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Vies de coaches : Episode 6

Publié le jeudi 20 novembre 2014 à 11:25
Parmi les membres de notre communauté, certains entraînent des enfants dans des clubs un peu partout en France. Toutes les semaines, à tour de rôle, ils raconteront leurs aventures auprès de ces jeunes joueurs amateurs qu'ils coachent.

Lors des cinq premiers épisodes, Iaro nous avait raconté ses débuts avec les U13 de son club puis ses premiers matches (épisodes 1, 2, 3 et 5) tandis que l'épisode 4 concernait "Touriste" et ses U10. Aujourd'hui, pour le sixième, nous sommes encore avec Iaro et ses U13 :

Retour au championnat ce week-end, et groupe quasi au complet cette fois avec le retour de tous mes défenseurs, et dans le tas deux nouveaux d'un bon niveau. L'équipe première a recruté des joueurs à l'extérieur avant les vacances, ce qui redistribue un peu les cartes pour les équipes du dessous, et j'ai un arrière droit et un milieu gauche très intéressants à disposition.

Quelques mots sur ce fameux milieu gauche : il a une intelligence de jeu qui relève de la pornographie pour son âge. Et surtout quand tu ramènes ça au fait que c'est sa première année en club. C'est bien simple, dans l'orientation du jeu et dans ses appels de balle, il a tout compris, comme s'il avait bouffé quatre heures de vidéo tous les jours depuis ses cinq ans. Problème : il n'est jamais là le week-end et il ne progresse pas comme il devrait dans les autres compartiments de son jeu. Nous sommes mi-novembre et c'est la première fois qu'il est disponible pour un match officiel.

Pour revenir au match, hélas, cela sent vite le déplacement à l'arrache : personne pour arbitrer sur place, un gros retard pris sur le planning des matchs et on nous annonce qu'on jouera plutôt deux fois 20 minutes au lieu de 2x30 habituelles, et chez nous il manque un éducateur donc je prends deux équipes. Je termine avec les U12 et j'ai à peine 3 minutes pour briefer mes U13 avant le coup d'envoi.

Causerie très vite expédiée où je mets l'accent sur le sérieux puisque j'ai envoyé mes idiots faire des tours de terrain la veille à l'entraînement vu qu'ils bâclaient un exercice. Autant dire qu'on n'a pas le temps de parler de jeu et ça se sent. Les 20 premières minutes se jouent sur un faux rythme avec une circulation du ballon meilleure que dernièrement, les deux nouveaux apportant leur aisance dans ce domaine, mais presque pas d'occasion. Des deux côtés d'ailleurs, et à part sur les six mètres très longs de leur défenseur central qui amènent le danger directement dans notre surface, rien à se mettre sous la dent.

Seul intérêt de la mi-temps, et puisque j'arbitrais je suis aux premières loges : remise en retrait de mon attaquant pour mon fameux milieu gauche, la passe est trop forte donc il recule par rapport au ballon qui arrive vers lui pour se donner un angle, tout en se déplaçant légèrement vers la gauche dans le même temps pour s'ouvrir le champ sur son pied droit. De son côté gauche, il envoie une passe en profondeur millimétrée en une touche au milieu opposé sur le côté droit, avec l'exact niveau de force nécessaire alors qu'encore une fois, il recule quand il arme sa passe. L'action n'a rien donné et plus globalement les autres ne sont pas au même niveau de compréhension du jeu que lui pour que ses éclairs fassent mouche, son jeu tout en finesse dans l'orientation et en recherche de la profondeur dépendant grandement de ses partenaires, mais son match me confirme tout le bien que j'en pense. Il est haut comme trois pommes, court comme quatre et soulage énormément son latéral tout du long. Son registre me régale, mais sa place est avec l'équipe du dessus et j'ai débriefé le coach concerné en ce sens.

Donc mi-temps : je bouge mes gars, je change quatre joueurs, soit la moitié de l'équipe. Il y a de la place, peu d'idées en face et de ce que j'ai vu, tout autre résultat qu'une victoire sera un gâchis. Point de détail important : comme convenu, je laisse le sifflet à l'entraîneur adverse avant la reprise, naïvement avec le recul. La mi-temps de toutes les émotions peut alors commencer.

Le message est passé puisqu'on marque vite, sur une action intelligemment menée par un des entrants. Par la suite, bonne surprise : on gère bien notre match, maintenant sous la pluie battante, sans reculer et en continuant à se créer des situations dangereuses, comme si les joueurs avaient bien conscience qu'il faut aller marquer le deuxième.

Il reste alors cinq minutes quand un joueur de l'équipe adverse prend le ballon au milieu dans l'axe, élimine trois joueurs, dont certains se jettent n'importe comment, et s'offre un duel vainqueur face au gardien. C'est mal, mais si mes gars avaient été des adultes je les aurais sans doute insultés de colère sur le coup : toute la défense fait absolument l'inverse de ce qu'il faut faire sur l'action.

Bien énervé, je change trois joueurs pour les dernières minutes, refaisant rentrer des gars sortis à la mi-temps. On pousse, et alors qu'on est pour moi à deux minutes de l'heure de fin de match décidée avec l'entraîneur adverse, on marque sur un tir contré qui lobe le gardien. Mes joueurs explosent de joie, courent partout... Jusqu'à ce que l'arbitre/entraîneur adverse signale une sortie de but, prétextant que le ballon est passé derrière la barre transversale. Je suis à l'opposée du terrain, je n'ai absolument aucune certitude sur la question mais à voir la réaction outrée de mes joueurs proches de l'action, des parents d'un naturel plutôt posé qui nous accompagnent, et même de remplaçants de l'équipe adverse qui viennent me voir pour me dire que leur coach est un escroc, j'ai bien la rage. Tellement que j'ai envie d'aller défenestrer l'autre charlot, d'ailleurs mon petit milieu gauche, qui était à cinq mètres du but sur l'action, est tout rouge et j'ai bien cru qu'il allait s'occuper de l'arbitre pour moi.

Aller embrouiller l'arbitre allant à l'encontre de tout ce que j'essaie d'apprendre à mes joueurs, je me contiens, mais je crois être clairement sorti de mon match à ce moment-là. On ne se fait pas dégager à l'heure prévue du terrain et l'entraîneur adverse, voulant sans doute profiter de ce coup porté à notre moral, me propose de continuer le match pour arriver à une mi-temps complète. J'accepte, plus pour que mes joueurs aient davantage de temps de jeu que par conviction par rapport à l'issue d'un match qui a tourné à notre désavantage, d'autant qu'à ce moment-là je n'ai plus vraiment d'idée de coaching.

Ce sont donc les joueurs qui ont pris le relais. En cinq minutes, mes joueurs marquent le deuxième but, les titulaires sont rejoints par les remplaçants et évacuent leur rage ensemble, puis marquent même le troisième peu après. On finit par se faire virer du terrain et on termine là-dessus. Je ne sais plus quel coach professionnel avait félicité ses joueurs d'y avoir cru à sa place à l'issue d'une fin de match de ce style, en l'occurrence nous concernant c'était un peu ça et sur la fin, les joueurs ont fait le boulot tout seuls. La célébration finale est à la hauteur du sentiment d'injustice, et je suis persuadé que ce match sera fondateur pour la suite. Quant à l'autre clown, dans le cul la balayette, par contre j'ai bien pris soin de le regarder mettre le score sur la feuille de match avant de partir.

Tous les joueurs ont été bons, à des degrés divers mais tous bien là dans l'esprit : mes deux goals ont fait leur boulot, les défenseurs aussi, si ce n'est sur le but où ils se font enrhumer bêtement. Mention spéciale au défenseur central de retour de blessure, que j'ai fait bosser un quart d'heure les six mètres la veille et qui m'a sauté dans les bras à la fin. Beaucoup d'options au milieu, avec notamment mon milieu droit que j'ai fait glisser dans l'axe comme je l'avais évoqué la fois dernière : un doublé à la clé et un gros volume de jeu alors qu'il a disputé tout le match. Reste toujours à trouver l'attaquant mais celui que j'ai testé à ce match m'a fait bonne impression et il ne lui manque qu'un but pour se mettre en confiance.

La victoire conditionne évidemment tout mais j'ai grand hâte d'enchaîner avec ces soldats au gros coeur, le week-end prochain pour la première réception de la saison en championnat.

Iaro

Episode 1 (U13, Iaro)
Episode (U13, Iaro)
Episode (U13, Iaro)
Episode 4 (U10, Touriste)
Episode 5 (U13, Iaro)

Prochain épisode la semaine prochaine avec Touriste.


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