C'est un Luis Enrique de bonne humeur et donc très bavard qui s'est présenté en conférence de presse à la veille de Toulouse/PSG. Il a longuement évoqué le match, face à un entraîneur qui est aussi un compatriote, et n'a pas hésité à s'étendre sur quelques cas individuels comme ceux d'Ousmane Dembélé, João Neves ou encore Fabian Ruiz. Voici ses propos complets, traduits par nos soins.
Au micro de PSG TV
Votre équipe impressionne en ce moment. Elle est présente sur tous les tableaux et très applaudie pour les qualités individuelles et le jeu collectif. Est-ce l'équipe que vous imaginiez en début de saison ?
« (En français) En tant qu'entraîneur, je ne peux imaginer une équipe parce que ce serait (forcément) positif. Je pense que le résultat varie parfois mais l'important est comment joue l’équipe. Si tu joues de cette manière, pour moi, cela signifie que tu peux le répéter et que nous pouvons jouer de la même manière. Et c'est pour moi très important. »
Ce match contre Toulouse tombe entre deux matchs de Ligue des Champions contre Brest. Vous avez un bel avantage contre eux [victoire 3 - 0 à l'aller], mais aussi un bel avantage en championnat [10 points sur le 2e] Comment gérez-vous l'équipe dans ce contexte pour avoir autant de respect pour chaque compétition?
« (En français) Je pense que c'est clair que nous avons (traversons) un bon moment mais en même temps chaque match et chaque compétition sont importants. On essaye de prendre du plaisir en jouant au football et de donner du plaisir à nos supporters avec les résultats (obtenus). »
Toulouse est 10e au classement et n'a pas remporté un match à domicile en Ligue 1 depuis le 13 décembre dernier. À quel match vous attendez-vous ?
« (En français) L'année dernière contre Toulouse, on n’a gagné aucun des deux matchs du championnat. Cela signifie que ce sera, comme d'habitude, très difficile. J'espère voir, comme toujours, notre équipe à un bon niveau. »
CONFÉRENCE DE PRESSE
Vous avez souvent dit qu'un calendrier surchargé était un privilège pour une équipe. Comment faites-vous pour gérer les éventuels coups de mou, par exemple le match de demain contre Toulouse qui paraît moins capital que d’autres échéances et peut être un peu le coupable idéal pour un match de relâchement ?
« Bonjour. Quand on voit le profil des joueurs que nous avons au PSG et leur capacité à être performants peu importe le type de match et peu importe l’adversaire, qu’il soit supérieur ou inférieur ou de même niveau que nous, je ne peux que me sentir chanceux d’être à la tête de cet effectif. Et je pense qu’ils sont conscients du privilège qu’ils ont de porter le maillot du Paris Saint-Germain. »
Sur les 5 derniers matchs, votre équipe a inscrit 18 buts. Est-ce la formation, depuis que vous êtes arrivé à Paris, avec le plus fort potentiel offensif et comment jugez-vous cette réussite ?
« Il est évident que nous connaissons une période très spéciale et favorable. L'efficacité offensive n’est pas le fait d’un seul joueur, ni même d’une ligne, mais de toute l’équipe. Cela nous rend très heureux et nous motive pour continuer à être performants, à donner du plaisir à nos supporters et à nous battre dans toutes les compétitions. »
Carles Martinez, entraîneur de Toulouse, n’hésite pas à changer son système de jeu pour s'adapter à l'adversaire. A quel type de match vous attendez-vous ?
« L'entraîneur de Toulouse sait comment défendre face à nous et nous créer des problèmes »
« Je sais que (Toulouse) rencontre des difficultés à domicile dernièrement mais… Carles Martinez connaît très bien notre philosophie de jeu et son équipe sait très bien défendre contre nous. La saison passée, il me semble que nous n’avons pas gagné contre eux en championnat [Match nul à Toulouse 1-1 et défaite au Parc 1-3] et que c’est l’équipe française qui a réussi à nous battre à domicile [avec Nice 2-3]. Je suis certain qu’il va préparer le match pour nous compliquer la tâche. Il sait comment défendre face à nous et nous créer des problèmes. Ils l’ont fait lors du match joué à domicile [au Parc, victoire du PSG 3-0] jusqu’à la 84e minute [2e but du PSG], et cela aurait pu finir en match nul parce que le score n’était que de 1-0. Demain, ce sera de nouveau l’occasion de montrer que nous pouvons battre n’importe quelle équipe et bien défendre. »
Vous aviez dit que vous preniez beaucoup de plaisir, et que les joueurs aussi, et cela se voit sur le terrain. A titre personnel, est-ce pour vous la période durant laquelle vous prenez le plus de plaisir depuis que vous êtes au PSG ?
« Plaisir… (il hésite) C’est à la fin de l’année scolaire que l’on distribue les notes finales et l’année scolaire se termine pour nous après le mondial des clubs donc on n’y est pas encore. Mais bon, quand les choses se passent bien, on souligne le positif et quand elles vont moins bien, on parle d’autres choses. Je pense que les joueurs, le staff et le club maintiennent toujours la même ligne en étant positifs. »
João Neves s’est rapidement imposé au milieu de terrain par sa vision de jeu, son agressivité et son volume de jeu. Avez-vous travaillé avec lui sur certains aspects spécifiques comme sa projection vers l'avant ou sa capacité à dicter le tempo ?
« Honnêtement, Neves est arrivé déjà équipé de ces options »
« (En souriant) Non, honnêtement, il est arrivé déjà équipé de ces options. Je l’avais dit (à l’époque), ses qualités et ses capacités se voyaient déjà au sein de sa dernière équipe. Nous savions déjà qu’il allait devenir un joueur très important pour nous. Peut-être que le temps d’adaptation a été plus court que prévu, comme pour Beraldo la saison précédente. Oui, c’est peut-être cela qui nous a surpris parce que normalement, l’adaptation prend davantage de temps, mais pas ses capacités et ses caractéristiques qui cadraient parfaitement avec nos attentes à son arrivée. Il est bon avec le ballon mais cela lui plait également de défendre. C’est un joueur éminemment défensif. Et c’est ce que nous recherchons chez la plupart de nos joueurs : être à la fois très bons avec le ballon et très bon défensivement. Et c’est très difficile à trouver. »
On parle beaucoup de l'efficacité offensive en ce moment au PSG, un peu moins de votre jeu sans ballon qui est très performant sur les derniers matchs. Pouvez-vous expliquer justement ce que vous demandez à vos joueurs sans ballon et à la perte du ballon ?
« Je n’ai plus besoin de leur demander quoi que ce soit parce qu’ils ont déjà intégré tout ça. Nous travaillons au quotidien sur le jeu de position. L’un des critères fondamentaux du jeu de position est de ne pas perdre le ballon et en cas de perte, de presser. C’est aussi basique que ça. Nous nous le répétons chaque jour et ils l’ont très bien intégré. Notre forme actuelle tient davantage à l’ambition individuelle des joueurs et à notre capacité collective à améliorer des aspects de notre jeu. Ces aspects sont d’ordre général pour la plupart mais en même temps, ils varient légèrement selon les matchs. Ce n’est pas la même chose de défendre contre Toulouse que contre Brest. Il ne fait aucun doute que l’équipe reste ouverte à la progression et je crois également que nous avons encore de la marge. »
La mobilité est une des caractéristiques principales de votre jeu de possession mais avec l'enchaînement des rencontres, ce système est très énergivore. Comment arrivez-vous à garder vos joueurs frais mentalement pour qu'il puisse continuer à performer et obtenir les résultats de ces dernières semaines ?
« Il faut que les joueurs sentent qu’on leur fait confiance, c’est pour ça que je n’aligne pas deux fois le même onze »
« La première chose, et la plus importante de tous, c’est qu’il faut que les joueurs sentent qu’on leur fait confiance, c’est pour ça que je n’aligne pas deux fois le même onze. Je ne sais pas si c’est déjà arrivé, et ça m'est égal, mais en tout cas, j’essaye de changer de joueurs en permanence parce que je considère qu’avoir 15 ou 16 joueurs, c’est mieux que d’en avoir 11 ou 12. Et si je peux incorporer davantage de joueurs, c’est encore mieux. Pour se sentir en confiance, un joueur doit jouer, et jouer des matchs importants, pas seulement pour des matchs amicaux.
C’est notre cheminement de pensée depuis de nombreuses années : faire confiance aux joueurs pour qu'ils s'entraînent en ayant en tête qu’ils auront l’opportunité de jouer avec le bon comportement. Je l’ai déjà annoncé la saison dernière : notre objectif est d’être imprévisible pour l’adversaire et prévisible pour nous. Cela signifie que chacun doit savoir combiner avec ses coéquipiers, être toujours en mouvement et travailler certains aspects du jeu qui se répètent en permanence pendant les matchs. J’aime la manière dont joue notre équipe, j’aime comment les joueurs reproduisent les actions. Et comme nous sommes exigeants, je le répète, je pense que nous pouvons encore progresser et nous travaillons en ce sens. »
Demain vous allez affronter une équipe dirigée par un entraîneur espagnol. Comment expliquez-vous l'exportation et la réussite de tous ces entraîneurs espagnols ? Partagez-vous un point commun, une culture commune ?
« Je crois qu’il y a beaucoup d’entraîneurs espagnols en exercice dans le monde, et c’est la même chose pour les joueurs espagnols qui ont un profil footballistique très caractéristique, qui me plaît beaucoup d’ailleurs. J’ai l’habitude d’entraîner ces joueurs de qualité, qui sont également des joueurs passionnés. Concernant les entraîneurs espagnols, certains furent des pionniers qui ont ouvert la voie quand ce n’était pas si fréquent que cela. Je trouve que c’est une bonne chose. Maintenant, nous profitons du travail accompli par ces entraîneurs de très haut niveau. Je pense que c’est important.
De manière générale, le football est universel mais chaque pays a ses spécificités en termes de jeu. Il y a par exemple eu… Comment s’appelle celui qui a entraîné Liverpool ? Mais bien sûr, Rafa(el) Benitez qui fut mon entraîneur à Madrid. Il était entraîneur quand je suis arrivé au Real et il a été l’un des pionniers, l’un des premiers à avoir du succès à l’étranger. Il y a aussi Guardiola qui a été un modèle pour tous et qui continue d’être pour moi le meilleur même si Manchester City n’est pas dans sa meilleure forme. Pour moi, Guardiola est LE meilleur, sans aucun doute possible. Et depuis, pour nous tous qui sommes arrivés après, nous cherchons à faire du mieux pour valoriser cette image des entraîneurs espagnols et qu’il y ait un marché pour eux en dehors de l’Espagne. »
Les prestations d'Ousmane Dembélé sont éblouissantes en ce début d'année 2025. Quelle est votre part de responsabilité dans cette réussite, au-delà de son repositionnement en tant qu’avant-centre. Quelle est votre recette magique ?
« La meilleure chose que j’ai pu faire concernant Dembélé, c’est de ne pas l’avoir fait jouer à Londres »
« La meilleure chose que j’ai pu faire concernant Dembélé, c’est de ne pas l’avoir fait jouer à Londres [contre Arsenal] ce qui m’a valu les critiques de tout le monde. C’est la meilleure décision que j’ai prise jusqu’ici cette saison. Parce que tout le reste, c’est Ousmane Dembélé qui l’a fait, avec ses coéquipiers et son équipe. Ses qualités, sa confiance en lui, tout ce qu’il possède en tant que joueur, ça vient de lui. Mais pour Londres, la décision était la mienne et je crois qu'elle a été primordiale. »
Face à Brest, vous avez laissé Kvara sur le banc. Avez-vous prévu, dans les matchs qui comptent, d'aligner trois offensifs parmi les quatre possibles (Dembélé, Doué, Kvara, Barcola) ?
« Je ne sais pas parce que pour moi, tous les matchs sont importants. Cela dépend de chaque match et de la physionomie qu’il prendra selon nous. On peut jouer avec 4 ou 5 joueurs offensifs. Ces attaquants peuvent défendre comme des milieux ou comme des défenseurs. C'est la même chose quand on aligne aux postes de latéraux Warren Zaïre-Emery et João Neves, qui ne le sont pas à la base. Je ne peux pas dire d’avance avec combien (d'attaquants) nous allons jouer. Cela dépend de la manière dont nous aborderons le match et de sa physionomie. Mais nous sommes un staff et une équipe tournés vers l’attaque, cela me semble évident. C’est notre objectif d’avoir davantage le ballon que l’adversaire, et ensuite de défendre de la meilleure manière possible. Donc je ne peux pas répondre (à cette question). »
Vous dites souvent que vous êtes à contre-courant avec vos joueurs : positif quand tout est négatif et négatif quand tout est positif. Arrivez-vous à être négatif en ce moment ?
« Négatif, non. Mais bien sûr, je n’ai aucun problème à être comme vous le décrivez. C’est ma spécialité, j’aime aller à contre-courant. Je me sens à l’aise comme ça. (Il répète en français) Je me sens à l’aise. »
Fabian Ruiz est souvent critiqué pour son manque de régularité. Comment travaillez-vous avec lui pour qu'il apporte davantage d'influence dans le jeu ?
« Je suis très satisfait des performances de Fabian, déjà depuis la saison passée. Ici, son apport à l'équipe n’a pas toujours été apprécié à sa juste valeur. Mais je vous le dis : c’est l’un de mes meilleurs milieux de terrain parce qu’il sait s’adapter à la manière de jouer de ses coéquipiers et que c’est vital pour l’équipe et notre style de jeu. Il peut être très bon face au but, faire des passes décisives avec facilité, jouer entre les lignes, jouer sans ballon, il sait finir, il sait tirer, il multiplie le travail défensif. Il a été élu meilleur milieu de terrain de l’Euro. Il ne faut pas l’oublier et croire que je suis responsable de ses performances (actuelles).
« Ruiz était international quand j’étais sélectionneur et je ne l’ai pas pris au Mondial. Je pense que cela a été une erreur de ma part »
Il était joueur international quand j’étais sélectionneur (d’Espagne) et je ne l’ai pas pris au Mondial. Je pense que cela a été une erreur de ma part. A l’époque, je pensais différemment mais aujourd’hui je suis convaincu que c’était une erreur et je l’assume. Mais aujourd’hui, je suis très content de ce que nous apporte Fabian, sur le terrain et en dehors. Il peut évidemment encore s’améliorer, et je veux qu’il s’améliore, mais c’est pareil pour tous ses coéquipiers. Je crois que c’est le bon moment pour valoriser tout ce qu’il nous apporte : il joue à fond, il s’entraîne à fond, il est toujours prêt à jouer, que ce soit pour une minute, 15 ou 90. Je pense qu’il est très important pour nous. »
Tous les coachs adverses louent vos qualités, notamment de pressing et contre-pressing. Êtes-vous capables de maintenir ce niveau, voire de le hausser, contre des plus grosses équipes notamment en Ligue des Champions ou même demain contre Toulouse ?
« Demain, ce sera de nouveau l’occasion de voir le type d’équipe que nous sommes. Si nous sommes une équipe dans son confort, qui se relâche, ou plutôt un équipe qui continue à être compétitive à très haut niveau, comme depuis la saison dernière. Je ne sais pas. La seule chose incontrôlable dans le football, c’est le résultat. Mais on peut contrôler ce que nous faisons pour arriver à un bon résultat, parce que si nous ne pouvons pas être efficaces en attaque, nous devons au moins bien défendre. Je pense que l’équipe répondra sur le terrain demain, j’en suis convaincu et j’espère ne pas me tromper. »
On constate beaucoup de permutations dans la zone offensive entre Barcola, Dembélé et Doué. Quelles consignes leur donnez-vous pour qu'ils exploitent le bon espace de jeu ?
« Pour être très honnête, tout ce qui a trait à la mobilité des joueurs et à l’occupation des espaces de manière rationnelle, c’est à dire ordonnée, crée des problèmes pour ton adversaire. Et si tu le domines et que tu maintiens de l’ordre dans le désordre, pour être en position de presser en cas de perte de ballon, c’est toujours notre objectif, et cela fait en sorte de compliquer la vie au rival. Cela nécessite de l'entraînement et un profil de joueurs difficiles à trouver. Le club, et moi en tant qu’entraîneur, ainsi que la direction sportive, avons validé et choisi un profil de joueurs à avoir. Il est très important pour moi que nos attaquants et nos milieux de terrain soient capables de bien jouer à différents postes.
C’est un mélange complexe mais quand ça marche, cela donne le résultat qu’on voit aujourd’hui : que Barcola puisse jouer aux trois postes offensifs, que Kang-in Lee puisse jouer attaquant ou milieu de très haut niveau, qu’Ousmane Dembélé puisse jouer ailier ou 9, que Kvaratskhelia puisse aussi jouer dans l’axe ou sur les côtés. Ce sont autant de possibilités de changer le jeu de l’équipe en cas de besoin sans avoir à changer le profil des joueurs sur le terrain. Nous le travaillons tous les jours à l’entraînement et les joueurs le font de manière très naturelle. »