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Pourquoi les premiers contrats professionnels sont de 3 ans maximum en France

Publié le lundi 15 juin 2020 à 13:13 par Philippe Goguet
A l'heure où le PSG s'apprête à perdre les jeunes Tanguy Kouassi et Adil Aouchiche (en photo avec Kenny Nagera qui va, lui, signer pro au PSG), le débat sur la durée maximale de trois ans pour les premiers contrats professionnels resurgit, le club de la capitale s'estimant fortement lésé par cette règle. Petit décryptage de cette loi si particulière du football français qui gêne tant les clubs de l'Hexagone.

Une loi française de 1999 qui fait toujours foi

Pour la seconde fois en quelques mois, Leonardo a tiré le signal d'alarme sur une des règles du football français qui gêne plus les clubs : « Le règlement est cruel. Dans le cadre actuel, avec des contrats aspirants ou pro limités à trois ans, les jeunes qu'on forme ont la possibilité d'être libres de s'engager à l'étranger à 18-19 ans, à l'âge où ils sont prêts à jouer. C'est terrible pour les clubs car ça nous place dans des situations complexes où on a le choix entre laisser filer ou surpayer. » Ce cri du cœur du directeur sportif parisien exprimé dans le JDD et partagé par de nombreux autres dirigeants de l'Hexagone est un combat de longue date des clubs.

En France, c'est depuis la loi de 1999 relative à l’organisation d’activités physiques et sportive que le premier contrat professionnel d'un joueur issu d'un centre de formation est limité à trois ans, une durée qui se justifiait à l'époque mais beaucoup moins aujourd'hui aux yeux des clubs. Pour autant, cette durée maximale de trois ans est toujours inscrite dans la loi française puisqu'il s'agit de l'article L2115 du code du sport. Dans ses règlements, la LFP qui gère le football professionnel français se conforme donc à cette loi :

« L'accès à une formation dispensée par un centre mentionné à l'article L.211-4 du présent code est subordonné à la conclusion d'une convention entre le bénéficiaire de la formation ou son représentant légal et l'association ou la société sportive. La convention détermine la durée, le niveau et les modalités de la formation.

Elle prévoit qu'à l'issue de la formation, s'il entend exercer à titre professionnel la discipline sportive à laquelle il a été formé, le bénéficiaire de la formation peut être dans l'obligation de conclure, avec l'association ou la société dont relève le centre, un contrat de travail défini aux articles L. 222-2 à L. 222-2-9 du présent code, dont la durée ne peut excéder trois ans. »

Problème, la France est la seule à appliquer cette durée maximale de trois ans alors que les clubs étrangers peuvent proposer des contrats de plus longue durée, allant jusqu'à cinq ans voire même six ans dans certains pays. Des durées qui permettent de proposer des projets sportifs au long cours à des jeunes joueurs dont le niveau est souvent trop juste pour évoluer avec l'équipe première parisienne. Rares sont les Tanguy Kouassi dont la maturité est exceptionnelle et un plan sur cinq ans est souvent plus raisonnable que sur trois ans.

Les clubs avaient presque réussi à allonger cette durée mais...

Coincés par cette limite des trois ans, les clubs avaient toutefois proposé dès 2018 via des députés un projet de loi, notamment l'amendement n°AS153, de passer la durée du premier contrat professionnel de 3 à 5 ans. Enregistré en mai 2018, l'amendement n'avait même pas été débattu par l'Assemblée nationale mais pourtant adopté et il allait être présenté au Sénat en juillet de la même année comme expliqué par le site du cabinet d'avocats Bertrand & Associé.

Un amendement en faveur « des dirigeants qui souhaitent bloquer les jeunes joueurs le plus longtemps possible. »

Il n'en fut finalement rien puisque la Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs (FNASS) a immédiatement exigé et, surtout, obtenu le retrait de cet amendement. La FNASS dirigée par Sylvain Kastendeuch justifiait dans un communiqué de presse sa demande de retrait de l'époque par une raison simple : « En allongeant le premier contrat professionnel des sportifs (pourquoi des sportifs seulement et de manière pernicieuse ?) de 3 à 5 ans dans un amendement à la loi sur la formation professionnelle – qui impacte le code du sport -, les députés, soutenus dit-on par le cabinet de la ministre des Sports, ont ainsi répondu à l’attente des dirigeants (principalement ceux du football), qui souhaitent bloquer les jeunes joueurs le plus longtemps possible. »

En allongeant effectivement la durée du premier contrat professionnel de trois à cinq ans, un joueur entrant dans un centre de formation à l'âge de 15 ans n'aurait effectivement pu retrouver sa liberté contractuelle qu'à l'âge de 25 ans à l'issue des cinq ans de son contrat professionnel. Une vérité qui ne tient compte que du parcours classique entre l'entrée en centre de formation et le passage au niveau professionnel :

  • Contrat aspirant de 15/16 à 17/18 ans
  • Contrat stagiaire de 17/18/19 à à 20 ans
  • Contrat professionnel de 20 à 25 ans

Problème, ce parcours n'est aujourd'hui plus du tout d'actualité pour la majorité des joueurs évoluant en centre de formation. Aujourd'hui, les premiers contrats professionnels se négocient dès la fin du contrat aspirant, comme c'est le cas pour Kouassi ou Aouchiche, voire même encore plus tôt. Le contrat stagiaire n'existe pratiquement plus et ne concerne plus les joueurs les plus forts, qui sont logiquement les plus demandés. Pour les clubs professionnels, il faut faire signer un contrat professionnel au plus vite pour se protéger.

L'exemple de Timothée Pembele

Membre de la génération 2002 comme ses deux coéquipiers sur le départ, Timothée Pembele a par exemple signé son premier contrat professionnel dès le mois de juillet 2018 alors qu'il n'avait que 15 ans à peine. Dix mois plus tôt, en octobre 2017, il avait signé son contrat d'aspirant. Le joueur qui est convoqué pour la reprise de l'équipe première va intégrer le groupe professionnel à 17 ans, ce qui est déjà précoce vu le niveau requis pour intégrer le groupe de Thomas Tuchel.

Problème pour le PSG, il n'a déjà plus qu'un an de contrat professionnel ! Au cours de la saison et alors qu'il ne devrait jouer au mieux que des bribes de match, le club de la capitale, notamment son directeur sportif, va donc devoir renégocier avec l'entourage du joueur pour le convaincre de s'inscrire dans la durée avec son club formateur. Avec face à lui des clubs français et étrangers promettant monts et merveilles au jeune latéral droit, notamment un temps de jeu logiquement plus important qu'à Paris.

Après avoir déjà négocié pour le premier contrat du joueur, Paris se retrouve dans la même situation quelques années plus tard alors que le joueur n'est, logiquement, qu'à peine apte à jouer en professionnels. Avec un contrat de cinq ans plutôt que celui de trois signé en 2018, le club de la capitale aurait eu le joueur sous contrat jusqu'en 2023, soit jusqu'à ses 21 ans à peine (et même 20 ans vu que Pembele est né en septembre 2002 et que les contrats se finissent au 30 juin). D'où la logique complainte de Leonardo concernant cette durée maximale de trois ans pour un premier contrat professionnel...


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