C'est un Luis Enrique très concentré et déterminé qui s'est présenté en conférence de presse à la veille de la demi-finale de Coupe de France Dunkerque/PSG. L'Espagnol a voulu calmer l'euphorie ambiante et rendre hommage à l'altruisme de Bradley Barcola. Voici ses propos complets, traduits par nos soins.
Le PSG est ultra-favori de la Coupe de France vu les équipes qui restent en lice. Est-ce que la première demi-heure de Saint-Etienne vous montre que le principal risque pour votre équipe et de prendre l’adversaire de haut ?
« La première demi-heure a plus à voir avec Saint-Etienne qu’avec nous »
« Bonjour à tous (français). Après avoir analysé le match, je pense que la première demi-heure a plus à voir avec Saint-Etienne qu’avec nous. C’est certain que notre rythme n’était pas habituel, il était inférieur à ce qu’on fait d’habitude, et à l’inverse, Saint-Etienne a été très bon durant cette première demi-heure. Ils nous ont pris le ballon, ils nous ont pressé, mais je pense que cette demi-heure a plus à voir avec la précision de Saint-Etienne qu’avec une grande faiblesse de notre part. Ce sont des choses qui peuvent arriver sur certains matches, de ne pas maintenir le rythme. Mais on essaye de faire en sorte que cela n’arrive pas. »
Est-ce que vous connaissez votre homologue Luis Castro, qui a formé João Neves et Gonçalo Ramos ? Est-ce que ces deux joueurs vous ont parlé de lui et de ses méthodes ?
« Non, non. Je connais l’entraîneur évidemment, mais cette donnée, je ne la connaissais pas avant que vous me l’appreniez. J’en parlerai demain à João et Gonçalo, je leur demanderai s’ils peuvent m’aider. Nous avons déjà analysé Dunkerque, qui a un parcours impressionnant en Coupe de France. Ils ont éliminé trois équipes de Ligue 1, en battant Auxerre, Lille et Brest à l’extérieur. C’est quelque chose de très impressionnant. J’aime le style de jeu de Dunkerque. Un style associatif avec le ballon. Ils jouent depuis l’arrière et offensivement, c’est une équipe très complète, qui presse. Leur digne défensive est haute, ils jouent le hors-jeu continuellement. C’est une équipe qui gêne (ses adversaires) et compliquée à jouer. Je ne suis pas surpris qu’ils soient bien classés en Ligue 2 et qu’ils aient éliminé des équipes de Ligue 1, parce qu’ils travaillent très bien. J’espère qu’ils ne seront pas aussi inspirés demain et que nous pourrons nous imposer. »
Demi-finale de Coupe de France demain, samedi face à Angers pour terminer la Ligue 1 et obtenir officiellement le titre, ensuite quarts de finale de Ligue des champions... avec ce programme toujours aussi chargé, comment entendez-vous gérer cette dernière ligne droite de fin de saison décisive ?
« Je vais la gérer comme d'habitude. Vous devriez être habitué à cela. Depuis le début de la saison dernière, nous ne planifions pas notre saison en fonction d'un match, mais avec une approche générale. Et nous adorons avoir un calendrier aussi chargé parce que cela veut dire que nous sommes toujours en vie dans toutes les compétitions. Comment on va gérer cette fin de saison ? Comme on l'a toujours géré avec le staff, en utilisant le plus grand nombre possible de joueurs préparés et qui ont le niveau pour jouer. »
Êtes-vous encore surpris par vos joueurs, par la réaction en seconde période face à Saint-Etienne, par tout ce qu'ils réussissent en ce moment sur le terrain ?
« Les éloges affaiblissent, clairement »
« Non, je ne suis pas surpris. Pas du tout surpris parce que je les connais parfaitement. Mais nous sommes dans une phase nouvelle pour certains joueurs dans laquelle tout le monde vous encense, tout le monde vous adule. Et les éloges affaiblissent, clairement. Elles peuvent te tromper. Et je travaille tous les jours pour que les joueurs ne se relachent pas. Mon objectif est que nous ayons bien conscience que chaque match a ses difficultés, chaque adversaire a une motivation extra pour nous battre. Ce n'est pas facile de gérer cette excès d'euphorie. Les excès sont toujours négatifs. »
Désiré Doué a encore franchi un nouveau cap en équipe de France. Jusqu'où peut-il aller et comment travaillez-vous au quotidien avec ce joueur très mature pour son âge ?
« Je vais répondre de manière générale plutôt que sur un seul joueur. Parce que c'est ça les excès dont je vous parlais. Il y a un excès de joie et de gens qui te disent que tu es un bon joueur. Cela peut t'embrouiller, même en étant très mature. Je parle en général. Cela ne vaut pas que pour Désiré Doué, Bradley Barcola, Kang-in Lee, Warren (Zaïe-Emery), Senny Mayulu, Ibé (Ibrahim Mbaye ?), mais pour tous les jeunes joueurs que nous avons. Oui, c'est très bien d'entendre des choses positives sur soi, mais il faut rester concentré sur son travail, sur sa progression, sur ce dont l'équipe a besoin. Et c'est quelque chose qui va t'aider, surtout quand il y aura des périodes plus négatives. On m'a rapporté que vous aviez été très critique sur Bradley Barcola par exemple. Pour Désiré Doué, vous me disiez en début de saison qu'il n'était pas à son niveau. Cela fait partie du football professionnel. Nous devons l'accepter. En ce moment, nous sommes dans un moment très positif pour l'équipe, pour les joueurs, mais restons concentrés sur ce dont a besoin l'équipe. »
Le PSG a un peu tout à perdre en Coupe de France puisque vous êtes archi-favori, il n'y a plus que Reims comme club de l'élite. Comment vous préparez vos joueurs mentalement à ce statut-là ?
« Nous voulons écrire l'histoire en France »
« Notre premier match dans cette compétition a eu lieu à Lens et cela a fini aux tirs au but. Nous avons ensuite joué à Lens, puis... ma mémoire me joue des tours. Le Mans ! Et après Le Mans, nous avons joué Saint-Brieuc. Et là maintenant arrive Dunkerque. Comment avons-nous joué contre ces adversaires ? De la même façon à chaque fois, rien n'a changé. Que ce soit un adversaire de Ligue 1, Ligue 2, National ou National 2, nous n'avons jamais changé de mentalité parce que nous tentons d'améliorer notre rendement et la meilleure manière pour le faire selon nous est de respecter l'adversaire et de jouer au maximum. Qu'on mène 1-0 ou 2-0, je veux qu'on continue pour gagner davantage. Nous voulons écrire l'histoire en France et pour y arriver, nous devons prendre chaque match comme un défi. C'est l'objectif que nous aurons demain contre Dunkerque. »
On parle beaucoup des progrès de votre équipe, de vos joueurs. Est-ce que vous, vous pensez avoir évolué comme entraîneur et avoir peut-être une vision différente sur certains aspects du métier ?
« L'une des constantes dans ma carrière d'entraîneur, c'est de me remettre continuellement en question et de changer des choses. De me poser des questions continuellement avec mon staff sur ce que nous pouvons améliorer. Je crois qu'il y a eu une grosse évolution depuis le début de ma carrière d'entraîneur et pourtant j'ai connu le succès dès mes débuts. Mais nous n'avons jamais cessé de nous poser des questions. Si nous voyons que ce que nous travaillons à l'entraînement ne se retrouve pas en match, nous ne continuons pas, même si nous gagnons. Quand nous perdons, c'est là que nous voyons le plus ce que nous pouvons améliorer. Mais je crois que la grandeur de notre staff, c'est que nous nous demandons continuellement si la manière dont nous nous entraînons se retranscrit ensuite en match. Si ce n'est pas le cas, nous changeons. Même si c'est très beau et que ça plaît aux joueurs. Notre obsession, c'est de voir sur le terrain ce que nous travaillons et ce que nous préparons à l'entraînement. Si cela donne quelque chose et que cela aide en match, nous le gardons. Sinon, nous cherchons une autre option pour nous améliorer. »
Bradley Barcola est à une douzaine de passes décisives en 2025. Il en a encore fait 2 contre Saint-Etienne (Luis Enrique reprend le journaliste et lui dit 3). N'est-ce pas finalement le symbole de ce que vous recherchez au PSG, à savoir des joueurs qui savent aussi faire passer le collectif avant leur propre intérêt ?
« Barcola est l'un des joueurs qui a le mieux compris quand faire la passe à un coéquipier mieux placé »
« Bradley Barcola définit à la perfection cela... Il a commencé la saison sur une série de buts spectaculaire. Et à partir de là, il a été l'un des joueurs qui a le mieux compris quand faire la passe à un coéquipier mieux placé. Il est souvent en un contre un face au gardien et il a cette générosité pour comprendre quand il est préférable de faire la passe. Cette saison, Bradley Barcola a participé à 33 actions décivises, entre les buts et les passes décisives. Pour moi, une passe décisive qui place un coéquipier face au but sans le gardien, c'est comme un but. 33 ! Ces chiffres montrent la générosité de nos joueurs et en particulier de Barcola. Ce que nous avons beaucoup amélioré cette saison, c'est de chercher toujours le coéquipier le mieux placé devant le but. En cela, nous avons de très bon joueurs et c'est ce qui fait que nous avons beaucoup de joueurs qui marquent des buts. Nous sommes l'une des équipes qui marquent le plus de buts et qui en encaissent le moins également. Donc votre question est merveilleuse parce qu'elle souligne l'importance des joueurs capables de donner le ballon à des coéquipiers mieux placés. »
Quelle relation avez-vous avec le staff et les joueurs ? Comment cela se passe quand vous avez des décisions à prendre sur la stratégie, l'animation ?
« Ce sont des choses très spontanées. En tant que staff, nos compositions sont imaginées d'abord de manière privée. Mais ensuite j'aime beaucoup échanger avec les joueurs et recevoir des informations de leur part. C'est à ça que servent les entraînements, les quotidiens. J'essaye de savoir qui a besoin de plus ou moins de temps de jeu. J'aime parler avec eux, partager, c'est l'une des parties du métier que je préfère. Même si à la fin c'est moi qui décide, car les joueurs te mentent toujours car ils veulent tous jouer, même quand ils ont des coups ou des gênes. J'aime gérer tout cela de manière personnelle, mon staff également. Nous récoltons les informations pour prendre ensuite les bonnes décisions. »
Ibrahim Mbaye a été buteur samedi à Saint-Etienne. Avez-vous constaté des progrès chez lui depuis qu'il a intégré le groupe pro ? Est-ce qu'il pourrait débuter contre Dunkerque ou dans le futur lors des grosses échéances à venir ?
« Ce que j'aime le plus chez Mbaye, c'est son attitude quand il redescend avec les U19 ou les U23 »
« Oui, sans aucun doute. Cela fait déjà un an qu'il s'entraîne avec nous et il y a eu une progression évidente. Affronter des joueurs pro à l'entraînement implique de progresser physiquement mais aussi mentalement. Il faut avoir cette maturité et je le vois déjà très mature, malgré son jeune âge. Mais ce que j'aime le plus chez lui, c'est son attitude quand il redescend avec les U19 ou les U23. Son attitude défensive me paraît excellente. Son attitude offensive, tout le monde la connaît déjà et ne fait pas débat. Et bien sûr, c'est un joueur sur lequel le staff et le club misent, mais il faut y aller petit à petit parce que sa maturité évolue petit à petit et c'est le joueur qui te montre la rapidité avec laquelle nous devons agir avec lui. Mais oui, c'est un joueur que nous avons choisi avec le staff et le club pour nous aider dans un futur très proche puisqu'il le fait déjà au présent. »
Vous avez souvent défendu le niveau de la Ligue 1 devant nous. Aujourd'hui, le PSG a 21 points d'avance sur son dauphin. Est-ce que la Ligue 1 est toujours aussi attractive selon vous ?
« Je comprends que cette année, plus que les autres, cela puisse paraître différent vu notre avance sur les autres. C'est vrai que nous sommes en train de battre des records et que cela peut un peu porter préjudice à cette image de la Ligue 1. Mais je crois que le niveau des équipes français a été clairement démontré en Champions League. Brest a été sensationnel, Lille a été bon, Monaco aussi. C'est là que se situe le vrai niveau de la Ligue 1. Un club français peut gagner la Champions League. Et ensuite, notre grande avance sur le deuxième en Ligue 1 est liée aux statistiques que nous avons et aux records que je viens de commenter. »
Est-ce qu'on doit s'attendre demain à un large turnover ? Et qui sera le gardien demain ? J'essaye...
« Bien tenté (sourire). Nous vous inquiétez pas, il y aura 11 joueurs du PSG très préparés pour être compétitifs et suivre l'attitude de nos supporters. Ils ne se reposent jamais, nous soutiennent tout le temps, quel que soit le résultat. Nous devrons être à la hauteur de nos supporters et cela implique d'être très concentré. Ne soyez pas inquiet (sourire). »