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Sous les bombes, le Shakhtar Donetsk continue de danser la samba

Publié le mardi 29 septembre 2015 à 11:40 par Giovanni Pontano
Totalement inconnu, il y a de cela un peu plus de 10 ans, le Shakhtar Donetsk est devenu aujourd’hui le meilleur club de football de l’Est. Mené par sa cohorte de brésiliens et fort de ses performances qui ont fait grand bruit dans toute l'Europe, ces dernières années, Le futur adversaire du PSG en ligue des Champions reste un outsider à prendre très au sérieux. Profondément meurtri par la crise politique qui a secoué l’Ukraine ces dernières années, il présente aussi une histoire singulière et particulièrement atypique.

La terre, c’était le charbon, les hommes, des mineurs de fond

Dans la nuit du 30 au 31 août 1935, l’ouvrier Aleksei Stakhanov serait parvenu à extraire la bagatelle de 102 tonnes de charbon en à peine 6 heures de travail dans une mine du bassin houiller de la rivière Donets. Suivant l’adage bien connu qui veut que plus c’est gros, plus ça passe, la propagande stalinienne l’érige aussitôt en exemple. Des portraits de l'ouvrier modèle son affichés dans toutes les entreprises du pays et des systèmes de récompenses sont organisés pour stimuler les travailleurs. Le stakhanovisme est né. L’année suivante Le club de football de Donetsk voit le jour et prend logiquement le nom de cette nouvelle gloire locale: Les Stakhanovets Stalino vont concourir modestement dans le championnat soviétique. Le club change vite de nom et devient le Shakhtar Stalino, Stalino (qui signifie acier en russe, rien à voir avec Staline) étant l’ancien nom de la ville de Donetsk de 1924 à 1961, puis le Shakhtar Donetsk, Shakhtar signifiant mineur en ukrainien. 

Mais peut-être devrait-on plutôt dire Chakthior puisque dans cette région du Dombass, frontalière à l’est du pays de Poutine, on y parle officiellement le russe depuis 2012. Et c’est dans cette partie de l’Ukraine que se sont affrontés, l’année dernière, l’armée ukrainienne et des militants sécessionnistes pro-russe, faisant plus de 5500 morts. (A noter que les partisans de l’unité de l’Ukraine sont majoritaires parmi les ultras du Shakhtar)
A l’exception de cette enclave russophone du Dombass, encore victime d’un blocus économique en 2015, l’Ukraine cherche tant bien que mal depuis 2013 à s’affranchir de l’ingérence du pouvoir russe, quitte à se rapprocher de l’union Européenne. 

Un stade splendide mais bombardé et abandonné

Se rapprocher de l’Europe, c’est aussi le destin, malgré lui, du Shakhtar. En effet, par souci de sécurité, le club n’évolue plus dans sa magnifique Dombass Arena bombardé en août 2014, mais joue ses matches à Lviv près de la frontière polonaise, à 1000 km de là, loin des tensions de la frontière russe. L’Arena de Lviv, construite en 2012 pour l’Euro, présente toutes les caractéristiques pour répondre aux normes UEFA même si elle offre une capacité bien moindre. (35000 contre 50000 pour la Dombass Arena) Bien sûr la plupart des supporters du Shakhtar sont dans l’impossibilité de s’y rendre.

Si la cohabitation avec le club des Carpates de Lviv a connu des débuts difficiles, les bagarres en tribune ont vite laissé place à la fraternité. Lors d’une confrontation entre les deux équipes, en novembre 2014, les fans de Lviv ont entonné des chants de soutien pour leurs invités. Beaucoup ont voulu y voir un symbole de l'unité Ukrainienne retrouvée. Les Oranges et Noirs ont même une boutique à l’Arena Lviv, une chose impensable avant le début du conflit dans le pays d’Europe de l’Est.

Un président oligarque au passé sulfureux

L’explosion du Shakhtar au plus haut niveau est l’oeuvre d’un seul homme: fils de mineur et parti de rien, Rinat Akhmetov, fait parti des entrepreneurs qui ont su profiter du passage au capitalisme des ex-pays soviétiques pour devenir milliardaire en quelques années à peine. Il développa en premier lieu ses activités dans la sidérurgie et l’énergie puis se diversifia dans les secteurs de la banque et des assurances. Le début de son ascension a connu quelques zones d’ombre. Durant la Perestroïka, lui et son frère Igor se seraient mêlés à plusieurs activités de crimes organisés. il s’agissait ni plus ni moins de faire le ménage et d’éliminer les anciens dirigeants communistes des grandes entreprises locales dans le but d’en prendre le commandement. On impute même à Akhmetov l’assassinat d'Akhat Bragin, ancien chef de clan surpuissant de Donetsk, dont il était alors le bras droit. Ciblé par deux attentats, dont un au lance roquette, Akhmetov est toujours accompagné d'une armée de gardes du corps et change de voiture à chaque déplacement. En 2013, le magazine Forbes lui attribuait la 1ère place au classement des plus grosses fortunes de la planète détenant un club sportif. (15,4 milliards de dollars) Né en 1966 comme Roman Abramovitch Akhmetov est bien plus riche encore que ce dernier qui fût pourtant longtemps son modèle (10,4 milliards de dollars.)

Le lancement de la fusée Shakhtar

Conscient de son image sulfureuse, en quête de respectabilité et, accessoirement, passionné de sport, Akhmetov comprend ce que peut lui apporter le football (Cela vous rappelle peut être quelque chose... ). Il joue un rôle prépondérant dans l’obtention de l’organisation de l’Euro 2012 en Ukraine. Des rumeurs de corruption, classées sans suite, se sont faites entendre à son endroit. 
Il rachète le club de Donetsk en 1996. Les résultats ne se font pas attendre. Le Shakhtar parvient d’abord à s’installer comme l’unique rival du grand Dynamo Kiev en alignant les titres nationaux: 9 titres de champion, 10 places de vice champion et 9 coupes d’Ukraine en à peine 20 ans. Mais l’équipe des mineurs de Donetsk ne s’arrête pas là et devient rapidement le plus grand club d’Europe de l’Est, en multipliant les exploits sur la scène européenne :
- Une victoire en ligue Europa en 2009, après avoir notamment éliminé le Dynamo Kiev, lui-même tombeur du PSG, cette année là en quarts de finale. 
- Des parcours en ligue des champions qui marquent les esprits: Huitièmes de finales en 2013, 2014 et 2015. 
- En 2011, Le Shakhtar signe sa meilleure performance sur le continent européen et rencontre le Barca en quart de finale de ligue des champions emmenée par une attaque de feu 100% brésilienne: Douglas Costa, Jadson, Willian et Luiz Adriano. L’aventure s’arrêtera là mais de Brandao à Bernard, en passant par Douglas Costa, la filière auriverde est bien la formule gagnante du Shakhtar.

Lucescu et La filière brésilienne

Venir à Donetsk, surtout quand on est brésilien, n’a vraiment rien d’une évidence, au prime abord. La ville ne présente aucun attrait sur le plan touristique, c’est le moins que l’on puisse dire: l’hiver y est rude et la qualité de vie n’a rien à voir avec celle que peuvent offrir les clubs de l’Europe Occidentale. Pourtant pas moins de 13 auriverde composent encore l’effectif du club, cette année. Le club sait même faire progresser ses joueurs et réalise de grosses plus values à la revente: Willian vendu 35 millions à Anji Makhachkala, Fernandinho 40 millions à City et Douglas Costa au Bayern pour 30 millions. Mais comment attirer autant de brésiliens dans une ville présentant un contexte aussi hostile?

Bien sûr il y a l’argent et des contrats attractifs et particulièrement juteux mais le club dispose aussi, ou du moins, disposait, de magnifiques infrastructures, aujourd’hui malheureusement endommagées par la guerre. Le splendide stade de Dombass ainsi que le fabuleux centre d’entraînement Kirsha étaient il y a encore quelque temps de véritables fleurons susceptibles d’impressionner n’importe quelle future recrue. Et puis il y a aussi et surtout l’entraineur, Mircea Lucescu en poste depuis 2004. Ancien capitaine de la sélection roumaine, il reste profondément marqué par le Roumanie-Brésil du Mondial 70, match à l’issue duquel il eut l’honneur d’échanger son maillot avec le roi Pelé (Brésil Roumanie 3-2). Devenu inconditionnel du football brésilien, c’est lui qui va faire venir une ribambelle de joueurs auriverde à Donetsk, allant jusqu'à mener ses causeries en portugais pour mieux faire adhérer les brésiliens à son discours. Totalement imprégné de culture brésilienne, Le club fut même habité par un sentiment de revanche à la veille de rencontrer le Bayern en huitième de ligue des champions, l’année dernière. Il s’agissait de laver l’affront de l’humiliation subie par la selecao face aux Allemands durant son Mondial, et le 0-0 du match aller à Lviv laissait planer l’espoir dans leur projet fou… Ils en prendront 7 à Munich. So Brasil!

Bernard, un des nombreux brésiliens de l'effectif

A l’heure actuelle, à la veille de rencontrer le PSG, l’instabilité politique perturbe encore le Dombass qui pourrait faire sécession à terme avec l’Ukraine. Dans ce climat pour le moins incertain, le club pourrait tout perdre. On se souvient qu’à la suite d’un match amical disputé contre l’Olympique Lyonnais, en juillet 2014, plusieurs joueurs du Shakhtar n’avaient pas voulu reprendre l’avion pour rentrer en Ukraine. Une situation qui pourrait hélas, très vite se reproduire. Les combats pourraient en effet reprendre dans le Dombass si l'Ukraine décidait d'adhérer à l'Otan.


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