C'est un Luis Enrique bavard et en pleine forme qui était face à la presse ce samedi à la veille de PSG/OL. L'entraîneur parisien, qui n'a pas hésité à faire de la saison en cours la meilleure de sa carrière en termes de stats, a évoqué bon nombre de cas individuels en ouvrant pas mal de portes pour les joueurs en question : Nuno Mendes, Achraf Hakimi, Lucas Hernandez, etc. Voici ses propos complets, traduits par nos soins.
A l’approche du match important en Ligue 1 face à Lyon, que pensez-vous de cette équipe lyonnaise qui enchaîne les bons résultats dernièrement et qui a un style de jeu qui peut vous embêter demain ?
« En principe, nous connaissons assez bien Lyon parce que nous avons déjà eu l'occasion de les jouer la saison dernière (en championnat), en finale de Coupe de France, et lors du match aller cette saison avec le même entraîneur. C'est un adversaire qui traverse actuellement une phase très positive, qui est bien classé à la fois en championnat [5e] et en Europa League [4e] et qui possède des joueurs de grande qualité. Une équipe difficile à jouer et ces difficultés nous donnent la motivation et l’envie d'être à la hauteur de l'événement. Je pense que ce sera un très bon match. »
Estimez-vous qu’Achraf Hakimi arrive dans un moment de plénitude de son jeu ?
« Non, mon objectif est de faire sortir tous les joueurs de leur zone de confort. Ceux qui jouent beaucoup, ceux qui jouent peu, ceux qui jouent régulièrement : tous doivent sortir de leur zone de confort. Les temps de jeu donnent une indication sur les joueurs auxquels nous faisons le plus confiance. Mais nous voulons toujours que tous les joueurs se surpassent. Oui, Hakimi joue bien en ce moment. Est-ce qu’il peut mieux jouer ? Oui, et même beaucoup mieux. Et c'est mon objectif : qu’on puisse voir le meilleur Hakimi, le meilleur Nuno, le meilleur Pacho et ainsi de suite pour chaque joueur, le meilleur Marquinhos… Et très souvent, pour pouvoir voir la meilleure version de ces joueurs, il faut prendre des décisions impopulaires. C’est ça, sortir de sa zone de confort. »
Ousmane Dembélé a très peu joué lors des derniers matchs, quelles en étaient les raisons et quelles sont vos relations actuelles avec lui ?
« J'ai la même relation avec tous les joueurs : je suis leur entraîneur, je ne suis ni leur père, ni leur frère »
« J'ai la même relation avec tous les joueurs : je suis leur entraîneur, je ne suis ni leur père, ni leur frère, ni leur “bro”, ni rien d’autre qui peut y ressembler. Je suis l'entraîneur, je décide, je dois trancher et je n'ai aucun problème avec ça. Je prends les décisions que je considère être les meilleures pour mon équipe. Et ça signifie quoi ? Je le répète : qu’il faut sortir tous les joueurs de leur zone de confort : ceux qui jouent beaucoup, ceux qui ne jouent pas ou moins. C'est mon objectif en tant qu'entraîneur. C'est ce que je fais depuis le début de ma carrière, cela me convient à merveille et je ne changerai pas. »
Nuno Mendes se projette de plus en plus vers l'avant, à l'image de son but contre Salzbourg. Ce n'était pas vraiment le cas en début de saison où il avait un rôle assez différent. Qu'est-ce qui vous a amené à modifier son rôle de ces dernières semaines?
« Parce que l'objectif de tout staff et de tout entraîneur est de faire progresser mon effectif et d’améliorer nos performances. Cela ne veut pas dire que Nuno ne peut pas revenir prendre part au triangle de relance et être un des joueurs qui défend. Les joueurs doivent être en capacité et disposés à aider l'équipe dans les domaines jugés opportuns par leur entraîneur quel que soit l'entraîneur. Au début de saison, Nuno occupait davantage, disons, une zone de continuité en phase offensive.
Aujourd’hui, en plus de créer du jeu, il joue plus haut. C’est un joueur décisif dans le dernier tiers grâce à ces centres, à sa vitesse, à ses tirs. On parle d’une équipe et une équipe est un orchestre. On ne peut pas avoir six joueurs qui font la même chose. Nous devons tous les adapter et chercher à jouer de manière coordonnée. Voilà notre objectif. Et je le répète: cela ne veut pas dire que si Nuno joue plus haut aujourd’hui, il ne peut pas aussi jouer derrière. La phase offensive dépend de ce qui est le mieux pour l’équipe selon nous. L’objectif reste toujours l'équipe. »
Dans l'équipe lyonnaise, il y a un danger en ce moment qui est Ryan Cherki. Est-ce pour vous le danger numéro 1 de cette équipe ? Et avez-vous toujours la volonté de le recruter, soit au mercato d'hiver soit au mercato d'été ?
« Le danger de l'Olympique lyonnais, c'est qu'ils soient capables d’avoir le ballon. C’est une équipe de haut niveau avec le ballon, il n'y a aucun doute à ce sujet en raison du profil individuel de tous ses joueurs. »
Pour revenir sur le nouveau rôle de Nuno Mendes, est-ce aussi lié au fait que Bradley Barcola ait un peu plus de mal peut-être à faire des différences. Comment l'expliquez-vous d’ailleurs ? Est-ce parce qu'il est mieux pris ? Que tous les défenseurs ont compris sa manière de jouer ? Lui donnez-vous des conseils pour retrouver sa capacité à être de nouveau décisif ?
« Je dis aujourd’hui la même chose à Bradley Barcola et aux autres attaquants qu’en début de saison : seule l’équipe compte »
« Bradley a été décisif à chaque match. Vous autres ne considérez un joueur décisif que s’il marque des buts ou fait des passes décisives. Le football est un sport beaucoup plus complexe : on peut être un joueur clé et déterminant sans marquer de buts et sans donner de passes décisives. Le plus important, c’est que les 11 joueurs alignés demain forment une équipe en attaque et une seule équipe en défense. C'est notre objectif. Après qu’ils soient plus ou moins bons, qu’ils marquent davantage ou non, l'objectif reste que l'équipe parvienne à gagner les matchs. Qui reçoit un prix individuel ou est élu meilleur joueur n'a évidemment aucune importance à nos yeux. Je dis aujourd’hui la même chose à Bradley et aux autres attaquants qu’en début de saison : seule l’équipe compte. On se moque toujours de savoir qui marque les buts. »
Par rapport à la récupération, comment s'articule le processus de récupération au Paris Saint-Germain ?
« Pour tout ce qui concerne l’aspect médical, je ne suis pas le bon interlocuteur. Nous sommes actuellement dans une très bonne situation parce que tous les joueurs sont disponibles. Mais leur état diffère selon la raison d’indisponibilité et la durée de la période d'inactivité. On ne peut pas comparer Senny Mayulu qui s’est blessé il y a trois semaines et est resté absent trois semaines avec des joueurs comme Lucas Hernandez absent depuis six mois à cause des croisés ou d’autres joueurs qui ont connu des périodes d'inactivité encore plus longues. Nous surveillons évidemment les séances d'entraînement, nous vérifions s'ils récupèrent physiquement leur niveau, et en fonction de ce que nous voyons, nous faisons confiance au joueur en lui permettant de participer. Mais chaque processus (de récupération) est différent, propre à chacun. On ne peut faire aucune généralité. »
Vous êtes actuellement 25e au classement de Ligue des Champions. Considérez-vous que cette place est méritée ? Quel regard portez-vous sur cette compétition qui ne réussit pas forcément au grand club comme le PSG, Manchester City ou le Real Madrid ?
« Qui se soucie de savoir si c'est mérité ou non ? Personne. C'est notre classement, c'est la réalité, nous l'acceptons et nous ne pensons qu’à renverser cette situation. Pour le reste, cela n'a aucune importance de savoir si c'est juste ou injuste. Ça n'intéresse personne. »
Vous affrontez Botafogo qui appartient au même propriétaire que l’OL que vous affrontez dimanche. Il y a une très grande inquiétude au Brésil dès qu'il faut affronter des clubs européens. Il y a donc beaucoup de débats en ce moment. Avez-vous le temps de regarder le foot brésilien ? De suivre des joueurs ?
« Non… pas avec un calendrier aussi intense que le nôtre aujourd’hui, en jouant des matchs tous les trois ou quatre jours. Pour moi, on arrivera en temps voulu à la Coupe du monde (des clubs) de cet été, un peu fatigués mentalement, et nous pourrons reparler de Botafogo, de Seattle, de l'Atlético de Madrid… Ça me paraît tellement loin que j’attends avec impatience cette compétition. Sinon, je n'ai rien vu, ou très peu, de Botafogo. Le peu que j’ai vu, c’était par choix et non par obligation. On aura le temps de jauger notre niveau et de partager cette compétition
(Il interpelle en souriant la journaliste pour lui rappeler qu’il avait pronostiqué de tomber sur Botafogo avant le tirage au sort) C’était sûr que ce serait Botafogo, hein… »
Sur le dernier match, j’ai vu des choses qui me plaisent au Paris Saint-Germain : des corners qui ne sont plus joués à deux, des centres en hauteur, une manière plus imprévisible et directe de jouer. Est-ce lié à une volonté d'être imprévisible ?
« Eh bien, c’est une très bonne analyse. Si vous faites toujours la même chose, que fait l’adversaire ? Il s’adapte. Si nous jouons les corners à deux, c’est parce que cela porte ses fruits. Mais si toutes les équipes savent que nous les jouons ainsi et qu’elles s’adaptent, il faut changer, en permanence. C’est en cela que consiste le métier d’entraîneur de football. Il faut changer en permanence pour que l'adversaire pense que vous allez faire une chose alors que vous en ferez une autre. Il faut être prévisible pour les joueurs afin qu’ils sachent ce qu’ils ont à faire et imprévisible pour l'adversaire. C'est ce que nous essayons de faire.
« En termes de statistiques, c'est sans aucun doute ma meilleure saison en tant qu'entraîneur »
Et en ce qui concerne cette saison, en termes de statistiques, c'est sans aucun doute ma meilleure saison en tant qu'entraîneur. Vous pouvez critiquer ce que vous voulez, dire ce que vous voulez, essayer de mentir ou d’inventer autant que vous voulez, c'est ma meilleure saison en tant qu'entraîneur en termes de nombre d'occasions créées et du peu d'occasions subies. La meilleure de ma carrière ! Et j'ai eu des saisons très réussies… C’est pourquoi, je ne vois ici que des choses positives. Cela m’est égal si vous ne voyez pas les choses ainsi, si nous sommes entourés de négativité, de critiques et que sais-je encore… Depuis le début de la saison, c'est comme ça. Dès le début de la saison, vous étiez nombreux - et je parle des journalistes, pas du public ou des supporters - à dire que nous n'étions même pas la meilleure équipe de France. Et petit à petit, ce discours se perd...
Personnellement, je suis TRÈS content de cette saison malgré les difficultés que nous rencontrons dans une compétition comme la Ligue des Champions. Je suis très content parce qu'un processus de progression dépend de la capacité à surmonter les problèmes. Et nous sommes aujourd'hui dans une situation qui s'avère très positive pour moi quand je vois tout ce que fait l’équipe et tout ce que font les joueurs. Nous ne dépendons d’aucun joueur, d’aucun en particulier, nous dépendons de l'équipe. Et je vois que le niveau des joueurs qui participent ne cesse de progresser. Et c'est la seule façon que je connaisse de réaliser de grandes choses. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour y arriver mais je ne suis pas inquiet. Ce dont je suis certain, c’est que ce processus nous permet de continuer à progresser, progresser, progresser (il insiste) et que c’est la meilleure saison de ma carrière. »
Suite au retour de Lucas Hernandez, envisagez-vous éventuellement un changement de système avec ce joueur qui peut jouer arrière gauche mais aussi en défense centrale axe gauche ? Potentiellement avec plus de projection au niveau des pistons avec Nunos Mendes et Hakimi, qui pourraient jouer plus haut ?
« Oui, c’est clairement possible. Le cas de Lucas est totalement atypique pour un joueur qui réintègre l’équipe après une absence de six à sept mois. Je n’ai connu qu’un seul cas du genre. En une semaine à peine, je le vois à un tel niveau physique, supérieur même à celui d’un joueur en parfaite condition. Le problème c’est que nous ne pouvons pas le faire jouer 90 minutes ni même 45. Nous devons le relancer petit à petit dans la compétition. A Salzbourg l’autre jour, c’était l’occasion idéale en raison du résultat et de la physionomie du match. Lucas a vraiment envie de jouer, il s'entraîne très bien avec un très bon état physique et avec une grande envie de participer. Quand ça se passe comme ça, c’est merveilleux. Oui, bien sûr qu’il pourrait jouer dans la même équipe que Nuno et Hakimi. Les bons joueurs peuvent toujours jouer ensemble. »
Vous parlez d'un processus, d'une meilleure saison, qui est en cours. Avez-vous des certitudes sur le fait que le niveau de votre équipe augmentera pour janvier et pour le choc face à City ?
« Nous n'allons pas faire venir des joueurs en espérant des choses invraisemblables »
« Non, il y a une autre phrase que je répète (tout le temps) : nous sommes prêts à saisir toute opportunité sur le marché, mais il est de plus en plus difficile d'améliorer notre effectif et nous n'allons pas faire venir des joueurs en espérant des choses invraisemblables. Le mercato, surtout d’hiver, est toujours compliqué. Je répète que j’ai totalement confiance en nos joueurs et en leur marge de progression qui permettra à ceux qui jouent moins d’intégrer la rotation et d’obtenir du temps de jeu. Je n'ai aucune certitude sur ce qui se passera dans le futur parce que personne ne peut le prédire, mais oui, ce que je vois à l’heure actuelle me plaît beaucoup. »
Après Salzbourg, vous aviez dit que votre équipe avait mieux joué contre l'Atletico ou le PSV. À vos yeux, qu'est-ce qui est le plus important : la victoire ou la manière ?
« La manière et les résultats. Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit [après le match contre Salzbourg]. Je n'avais pas eu le sentiment que nous avions, de manière certaine, moins bien joué que contre de l'Atlético Madrid ou le PSV. Pour moi, ces deux matchs ont été très bien joués. Mais comme le résultat a été différent, cela a donné lieu à une critique exacerbée, qu’elle soit juste ou injuste, et nous l'acceptons parce que nous savons qu’elle dépend du résultat.
Mais après avoir analysé le match (contre Salzbourg) - et j'étais déjà convaincu que nous avons fait un grand match contre l'Atlético de Madrid et contre le PSV, nous avons apporté de nettes améliorations en termes d'efficacité et dans certaines situations spécifiques. C’est comme ça. Mais après avoir analysé le match en profondeur, et tous les matchs cités, je le maintiens et je continuerai à le maintenir.
Ah, et je dis aussi que nous jouons dans la plus haute compétition au plus haut niveau, la façon de jouer importe peu si tu n'es pas capable de gagner. Pour le coach que je suis, la manière dont tu joues est très importante parce qu’elle détermine ta capacité à reproduire les performances. Si tu joues avec une idée claire et que tu es supérieur à l’adversaire, même si tu ne gagnes pas certains matchs, tu pourras reproduire ton jeu parce que la manière est vitale. La manière de perdre, comme la manière de gagner. Vitale. Si tu contrôles la manière dont les situations se reproduisent, elles se reproduiront. Sinon… »