Article 

Sa reconversion, ses U19, sa vision du métier, etc, le coach Zoumana Camara s'est livré

Publié le lundi 20 décembre 2021 à 18:43 par Dubdadda
Auteur de débuts remarqués à la tête des U19 Nationaux du PSG, Zoumana Camara s’est confié récemment au micro de la chaîne Youtube Baco pour le premier numéro d’une série de podcasts intitulés « La parole aux coachs ». Interrogé par Anthony De Freitas, milieu de terrain au FC Biel-Bienne (troisième division suisse) et ancien coéquipier d’Abdou Diallo au centre de formation de l’AS Monaco, l’entraîneur parisien est revenu avec beaucoup de franchise et d’humilité sur cette nouvelle expérience. Un entretien passionnant avec un jeune coach qui a les idées claires.

L’intégralité de l’interview est à retrouver en video en bas d'article.

« Une opportunité qu’il a fallu saisir au bon moment »

Interrogé en premier lieu sur une saison 2014/2015 charnière dans sa carrière au PSG, Zoumana Camara reconnaît avoir entamé des discussions avec le club autour d’une reconversion au cours de l’année, « une opportunité qu’il a fallu saisir au bon moment » après une intense réflexion nourrie par des discussions avec ses plus proches amis.

Un projet de reconversion est « quelque chose qui se construit dans la tête d’un joueur » au fil du temps et, selon l’ancien international tricolore, il est sans aucun doute lié au poste qu’il a occupé durant toute sa carrière : « Un défenseur central ne peut pas être centré sur lui-même, réaliser une performance où il ne parle pas aux autres et ne s’investit pas. De par la position, il faut guider les autres, être dans le sacrifice. » Naturellement tourné vers les autres, « Papus » confie aussi avoir eu des responsabilités de plus en plus importantes au fil de sa carrière et développé un trait de personnalité, souvent mis en avant par ses partenaires, à savoir son côté pédagogue : « Je ne rentre pas dans le conflit quand je parle avec les gens, et lorsque je prends une décision, je la développe et j’explique pourquoi ».

Lorsque Anthony De Freitas lui demande si il a des entraîneurs modèles, le natif de Colombes insiste sur le côté relationnel : « On a tendance à penser que l’on va se souvenir de tout ce que l’on a connu avec les différents entraîneurs ; mais à la fin ce qu’il reste, ce sont les relations que l’on avait avec les entraîneurs - plus que le côté tactique. Demain, vous me demandez ce que l’on faisait avec Fred Antonetti dans les années 2000, ce que l’on travaillait à l’entraînement avec lui, je suis incapable de réellement me souvenir d’une séance précise. Si vous me demandez comment il était humainement je saurai le dire : c’était un entraineur exigeant, qui était parfois dur mais bienveillant, précis dans ce qu’il demande ».

« Tu vas essayer de les responsabiliser et de faire en sorte qu’ils travaillent un peu comme s'ils étaient déjà chez les pros »

La suite de l’entretien porte alors sur le poste de coordinateur sportif occupé par Zoumana Camara à la suite du départ de Thomas Tuchel : « Je ne pouvais pas prendre tout de suite une équipe, et entre décembre et juin, j’ai supervisé les trois catégories U16, U17 et U19 ». Selon lui, cette fonction lui a ainsi permis de gagner du temps puisqu’il avait déjà dans l’idée de prendre les rênes de l’équipe U19 : « Je me suis projeté sur ce que j’aimerais changer si je prenais l’équipe, pas que moi mais pour les éducateurs, en termes d’infrastructures, d’organisation… ce qui peut être amélioré. J’ai appris à connaître les joueurs, les prénoms, les postes et les caractéristiques de chacun ». La transition s’est donc faite naturellement avec un objectif précis donné par le club : « Tu as une expérience d’ancien joueur et tu étais entraîneur adjoint avec l’équipe première, tu vas essayer de les responsabiliser et de faire en sorte qu’ils travaillent un peu comme s'ils étaient déjà chez les pros, tout en sachant que c’est des jeunes ».

« S'ils veulent aller au plus au niveau, il faut être exigeant maintenant »

L’ancien défenseur central se livre ensuite sur sa façon d’entraîner au quotidien, et ce qu’il attend de ses joueurs « dans l’intensité, dans la rigueur » avec « beaucoup de rythme, peu de coupure et un investissement total pendant la séance ». Il insiste sur la nécessité de travailler différents systèmes tactiques : « J’estime que rester figé dans un système c’est bien ; mais c’est bien qu’à cet âge là ils touchent un peu à tout » et d’expliciter : « C’est une richesse pour eux car quand ils sont amenés à jouer plus haut, ils ne savent pas quel entraîneur ils vont avoir. On doit leur donner un bagage important afin que plus tard, quelle que soit la demande de l’entraîneur, ils soient capables de jouer ». Si le PSG « ne lui impose pas de style », le jeu prôné est basé « sur la possession et le contrôle du match » avec la volonté « de ressortir de derrière le plus souvent possible, utiliser le gardien qui est un joueur à part entière, et effectuer des sorties de balle sous pression avec de la personnalité ».

Le technicien parisien développe ces notions d’exigence et de personnalité, fondamentales à ses yeux : « S'ils veulent aller au plus haut niveau, il faut être exigeant maintenant. Quand on n’a pas habitué un joueur à faire ça, il se réfugie dans ce qu’il sait faire et le confort ». Il détaille sa perception des choses : « S'il n’a pas été habitué à sortir avec cette personnalité dans ce qu’il fait aujourd’hui, allez lui demander de faire ça dans un huitième de Ligue des Champions, à l’extérieur, sous pression ; il va dire oui mais il ne va pas le faire. Si il a été habitué à grandir avec ces principes (ressortir court même si cela presse, sans prendre de risques, jouer entre les lignes, se déplacer, prendre les informations), c’est quelque chose qui va être naturel chez lui et qu’il sera amené à faire beaucoup plus haut ».

« Je suis entraîneur, formateur et éducateur »

En prenant l’exemple de la première mi-temps face à City en Youth League, Anthony de Freitas fait alors un parallèle avec le calme qu’il dégage au bord du terrain. Zoumana Camara précise, et se lance dans une longue explication : « Je suis quelqu’un de calme et posé mais je peux hausser le ton. Je suis plus à expliquer et donner des directives. Depuis que je fais ce métier, j’essaye toujours de me dire : est-ce que cela m’aurait plu d’avoir un entraîneur sur le côté qui ne fait que crier ? Est-ce que cela aide ? Je pense que non, et qu’il existe une manière différente de fonctionner. Selon moi, il suffit d’être précis sur deux-trois directives, puis les laisser jouer. On est à l’image de son équipe, si je me mets à crier, est-ce que cela va amener de la sérénité à mes joueurs et à mon équipe ? Il faut dégager de la sérénité et de la tranquillité pour qu’ils puissent s’exprimer ».

Dans son quotidien, l’entraîneur parisien explique « toucher à tout » et revient sur la nécessité de « mettre des règles de vie qui vont les aider pour plus tard ». En se remémorant son ancien rôle d’adjoint, il souligne les différences dans le relationnel avec ses joueurs : « Quand tu es numéro un, celui qui décide, cela crée une barrière naturelle et c’est différent. Comme j’ai été adjoint, j’essaye de travailler avec des adjoints qui sont dans cet échange, comme ça ils peuvent avoir facilement les informations, même s'il y a des choses que je ne dois pas savoir. Ils peuvent être dans le partage ». Pour lui, la communication est primordiale dans son nouveau métier : « Le premier discours, c’est que mon bureau est ouvert, qu’ils n’hésitent pas à venir taper à la porte, venir échanger quelle que soit la demande. Le but est de prendre les informations, avec une vision globale pour mieux comprendre les choses et mieux gérer les situations ». 

Alors que Anthony De Freitas souligne le fait que lui et ses partenaires disposaient d’une psychologue au centre de formation de l’AS Monaco, Papus revient sur les difficultés que peuvent traverser ses jeunes joueurs dans ce milieu très concurrentiel « au sein duquel tout le monde veut réussir » et qu’il décrit comme « un entonnoir, cela commence large au début puis cela se rétrécit et personne ne veut montrer un signe de faiblesse ». Plutôt que de parler de psychologue, il évoque le rôle du « préparateur mental qui amène vers la performance ».

« Un formateur doit développer les joueurs, gagner les matchs c’est secondaire »

L’actuel entraîneur des U19 Nationaux du PSG est alors lancé sur le sujet particulièrement intéressant de l’évaluation du travail de formateur, et développe sa vision : « J’aimerais à la fin de la saison que l’on me dise : tu as pris ce joueur ou ce groupe, et depuis qu’ils sont passés avec toi ils sont différents, ils sont mieux dans ça, ils se sont améliorés dans ça… Dans son cheminement, me dire que j’ai réussi à le faire progresser et à l’amener à un seuil de performance plus haut ». Lucide sur le fait qu’il est actuellement dans un club qui souhaite aussi de bons résultats, il précise : « Tu peux allier les deux mais la priorité reste le développement des joueurs. La vision d’un club ce n’est pas de mettre la pression à un formateur pour qu’il ait de bons résultats ; sinon il n’est plus dans l’esprit de faire progresser mais celui de gagner pour garder sa place. Il doit avoir de la tranquillité, dans un cadre où il puisse développer les joueurs de façon sereine ».

« On est éducateur, on ne peut pas occulter la scolarité »

Anthony De Freitas aborde la question de la scolarité et Zoumana Camara décrit une journée type pour un joueur U19 : « Ils ont entraînement tous les matins jusqu’à 12h-12h15. Après douche et soins, ils déjeunent et enchaînent sur les cours au Centre de formation de 13h30-14h à 18h-18h30 ». L’entraîneur parisien explique alors pourquoi la scolarité et le sportif sont intimement liés : « On utilise le comportement qu’ils ont à l’école, on le met en avant pour qu’ils soient convoqués le week-end pour les matchs. Surtout, on n'a pas de garanties qu’ils soient pro, ils ne vont pas tous réussir et la scolarité est un bagage pour la vie de tous les jours. Pour leur faire comprendre, il ne faut pas dissocier les deux et les bons résultats, leur comportement, l’investissement dans leur scolarité doivent être liés au sportif ».

Il donne d’ailleurs un exemple précis pour illustrer ses propos : « On a eu un souci cette année avec un joueur pour qui cela s’est mal passé avec un professeur. Une sanction a été prise par le club, et c’est tombé sur un match de championnat et de Youth League face à City. Tu as l’impression d’être puni en tant qu’entraîneur mais il faut penser club, et le club a pris la bonne décision. Cela s’est bien passé et tout est rentré dans l’ordre. Dans leur apprentissage, ils se diront que le club parle d’une seule voix, que l’un va avec l’autre ». 

Interrogé sur la question des entretiens de fin d’année, Zoumana Camara reconnaît qu’il ne sait pas encore comment cela se passe avant de préciser : « On est en plein dans la saison, dans le développement et dans les bilans de mi-saison. J’ai fait des bilans d’objectifs de début de saison avec chaque joueur, afin qu’il puisse se fixer les objectifs sur une saison et moi lui dire ce que j’attendais de lui ». Il rebondit ensuite sur la question des fins de contrat et du débat interne que cela suscite en lui : « La difficulté, plus que d’annoncer que l’on ne va pas le conserver, c’est de se dire "est-ce que dans ma vision, dans mon œil, je suis convaincu que ce joueur ne peut pas réussir". Tu vas dire "non" mais est-ce que tu es sûr de ne pas passer à côté de quelque chose. C’est un choix difficile même si à la fin, je pense que quand un joueur doit réussir, il réussira. Même un échec ici peut être le début de quelque chose ailleurs. »

« On va essayer de former, peut être pas tous les ans, tous les 2-3 ans 3-4 joueurs top qui peuvent être à la fois titulaires au club et internationaux»

L’entretien bascule alors sur le sujet brûlant de l’intégration des jeunes en équipe première, et l’ancien international tricolore développe une vision très claire : « Je pense que le PSG doit fonctionner de manière à se dire : on a un vivier énorme, on va essayer de former, peut-être pas tous les ans, tous les 2-3 ans, 3-4 joueurs top ; exemple Sakho, Rabiot, ce style de profil qui peut à la fois être titulaire dans le club, et être international, et accepter qu’il y ait d’autres joueurs qui deviennent pro - mais pour d’autres clubs car le seuil était trop haut aujourd’hui au PSG ».

L’objectif d’un centre de formation reste de former des joueurs, et pour l’entraîneur parisien, le discours tenu à un père de famille doit être limpide : « Ton fils fera une carrière, si il est top il la fera ici mais si il est en dessous du top il en fera une ailleurs. C’est toujours plus attractif que de dire : j’en prends trois, seulement les tops et les autres ne feront rien ». Et il précise à ce sujet : « L’objectif premier c’est d’être pro, intégrer l’équipe première et avoir des matchs, pas d’avoir seulement le statut. Être pro par le statut, cela ne veut strictement rien dire puisque tu es juste pro parce que l’on te protège, pour ne pas que tu puisses partir à droite à gauche dans un club étranger ». À ce sujet, il conclut en se mettant à la place d’un joueur qui se fixe des objectifs à son entrée au Centre de formation : « Je veux être pro, je souhaite de tout cœur que ce soit au PSG et je vais tout faire pour. Après si c’est compliqué, j’espère toujours appartenir au PSG, être prêté, et le faire ailleurs. Si c’est de nouveau compliqué, alors j’étudierai l’option du départ ». 

« Mon souhait c’est d’entraîner au plus haut niveau, que ce soit ici ou ailleurs »

L’interview se termine par une dernière question posée par Abdou Diallo, co-fondateur de la chaîne Youtube Baco et membre du collectif Balle au Centre, sur la possibilité de le voir entraîner un jour l’équipe première du PSG. Après avoir rappelé son attachement particulier au club et le fait qu’il passe actuellement son dernier niveau de diplôme, Zoumana Camara expose son seul objectif : « Mon objectif c’est d’entraîneur au plus haut niveau, cela peut être n’importe où, on verra. Ce qu’il se passera, personne ne peut le savoir, je n’ai pas d’échéances et je me donne simplement les moyens de remplir mes objectifs ».

Alors qu’il aurait pu conclure l’entretien sur cette réponse, l’entraîneur parisien précise à nouveau ses propos en insistant sur la notion de respect pour le staff en place : « Quand tu es un ancien joueur, que tu entraînes chez les jeunes et fait des interviews où tu parles de ton souhait, il faut penser aux autres, aux entraîneurs en place. Est-ce que cela te ferait plaisir d’entendre ca ? Il y a des choses que l’on n'a pas besoin de dire, on travaille, on avance ; et mon objectif c’est d’entraîner au plus haut niveau, peut-être que ce sera ici ou ailleurs ». Des paroles pleines de sagesse pour un entraîneur qui semble pleinement investi dans ses nouvelles missions.

L’intégrale de l’interview est à retrouver à l’adresse suivante : 


Vous pouvez retrouver les commentaires de l'article sous les publicités.
Joueur(s) lié(s) 

News 

Aujourd'hui

vendredi 26 avril

jeudi 25 avril

mercredi 24 avril

mardi 23 avril

lundi 22 avril

dimanche 21 avril

samedi 20 avril

vendredi 19 avril

 

Soutenez CulturePSG 
Soutenez CulturePSG sur Tipeee