lui garantir et dont souffre tant l'ancien Lillois, en manque permanent de rythme depuis deux saisons. L'idée semble bonne sur le papier, et le faible nombre d'acheteurs rendait la vente compliquée, mais le temps a filé et il est désormais bien plus compliqué de convaincre un club et un joueur de bon niveau de venir renforcer le PSG à cet instant du mercato, avec seulement quinze jours pour se retourner. On ne remplace par un cador en quinze jours, à moins de surpayer.
Maxwell géré comme Motta
Ce qui complique encore plus la succession de Lucas Digne, c'est également l'attitude qu'ont les décideurs parisiens avec le titulaire du poste, Maxwell. A bientôt 34 ans (il les aura fin août), Maxwell joue sa dernière saison en Europe et il débute la saison dans l'esprit du staff technique comme un joueur indéboulonnable. Techniquement irréprochable, défensivement très fiable, offensivement juste, il présente un bagage de joueur de très haut niveau que Lucas Digne n'a jamais su remettre en question durant les deux années au cours desquelles ils ont été en concurrence.
Pour autant, il en sera fini de Maxwell à Paris dès la saison prochaine et le PSG va devoir chercher un remplaçant à moyen terme, comme pour Motta ou Ibra, ses trentenaires de grande qualité rattrapés par le poids des ans, au grand dam des décideurs parisiens. Si le cas d'Ibrahimovic est particulier pour des raisons d'image, ceux de Maxwell et Motta peuvent largement être rapprochés : ils sont intouchables à leurs postes respectifs, ne subissent que très peu le poids des ans et n'ont que peu d'équivalents en Europe, à moins de sortir le chéquier. Or, le PSG pourrait se le permettre mais ne le souhaite visiblement pas.
La raison est simple et évidente : Paris ne veut pas mettre ses deux vétérans en concurrence. Le PSG cherche une doublure capable de les laisser se reposer et sûrement pas un joueur capable de les concurrencer. Quand le PSG prend Stambouli, c'est Motta qu'il conforte, alors même que l'Italien n'est pas éternel et prêt à partir. Pour Maxwell, la situation est strictement la même : Paris propose un rôle de doublure, refusant d'ouvrir le poste alors qu'il va pourtant être à pourvoir dans moins d'un an. La situation est d'autant plus aberrante que Motta et Maxwell ont évolué durant toute leur carrière dans des contextes de forte concurrence, les deux joueurs ayant fréquenté les plus grands clubs européens. C'est finalement à l'âge où ils sont le plus proche de rendre les armes qu'ils sont le moins inquiétés, une situation complètement illogique.
Quand le PSG pense à l'envers
Pire, le PSG sabote son avenir à moyen terme pour mettre dans le confort des joueurs dont le départ est d'ores et déjà programmé, refusant ainsi d'anticiper le futur tout en annihilant une concurrence censée booster son présent. Motta lui-même en réclamait il y a quelques mois, expliquant qu'elle était nécessaire, même si elle pouvait se retourner contre lui. Dans le cas de Maxwell, professionnel exemplaire, il y a peu de chances de le voir exploser sous prétexte qu'il ne joue plus, le Brésilien n'ayant que quelques mois à passer sur le banc en cas de concurrent supérieur. Durant toute sa carrière, il a d'ailleurs régulièrement subi les effets de la concurrence et l'a toujours acceptée.
Aujourd'hui, la difficulté de recruter un arrière gauche se retrouve dans cette volonté du PSG de ne pas trancher : non seulement Digne part dans l'optique de revenir mais son successeur ne peut rien espérer à court terme, le club ne souhaitant pas ouvrir la voie de la concurrence. Dans ces circonstances, la succession annoncée de Lucas Digne a tout l'air d'un bourbier que le jeune Français fait bien de quitter. Paris cherche un Digne bis, voire moins, soit un joueur qui va assurer en L1 sans avoir aucun espoir de jouer les matches qui comptent. Pour cela, il n'est pas prêt à faire de folies mais le marché ne lui offre même pas la possibilité de le faire vu le temps qu'ont perdu les dirigeants et leur volonté de voir Digne revenir dans un an. Et même si un joueur voudrait défier Maxwell et l'emmener sur le terrain de la concurrence, le plus gros frein semble être dans la tête des dirigeants.
Outre ce problème de mentalité, la gestion du timing montre particulièrement à quel point le PSG a réfléchi à l'envers sur le dossier. Le joueur annonce son envie de partir en début de mercato, voire même avant vu qu'il était évident qu'il n'allait pas cirer le banc pour une troisième année consécutive, et le club se retrouve coincé à quinze jours de la fin de la période des transferts car il n'a pas anticipé cette situation. Le joueur n'est ni resté ni vendu tandis que son successeur n'est pas prêt. Que le PSG se retrouve coincé dans le cas de Motta est compréhensible car son profil est rare, mais qu'il le soit car il n'a pas prévu le départ de son arrière gauche remplaçant est beaucoup moins acceptable. Il semble même être la preuve que ce sont les derniers événements qui guident les dirigeants parisiens plus qu'un plan de route établi. Et pour Paris, plus que l'avenir de Digne, c'est probablement le plus inquiétant.
Aujourd'hui, tous les clubs avec lesquels le PSG négocie se retrouvent en position de force à cause de ce timing raté. Soit le PSG va payer plein pot, ce qu'il voulait éviter au départ en prenant un joueur de second rang, soit il va se retrouver avec une solution sportivement moins performante. Mais, dans tous les cas, il ne paye que son manque de vision à moyen terme, alors même que la réelle succession, celle de Maxwell, n'a toujours pas commencé.
