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A quel point Keylor Navas peut-il faire mentir les statistiques ?

Publié le jeudi 21 janvier 2021 à 11:21 par Thibaut B. / ParisStatsGermain.fr
Auteur de quatre nouveaux arrêts samedi (victoire 1-0 du PSG à Angers), dont un de grande classe sur la tête à bout portant de Diony, Keylor Navas est actuellement sur un nuage. A tel point qu’il remet en cause les modèles statistiques comme les expected goals. Est-ce que cela peut durer sur le long terme ? Tentative de réponse.

Un premier constat collectif tout d’abord : le PSG est la meilleure défense de Ligue 1 avec seulement 11 buts encaissés en 20 rencontres. Mais, si l’on se fie aux expected goals, l’équipe de la capitale aurait dû encaisser 21.5 buts, soit près de deux fois plus.

Le PSG aurait dû encaisser deux fois plus de buts !

D’ailleurs avec 21.5 expected goals against, le PSG ne présente que la 5e meilleure défense du championnat. Cet écart de 10.5 buts entre les buts attendus et les buts réellement encaissés (soit 0.5 par match !) est le plus important de toutes les équipes de Ligue 1 (courbe grise ci-dessous).

Cet écart interpelle d’autant plus que la saison dernière, déjà avec Keylor Navas dans les buts, le PSG avait fini l'exercice de Ligue 1 avec un nombre de buts encaissés légèrement supérieur aux expected goals against (24 contre 22.4).

Un indicateur statistique avancé, les Post Shot Expected Goals, permet de mesurer la performance des gardiens

On peut trouver deux grandes explications à ce différentiel de 10.5 buts entre les buts pris et les buts attendus : la maladresse des attaquants adverses d’une part, et la performance des gardiens parisiens d’autre part. Un indicateur, disponible sur le site fbref.com, permet de mesurer cette dernière : les Post Shot Expected Goals, version complémentaire des expected goals. Ils ne se contentent pas d’analyser la position du tir adverse mais également sa qualité réelle.

En effet, un tireur peut tout à fait bénéficier d’une position extrêmement favorable (c’est-à-dire avec un taux d’expected goal élevé) mais ne pas trouver le cadre. Le gardien n’y est alors pour rien (son PSxG sera nul sur cette action). A l’inverse, une frappe d’une position anodine (faible expected goal) peut générer un arrêt difficile (et donc un PSxG fort) pourvu que le tireur ait surperformé par rapport au modèle.

Les Post Shot Expected Goals nous apprennent ainsi que les gardiens du PSG ont évité 7.1 buts cette saison en Ligue 1 : 5.2 pour Navas, 1.6 pour Rico et 0.3 pour Bulka. Donc sur les 10.5 buts « non pris » par le PSG, la majorité (7.1) provient d’exploits de leurs gardiens et un tiers (3.4 buts) de la maladresse des attaquants adverses qui n’ont pas trouvé le cadre malgré des positions de tirs favorables.  

Navas, avec ses 15 matches de Ligue 1 disputés, est le principal responsable de ce constat. C’est surtout lors des derniers matches (depuis la partie à Lille précisément) qu’il a généré une part importante de l’écart constaté en encaissant un seul but (à St Etienne, sur une erreur de relance de sa défense) contre 3.5 attendus. C’est cependant en début de saison lors du match à Nice qu’il a réalisé la meilleure performance sur une rencontre en évitant 1.5 but en tout, en repoussant les assauts de Lopes, Gouiri et Atal notamment.

Comme le montre le graphique ci-dessus, il n’y a donc que deux matches de Ligue 1 cette saison où les buts qu’il a encaissés ont été supérieurs aux buts qu’il aurait dû prendre (l’aller contre Angers et face à Lyon). Un gage de pérennité ? Pas sûr : en Champions League, le tableau est moins favorable, même il reste légèrement positif (6 buts encaissés contre 6.1 PsxG). Et la saison dernière, il présentait une balance défavorable en Ligue 1 de 2.5 buts.

Ces 7.1 buts évités cette saison en Ligue 1 font en tous cas des gardiens du PSG les plus efficaces du championnat après 20 journées, devant ceux de Metz (4.7) et Dijon (3.1). Pas vraiment des candidats au titre soit dit en passant…

Au niveau des individualités, Navas présente le meilleur écart de tous les gardiens de Ligue 1 entre les buts encaissés et les PsxG (5.2). Il devance le dijonnais Racioppi qui a empêché 4.1 buts et le messin Oukidja (4 buts). Lopes (Lyon) est 4e et Mandanda (Marseille) 5e.

Oblak, meilleur gardien d’Europe cette saison

S’il veut trouver des concurrents à son niveau, c’est dans les autres ligues européennes que Navas doit les chercher. Parmi les 5 grands championnats du vieux continent, ils sont deux à faire mieux que ses 5.2 buts évités. Le premier, Jan Oblak (Atletico Madrid), n’est pas vraiment une surprise et domine avec 6.1 sauvetages.

Le second du classement va faire sourire les supporters de la capitale puisqu’il s’agit d’Alphonse Areola ! L’ancien Parisien a certes encaissé un nombre relativement important de buts (23 en 16 matches avant le Fulham/MU d'hier soir), mais il aurait dû en prendre encore plus selon le modèle statistique. Il se classe donc second de ce classement des gardiens des cinq principaux championnats européens avec 5.6 buts évités.

On retrouve trois gardiens de Ligue 1 (tous étrangers) dans ce Top 10 (Navas, Racioppi et Oukidja) et deux portiers français (Areola et Lloris) jouant en Angleterre. La saison dernière, c’est le Niçois Benitez qui dominait ce classement (avec 10.7 buts évités) devant Dubravaka (Newcastle). Lloris était septième et c’est d’ailleurs le seul membre du Top 10 actuel qui était déjà présent l’an passé. C’est dire la difficulté à défier sur le long terme le modèle statistique.

Si l’on s’intéresse au plus classique indicateur du taux de tirs arrêtés, le classement européen est globalement similaire puisque Oblak domine avec 87 % devant Navas (85.7 %) et Racioppi (84.2 %).

Navas défie les lois statistiques

La question que l’on peut se poser, c’est : est-ce que Navas va maintenir ce niveau sur la durée ou connaît-il un pic de performance ? Le propos n’est pas de contester le statut de gardien de classe mondiale de Navas mais, compte tenu de son niveau assez hors du commun actuel, de s’interroger sur sa capacité à le prolonger. Difficile de répondre bien sûr mais on peut apporter néanmoins quelques éléments chiffrés.

Depuis que la stat des PSxG est disponible (4 saisons), il a connu 3 exercices favorables et un seul défavorable (la saison dernière) :

Mais c’est la première année qu’il connaît une telle surperformance par rapport au modèle statistique.

C’est aussi la saison où il connaît son taux d’arrêts le plus important (85.7 %). Cet indicateur, plus traditionnel, est disponible depuis plus longtemps que les PsXG et met en évidence un réel écart cette saison par rapport aux précédentes.

Sa moyenne en carrière est proche des 75 %, soit 10 points de moins que cette saison. On voit clairement que la saison actuelle est atypique par rapport aux précédentes, notamment la précédente. Appliqué au présent exercice, son taux d’arrêts de la saison dernière (72.3 %) aurait provoqué 6 buts encaissés supplémentaires. Et potentiellement autant de points en moins pour le PSG. C’est dire à la fois combien le PSG doit à son gardien (surtout dans cette Ligue 1 très serrée) ; mais aussi, combien ceci est fragile et peut vite s’interrompre.

Combien de temps cela peut-il durer ?

Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure et sans non plus nier le talent extraordinaire de l’ancien Madrilène qui en fait le meilleur gardien du PSG de l’ère QSI et l’une des recrues au meilleur rapport qualité-prix, il est compliqué de défier les modèles statistiques sur le long terme. Il paraît donc assez probable que Navas ne va pas pouvoir multiplier toute la saison les arrêts miraculeux et que la moyenne de buts encaissés par le PSG va remonter (à moyenne d’expected goals against inchangée).

D’ailleurs le graphique ci-dessous nous indique qu’alors même que le PSG connaît sa moins bonne saison (sur les sept pour lesquelles les données sont disponibles) en termes d’expected goals against (c’est-à-dire les buts attendus contre), c’est quasiment la saison où il en encaisse le moins (au même niveau ou presque que la saison 2015-2016). Un constat pour le moins paradoxal qui nous amène à nous demander combien de temps le PSG va-t-il réussir à faire déjouer les statistiques ? Autrement dit, combien de temps Navas va-t-il multiplier les arrêts de classe mondiale (et les attaquants adverses manquer leur cible) ?

Le dernier graphe ci-dessous semble nous indiquer qu’à l’échelle de toute une saison, cet écart de 0.53 but non encaissé par match (c’est-à-dire les 10.5 buts rapportés aux 20 matches de Ligue 1) est vraiment atypique. L’histoire récente du PSG indique que l’écart par match entre les buts réellement encaissés et les buts attendus n’a jamais dépassé 0.2.

Alors, évidemment, on espère se tromper en étant pessimistes et en anticipant un retour à des différences moindres entre les buts encaissés et les buts attendus. Mais les données actuelles du PSG, et de Navas en particulier, sont tellement extraordinaires qu’il est malheureusement peu probable qu’elles se maintiennent à ce niveau toute la saison. Cela ne veut pas dire que le Costaricien va enchaîner les boulettes et multiplier les buts gags, mais simplement qu’il serait assez logique que ce différentiel se réduise.

Charge au PSG de renforcer son efficacité défensive pour diminuer son nombre de buts attendus contre pour éviter de devoir trop dépendre des exploits de son gardien. En attendant, savourons chaque semaine les exploits de San Keylor.


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