Unai Emery, son interview complète dans El Pais

Le PSG vous a fait signer pour gagner la Ligue des Champions. Le projet se résume à gagner la compétition la plus difficile, ou à échouer. Comment travaille-t-on sans marge d’erreur ?

Ils te parlent de gagner la Ligue des Champions parce qu’on donne pour acquis le fait de gagner la L1. J’insiste sur l’importance et la difficulté de gagner le championnat national parce que, par exemple, la 1^ère année avec Ancelotti, ils ne l’ont pas remporté. C’est Montpellier qui a gagné le championnat ! Pour que nous soyons forts, nous devons d’abord gagner la L1. Ensuite nous pouvons ambitionner à faire quelque chose de grand en Ligue des Champions. Ils veulent que le PSG soit reconnu dans le monde comme une grande équipe. Les délais pour y parvenir, c’est une autre histoire. La question est : comment réduire ces délais ?

Ils vous ont fait signer pour réduire ces délais, parce que vous venez de gagner 3 Europa League consécutives. Mais le club sait-il que votre idée de jeu est complètement différente de ce à quoi ces joueurs ont été habitués ces dernières années ? Ils n’ont pas peur qu’il y ait une collision entre votre philosophie de jeu et cet effectif ?

J’ai demandé à Nasser : « Pourquoi tu veux me faire signer ? Que cherches-tu en moi ? » Et il m’a répondu : « Parce que tu es sur une trajectoire ascendante, tu as gagné 3 Europa League consécutives. Ce n’est pas comme la Ligue des Champions, mais le faire avec une équipe comme Séville, c’est très difficile. Tu as un gène de vainqueur. Et nous sommes une équipe habituée à gagner mais qui doit améliorer des détails. Ici nous ne pouvons pas faire un changement… »

Quels changements avez-vous introduit dans l’effectif par rapport à l’année précédente ?

«Quels changements ? Des détails d’ordre tactique et des changements concernant la mentalité.»

La force de l’équipe résidait essentiellement dans ce qu’elle possédait. Elle a perdu Ibrahimovic, qui était important pour ce qu’il apportait au niveau du leadership et comme buteur. Nous voulons le remplacer par d’autres joueurs. Mais l’équipe est la même. Une équipe qui joue placé, avec la possession, avec l’idée d’être supérieur à l’adversaire, avec des joueurs importants au niveau mondial.  Quels sont les changements qu’il faudrait effectuer ? Des détails d’ordre tactique et des changements concernant la mentalité, comme ceux que j’ai pu transmettre à Séville. Comment regarder davantage vers le but adverse, comment améliorer le pressing, comment défendre un peu plus loin de nos buts… Mais l’idée générale et le style ne changent pas.

Hormis Matuidi, vos milieux relayeurs ne se projettent pas. Matuidi est-il votre nouvel Iborra ?

Il y a certains types de joueurs qui restent moins figés à une position. Pourquoi ? Parce que c’est leurs caractéristiques. Parce que Matuidi aime courir. Et s’il doit courir, qu’il coure, et qu’il coure vers le but adverse ! Nous devons travailler pour qu’il fasse ses courses vers l’avant et dans le même temps pour qu’il ait plus d’équilibre et de patience pour faire jouer les autres. Mais ici Matuidi est une exception. Le PSG s’est habitué à jouer de manière très placée. Pour moi cela est aussi est un défi. 

Pourquoi ?

«C’est mon travail ici. Faire en sorte que certains joueurs apprennent.»

Parce que nous devons réussir à regarder vers le but adverse. Dans cette position de relayeur, nous avons des joueurs très spécifiques comme Verratti. Il aime toucher le ballon, et il aime le toucher souvent. Mais il a parfois du mal à regarder vers l’avant. Il en est à 2 buts en L1 cette saison et je crois que c’est son record à ce stade de la compétition. Mon objectif est de mettre en place ces détails. Que Verratti soit capable de jouer placé, avec le ballon, et de regarder vers le but adverse. C’est ce qu’a fait à son époque Iniesta. Et avant lui, Xavi. Xavi a commencé sa carrière comme milieu défensif avant de passer relayeur. Qui pouvait dire qu’il allait marquer quasi 100 buts durant sa carrière ? Il a appris. Et c’est mon travail ici. Faire en sorte que certains joueurs apprennent.

Ventura, le sélectionneur italien, préfère Marchisio. Verratti est-il vraiment le grand joueur dont on parle ? Votre relation avec lui est-elle aussi difficile que le dit la presse française ?

«Avec Marquinhos, Verratti est l’âme jeune du PSG.»

Il est jeune et très impulsif, et c’est ce qui fait de lui un bon joueur. Il joue avec beaucoup de cœur. Contre Rennes, à la 85^ème minute il était proche de marquer son 2^ème but du match sur une passe de Di Maria qu’il ne put reprendre. Il est resté allongé sur le sol et au moment où le gardien relança rapidement vers le côté, il s’est de suite levé et est parti courir pour presser… Jouer avec la possession, avec un bon positionnement, regarder le but adverse et quand nous n’avons pas le ballon être bien positionné pour essayer de le récupérer… Verratti maîtrise tous ces concepts. Le jeu continue et lui suit le jeu. Il est arrivé de Pescara et il est tellement reconnaissant à l’endroit du PSG de l’avoir fait venir qu’il ne le laissera pas tomber si un jour le Real, le Barça ou le Bayern s’intéresse à lui. Avec Marquinhos, c’est l’âme jeune du PSG.

Le Real, le Barça et City le veulent. Marquinhos est vraiment si bon ?

C’est un top joueur et il veut continuer à l’être. Il est à l’écoute. Au-delà de ses qualités techniques, en termes de concentration, d’exigence, d’implication, d’écoute de ce qu’on lui dit et de ce qu’on lui demande, de recherche des points qui peuvent être améliorés…Il est intense dans son attitude comme dans ses aptitudes. Quand tu signes un joueur, tu signes des qualités, des aptitudes. Mais les attitudes ne s’achètent pas. Elles résident dans ta capacité à inculquer certaines choses à tes joueurs et en la capacité de ces derniers à y répondre. Et Marquinhos a cela. Il n’y a pas besoin de lui dire d’écouter pour qu’il le fasse. Sur le terrain, il est demandeur. « Mister, que faut-il faire ? ». C’est un fait, le Barça le voulait cet été. Mais il est reconnaissant envers le PSG de lui avoir donné l’opportunité de jouer dans une grande équipe. L’option d’aller au Barça a pu lui plaire mais il respecte ce que lui a donné le PSG. Cela dit beaucoup d’un joueur aussi complet.

Cavani peut-il occuper le poste laissé vacant par Ibrahimovic ?

L’une des choses qui m’a le plus marqué quand je suis arrivé a été la 1^ère fois que je l’ai eu au téléphone. Il m’a dit : « J’aime le football ». Quand un joueur te dit cela, la moindre des choses c’est de lui montrer du respect. Parce qu’il y a peu de joueurs qui te disent qu’ils aiment le football. Cavani est en train de le montrer. Et je n’oublie pas cette phrase. Il a été dans l’ombre d’Ibrahimovic en jouant sur le côté, et maintenant il a l’opportunité de jouer en pointe. Pour moi, c’est un défi qu’il s’en montre capable. Nous devons lui donner toute notre confiance. Je parle beaucoup avec lui : il se crée beaucoup d’occasions, il marque beaucoup, mais il peut faire encore davantage. Je lui dis : « Edi, nous disons tous que nous devons être humbles mais quand tu es dans une équipe comme le PSG, l’humilité tu dois l’avoir constamment avec toi. Edi, tu es humble et tu dois améliorer certaines choses. Tu dois avoir l’humilité de reconnaître que tu dois faire davantage ! ». L’humilité, c’est reconnaître que tu peux faire davantage. Je suis optimiste pour lui. Pour qu’il puisse terminer la saison en disant : « je l’ai fait ! ».

Vous dites que vous ne voulez pas dénaturer le style du PSG mais parfois on a vu les joueurs peu en confiance. A quoi attribuez-vous les résultats médiocres des 1ères semaines en L1 ?

«On a eu des difficultés parce qu’il s’agit d’un processus. Cette équipe ne faisait jamais une contre-attaque.»

On a eu des difficultés parce qu’il s’agit d’un processus. Cette équipe ne faisait jamais une contre-attaque. Et pourquoi ? Quand tu as la possibilité de partir en contre, fais-le ! Parfois tu rencontres des adversaires qui jouent haut, laissant de l’espace dans leur dos, et là tu dois contre-attaquer. Il ne faut pas s’en priver. C’est ce que j’appelle « regarder vers le but adverse ». Au début, quand je leur parlais de cela, ils pensaient que je voulais jouer en contre. Alors que ce n’est pas le cas.

Que voulez-vous du coup ?

Jouer comme nous l’avons fait par exemple contre Rennes. Avec la possession, un bon positionnement et en regardant le but adverse pendant 90 minutes. Et à partir de notre positionnement, vouloir récupérer le ballon là où il se trouve : si le gardien l’a, presser le gardien, si c’est le central qui l’a, presser le central… Créer cette mentalité-là.

N’avez-vous pas la sensation que votre méthode tranche avec le football français, où l’on note un certain manque de contrôle tactique auquel on privilégie la force physique de certains joueurs ?

«En France tout tend à se réduire aux duels individuels.»

C’est la culture française du jeu individuel. Le joueur te dit : « Je fais mon boulot. Tu me dis de prendre au marquage un joueur, je le fais ». Non, tu as une zone assignée sur le terrain dans un certain système, et dans cette zone tu auras un joueur assigné, mais il peut y avoir des mouvements, des supériorités numériques créées par l’adversaire ou des permutations. Ce qui fait que le joueur qui t’est assigné n’est peut-être plus le même qu’au début. Et tu ne peux pas suivre le même ! En France tout tend à se réduire aux duels individuels. Et ensuite, à la récupération du ballon, chacun joue dans sa zone. Il faut apprendre à mieux jouer !

L’entraîneur doit s’adapter à la culture du club qui le fait signer ou c’est l’inverse ?

L’entraîneur doit mettre en place une équipe compétitive. J’ai fait monter Lorca et Almeria, avec Valence nous nous sommes qualifiés trois fois pour la Ligue des Champions. Ce que Valence n’a plus refait depuis, mais à l’époque cela n’a pas été reconnu à sa juste valeur. Lors de ma dernière année à Valence, j’ai écrit un livre : « Mentalité de vainqueur ». Rends-toi compte si j’ai été courageux. Tous mes détracteurs à Valence disaient : « Mais il ne gagne rien ! ». La mentalité de vainqueur, ce n’est pas celui qui gagne qui la possède, mais celui qui cherche toujours à s’améliorer. Maintenant j’aimerais écrire un second livre : « Mentalité de compétiteur ». C’est ce que j’ai le plus appris à Séville. Qu’est-ce qu’être compétitif ? Comment tu fais pour être le meilleur ? Tu as Iborra, comment deviens-tu meilleur avec lui ? A Séville j’ai commencé avec des joueurs doués techniquement comme Rabello, mais ce n’était pas des compétiteurs. Je les ai fait jouer 4 matchs… et ils n’étaient pas compétitifs. Il avait des qualités mais quand il faisait face à des adversaires un peu meilleurs il n’était pas compétitif. Et qu’est-ce qu’être compétitif ? C’est montrer tes qualités face à l’adversité ! Par la suite j’ai dû changer l’équipe. C’est un processus d’apprentissage. Tata Martino est allé au Barça et n'a pas compris leur style de jeu. N’importe qui ne peut pas entraîner le Barça. Il faut que les entraîneurs comprennent ces spécificités, qu’ils sachent comment est la structure de l’équipe, comment est son jeu… et ensuite qu’ils s’adaptent à Messi.

Etre compétitif, c’est adapter sa méthode aux circonstances ?

«Qu’est-ce qu’être compétitif ? Savoir de quelle façon nous sommes meilleurs.»

Quand je suis arrivé à Valence, l’équipe était parfaite pour jouer en 4-2-3-1 avec Silva et Villa. J’ai toujours joué en 4-3-3 et en 4-2-3-1. Et Valence était clairement armée pour jouer avec deux milieux défensifs. C’était très facile, alors qu’à Séville ce n’était pas le cas. Il a fallu faire beaucoup de changements pour trouver la façon de jouer et d’être compétitif. C’est un processus. Qu’est-ce qu’être compétitif ? Savoir de quelle façon nous sommes meilleurs : avec ballon, sans ballon, avec la possession, sans la possession, avec tel système, avec tel autre, avec tels joueurs… Si tu perds chaque année 10 joueurs importants… N’Zonzi, par exemple. Il y a un an, je l’ai viré de l’entraînement parce qu’il ne voulait pas s’entraîner. Il est venu me voir et il m’a dit qu’il voulait partir. Je lui ai dit : « Prends trois jours de repos, à l’extérieur personne n’en saura rien. Reviens lundi. Va à la maison 3 jours et on en reparle ». Il voulait partir parce qu’il ne se sentait pas bien. Il ne se faisait pas à Séville, à la ville. Il est revenu le lundi et je lui ai dit : « Alors ? ». Il m’a répondu : « Je continue ! ». Ensuite, à partir de décembre, il a commencé à avoir un très bon rendement. Et cette saison avec Sampaoli est celle de la confirmation. C’est un processus !

Vous êtes capable de recruter un joueur seulement pour sa façon de tirer les coups de pied arrêtés. Être aussi méticuleux n’est-il pas frustrant ? N’est-ce pas difficile que le public et la critique soient sur votre dos en permanence ?

Il y a une chose qui nous pousse, nous les entraîneurs qui voulons aller de l’avant, et qui est la passion. S’il y a quelque chose que transmettent Guardiola, Simeone… c’est la passion. J’ai lu qu’on me critiquait en disant : « les entraîneurs qui gesticulent beaucoup rendent nerveux les joueurs ! ». Cela s’appelle de l’ignorance. Si ceux qui gesticulent transmettent de la nervosité je n’aurais pas gagné ce que j’ai gagné. Et regarde si Guardiola et Simeone ne gesticulent pas…

Les témoins disent que vous avez permis à Lorca d’être promu à Irun en gesticulant sur le bord du terrain, réclamant un tir qui s’est transformé en but…

Faire monter Lorca a peut-être été ma plus grande réussite. C’était un match aller-retour : nous avions perdu 1-2 à la maison et nous nous déplacions à Irun. Ils avaient déjà fait les préparatifs pour fêter leur victoire et je me souviens que nous avions préparé le match en le visualisant comme une opportunité. Je transmets souvent aux joueurs cette idée d’opportunité. « Cette opportunité est unique ! L’Europa League c’est génial ! ». Tu sais comment on a gagné notre 1^ère Europa League ? Par un concours de circonstances.

Par un concours de circonstances ?

Je suis arrivé à Séville en janvier 2013 et c’était une équipe en lambeaux. Les deux capitaines ne se parlaient pas. Ce qu’on a le plus retenu du Séville vainqueur des 3 Europa League a été l’union au sein du groupe… Alors que lorsque je suis arrivé les deux capitaines ne se parlaient même pas ! Ils ne s’entendaient pas, ils se voyaient comme des adversaires. Spahic avait des problèmes, Reyes était vu comme un joueur cramé… Ils étaient en milieu de tableau et sortaient de deux années sans jouer de compétition européenne… Reyes jouait davantage au ballon qu’au football et le Betis avait 12 points d’avance. Durant cette 1^ère saison nous ne nous sommes qualifiés en Europe qu’à la faveur de l’élimination du Rayo et de Malaga pour leur non-respect des règles économiques de l’UEFA. Nous nous sommes qualifiés par un concours de circonstances ! Nous avons joué deux tours de qualification et nous avons gagné l’Europa League. Cela a été une opportunité ! Il faut travailler cette idée de comment profiter des opportunités.

France Football vous a qualifié de pyromane. Vous utilisez le conflit pour provoquer des réactions ?

«Ce qu’il faut faire davantage ici, c’est gérer les joueurs en leur donnant constamment de la confiance et en leur montrant de la considération.»

Je ne sais pas à quoi France Football fait référence. Avant toute chose, je cherche à comprendre le footballeur en tant qu’homme, pour savoir comment le stimuler davantage. Parfois cela passe par la calino-thérapie en lui parlant seulement des choses positives, et parfois tu peux le stimuler en étant agressif, dans le but de provoquer certaines situations. J’ai toujours dit que j’aimais travailler à huis-clos, d’abord pour préserver l’intimité autour de ton travail et ensuite pour provoquer certaines situations. Cela m’est arrivé dans tous les endroits par lesquels je suis passé. Quand je vois à l’entraînement un joueur qui n’a pas envie d’être là, je cherche à le provoquer parce que je pense que c’est ce qu’il faut faire. Je fais attention à bien savoir à quels joueurs je peux dire devant tout le monde : « Bon, tu vas courir un peu ou non ? ». Une fois, j’ai dû pousser une gueulante contre Reyes dans le bus en présence de jeunes joueurs parce que c’était le capitaine. Et le jour d’après, je suis allé le voir et je lui ai dit : « José, je te demande pardon, mais c’était nécessaire que je te parle de cette façon devant tout le monde parce que cela a permis de faire comprendre aux jeunes qu’il y a certains comportements à avoir ». Ici au PSG je le fais moins. Le PSG est une équipe assez responsable, assez mature, exigeante par elle-même. Ce qu’il faut faire davantage ici, c’est gérer les joueurs en leur donnant constamment de la confiance et en leur montrant de la considération. Je n’agis pas systématiquement de la même manière. J’analyse d’abord le joueur et la personne, et ensuite j’agis. J’analyse le groupe au niveau personnel, tactique et humain, et à partir de là j’essaye de le gérer.

Ne sentez-vous pas que votre profil ne colle pas avec le PSG ? Ne seriez-vous pas plus à l’aise dans une équipe moins « aristocratique » et plus « industrielle », type Juve, United, Chelsea… ?

De la même manière que je me suis adapté à tout, je peux m’adapter ici. J’ai commencé ma carrière en m’adaptant à un vestiaire au sein duquel je suis passé, du jour au lendemain, de joueur à entraîneur. C’était à Lorca, et beaucoup de joueurs étaient amis avec l’entraîneur précédent. Ils me regardaient avec méfiance. J’ai du gérer çà dès le 1^er jour. Je leur ai dit : « Je viens ici pour aider : je veux seulement votre réussite. Le président allait de toute manière virer l’entraîneur. Alors, qu’est-ce que vous préférez ? Que ce soit moi, un coéquipier, qui le remplace, ou un autre qui vienne de l’extérieur ? ». Je savais que dire cela n’allait pas les faire gagner… Ce jour-là, la moitié de l’effectif est allé manger chez l’ancien entraîneur. Il y avait une confrontation, et je savais que tout ce que j’avais à faire, c’était faire mes preuves. C’est la même chose au PSG. Je dois faire mes preuves ! Je viens ici pour les aider, pour travailler, pour renforcer tout ce qui a été fait de bien – il y en a beaucoup – et voir là où on peut s’améliorer.

Et quel est le joueur du PSG qui peut le plus vous aider dans cette tâche ?

«Ce qui m’importe, c’est d’être crédible face aux joueurs.»

Dans ces équipes peuplées de joueurs qui ont tant gagné, les joueurs observent beaucoup l’entraîneur. Ce sont les premiers à te juger. Je sais qu’ils m’ont à l’œil. Je ne m’occupe pas vraiment de l’extérieur, mais de l’intérieur. Ce qui m’importe, c’est d’être crédible face aux joueurs. Que pour eux, je sois un professeur, qui leur enseigne des choses. J’apprends beaucoup des joueurs. Je leur dis : « Je ne suis pas omniscient. Je travaille pour m’améliorer. Si tu vois le match une fois, je veux le voir cinq fois, je veux voir davantage de choses que quiconque ». Je vois le match 12 fois parce que nous sommes 4 coachs et chacun de nous voit le match et l’analyse trois ou quatre fois. Une fois en direct, une autre en vidéo, et ensuite en sélectionnant des extraits. Et au final je synthétise tout cela en schémas pour ensuite pouvoir enseigner aux joueurs. Sur le direct, plus de 50% de ce qui se passe durant un match m’échappe. Lors du 2^ème visionnage, je vois plus de choses, et au bout du 3^ème et du 4^ème encore plus. Beaucoup de gens dans les tribunes voient mieux le jeu que moi. Mais je travaille pour faire en sorte d’avoir plus d’informations que quiconque.

Vous vous attendiez à une telle progression de la part de Vitolo (joueur de Séville aujourd'hui titulaire en équipe d'Espagne) ?

Vitolo est un joueur tout-terrain. Il peut jouer à droite, à gauche, dans l’axe… Sa nature est de partir du côté pour rentrer dans l’axe, avec ballon. Il a désormais appris à se projeter sans ballon et à améliorer son total de buts. Il n’est pas très rapide mais il a une très bonne conduite de balle qui lui permet de casser des lignes. Il joue avec beaucoup de confiance, et s’il n’avait pas été freiné par les blessures l’an dernier peut-être qu’il se serait imposé en équipe nationale plus rapidement.

Pour quelles raisons faites-vous la différence entre les ailiers qui rentrent à l’intérieur et ceux qui fixent à l’extérieur ?

Je me référais au fait que Vitolo est un joueur qui entre en contact avec le ballon depuis l’aile, mais qui ne va pas y rester pour faire des passes décisives. J’aime les ailiers qui rentrent à l’intérieur et qui regardent vers le but adverse pour marquer et pas seulement pour centrer. Les ailiers-centreurs sont tombés un peu en désuétude. Même si City joue beaucoup avec des ailiers très écartés, et des milieux relayeurs qui se projettent. Je suis avec beaucoup d’attention les évolutions qu’apportent Guardiola, Simeone et Luis Enrique. Luis Enrique a eu beaucoup de mérite.

En quoi se note le travail de Luis Enrique ?

Quand ils ont fait signer Luis Suarez, je lui ai dit : « Et maintenant, comment tu vas jouer ? ». Parce qu’avec Guardiola, Messi jouait en pointe, et plus sur l’aile. Quand je jouais face au Barça, je demandais à ce qu’on attaque systématiquement du côté de Messi. Et il nous en a fallu de peu pour les surprendre. Notre consigne était claire : « Première attaque côté gauche parce que Messi ne se repliera pas ». Notre central savait qu’il fallait qu’il relance côté gauche. Guardiola l’a replacé dans l’axe pour éviter cette faiblesse et Luis Enrique l’a mis de nouveau sur l’aile. Luis Enrique m’a dit : « Pour moi c’est très clair, je sais comment je vais jouer. Suarez dans l’axe, Neymar à gauche et Messi  à droite ». Ce qu’il fait, c’est compenser les déséquilibres défensifs liés à la présence de Messi sur l’aile par beaucoup de travail tactique. Surtout avec Rakitic, qui se replie et ferme bien les espaces, ainsi qu’avec les latéraux. Les latéraux du Barça ne sont pas si haut et si écartés que cela.

Donc vous préférez que les ailiers comme Lucas et Di Maria soient dans l’axe pour marquer et que ce soit les latéraux comme Aurier qui attaquent sur les côtés ?

J’utilise mes latéraux sur les côtés et mes ailiers dans l’axe. Guardiola dit que s’il avait des latéraux capables de courir 80 mètres pendant 90 minutes il en profiterait, mais que c’est très difficile car les latéraux qui font cela se retrouvent cramés au bout du 2^ème ou 3^ème aller-retour. Cela m’a interpellé mais c’est la vérité : il ne demande pas à ses latéraux de se tenir écartés. Zabaleta déborde peu. Ce qu’il utilise aujourd’hui, c’est une autre variante tactique. A partir du jeu de position, il change beaucoup les mouvements des joueurs en phase de relance. Il n’organise plus le décrochage du numéro 6 entre les centraux comme il le faisait avec Busquets. Ce qu’il fait, c'est qu’il demande à un milieu ou un latéral de décrocher d’un côté pour pouvoir relancer en passant par l’axe avec l’autre défenseur central. Aussi bien à City qu’au Bayern, il ne demande pas à ses latéraux d’être haut. Il les met un peu à l’intérieur pendant que les ailiers, qui doivent couvrir moins de mètres, sont ceux qui attaquent sur les côtés, et les relayeurs se projettent beaucoup. De cette façon, Guardiola organise son équipe en 4-1-4-1. Il aime que ses ailiers soient de vrais ailiers.

NB : Propos recueillis par El Pais. Nous publions cette version intégrale de façon exceptionnelle car non-disponible en français.