A la veille de la finale PSG/Inter, c'est un Luis Enrique aussi déterminé que relâché qui s'est présenté en conférence de presse. Très conscient de l'ampleur de la tâche et désireux de marquer l'histoire, le coach parisien a rappelé par quoi son équipe était passé et ce qui l'attendait ce samedi. Voici ses propos complets, traduits par nos soins.
Comment gérer cette finale PSG/Inter sur le plan émotionnel ? Allez-vous mettre l'accent dessus ?
« Bonsoir. Je pense que nous sommes une équipe « relativement » habituée à jouer des finales, de temps à autre. Ce sont des situations que nous avons déjà évaluées et prises en compte, clairement. La question de la motivation, la question mentale, est très importante. De ce point de vue-là, je crois que nous sommes prêts. »
Après avoir éliminé trois clubs anglais, vous affrontez pour la première fois cette saison un club italien, le gros de votre préparation a-t-il consisté à vous adapter à une autre culture ?
« Non, il ne s'agit pas de s'adapter à une autre culture, car la culture du football est universelle. Chaque équipe fait des choses différentes, chaque équipe développe des aspects différents du jeu en fonction de ses caractéristiques. Il est évident qu'au long de notre parcours, nous avons affronté Brest, puis des équipes anglaises et maintenant, en finale, une équipe italienne. Je pense que nous connaissons tous l'esprit de compétition de l'Italie en tant que pays, et du football italien. [L’Inter] est une équipe très bien rodée, qui manie très bien le ballon. Il sera difficile de leur prendre le ballon et même quand ils n’ont pas la balle, ils savent bien défendre. C’est une équipe très complète. »
L'objectif est-il d'avoir la maîtrise du jeu ce samedi soir ? A quel scénario vous attendez-vous ?
« L'idée est de se préparer à tout type de match »
« Eh bien, l'idée est de se préparer à tout type de match. C'est une finale où le résultat conditionnera clairement l'attitude des deux équipes. Je crois que nous sommes tout à fait capables de gérer cela, nous l'avons fait tout au long de la saison et c'est à cela que nous nous préparons. Nous allons essayer d’emmener le match sur les aspects du jeu où je considère que nous sommes meilleurs. »
Pour la première fois cette saison en C1, vous allez affronter une équipe avec deux attaquants, qu'est-ce que cela change ?
« Bien sûr que cela change, surtout lorsque nous devons presser. Il est évident que le positionnement des joueurs est intéressant pour une équipe qui a des circuits de jeu très clairs mais en même temps, cela lui ajoute de la mobilité. Cela complique les choses, cela implique de redoubler de concentration. Nous n'allons pas changer notre façon de défendre ou d'attaquer, mais il faudra clairement apporter des nuances pour les joueurs dans certaines positions précises où nous devrons être plus attentifs. Mais chaque match est différent : ce n'est pas la même chose de jouer contre Arsenal, contre Aston Villa, contre City, contre Liverpool ou contre l'Inter. Mais nous avons toujours le même objectif à chaque match. »
Marquinhos et Ousmane Dembélé ont été très élogieux à votre sujet en conférence de presse. Avez-vous changé votre manière de manager ce groupe ?
« Il y a toujours eu la même symbiose, depuis le premier jour »
« (Il fait non de l’index avec insistance avant de répondre) Il y a toujours eu la même symbiose, depuis le premier jour. Si vous ne voulez pas le voir, c’est un autre débat. J'ai ma propre manière d'agir, c'est toujours la même. Qu’elle soit plus ou moins juste, ça m’est égal. J'ai toujours eu une relation formidable avec les joueurs. Je ne valide pas le raisonnement « ah bah, si on gagne maintenant, c’est parce que j'ai changé et que je m'entends bien avec eux, alors que ce n'était pas le cas avant ».
(Il fait de nouveau “non” du doigt) Je suis le même depuis le premier jour, depuis la saison dernière. J'ai un effectif exceptionnel, des joueurs de très haut niveau. J'ai toujours essayé de voir le verre à moitié plein concernant leur niveau, leur valeur, et de les faire progresser individuellement et collectivement. Cela a toujours été l’objectif et je n'ai pas changé d'un iota. »
Comme vous le dites, c'est votre deuxième saison avec Paris. Votre parcours a permis à beaucoup d'entre nous ici d'en savoir un peu plus sur vous, sur votre personne, sur votre personnalité, mais aussi les réactions d’Ousmane Dembélé et Marquinhos à votre égard juste avant. Comment se sent Luis Enrique en termes d’énergie, en tant que personne comme en tant que coach ? Comment allez-vous vivre cette finale de Ligue des Champions dix ans après ce qui s'est passé à Berlin en 2015 [Luis Enrique a gagné avec le Barça 3-1 contre la Juventus à l’Olympiastadion]. Comment avez-vous évolué et comment allez-vous aborder ce match très spécial avec une nouvelle institution, celle du Paris Saint-Germain, curieusement aussi sur le sol allemand, mais à Munich cette fois ?
« Et (de nouveau) contre une équipe italienne… Beaucoup de situations dans le milieu du football sont des coïncidences. Je le vis, ou j'essaie de le vivre, avec la tranquillité d'esprit permise par le fait d'avoir vieilli de dix ans, d'avoir dix ans d'expérience supplémentaire parce que j'ai pu travailler durant la majeure partie de ces années. Je crois qu'il faut essayer de transmettre aux joueurs de l'équipe cette belle opportunité que nous avons de jouer une finale de Ligue des champions, cette occasion d'entrer dans l'histoire. Entrer dans l’histoire dans un club aussi important que le Paris Saint-Germain en faisant ce que personne n'a fait auparavant, c'est quelque chose d'important. Mais en même temps, nous essayons de gérer cela de manière à ne pas nous laisser submerger par cette excitation. J’ai aimé ce que l’équipe a montré aujourd'hui à l’entraînement et l’état d'esprit des joueurs aussi. Je pense que nous sommes prêts et l'Inter aussi, il n'y a aucun doute là-dessus. Nous allons tout faire pour que ce soit une belle finale et, bien sûr, pour tenter de la gagner. »
Pensez-vous que l'Inter, qui a perdu une finale il y a deux ans, soit plus nerveux et sous davantage de pression que le PSG ? Et que ce soit un avantage pour le PSG qui pourra être plus serein en termes de pression ?
« Cela a été difficile au début, mais maintenant c'est un avantage pour nous »
« Il y a toujours deux lectures à cela. La vôtre est possible. Comme cela peut être complètement l'inverse. Dans le monde du football, il est très difficile de prédire l’avenir. Je pense que dans certaines situations de la vie, il est très important d'avoir de l'expérience et dans d’autres, cela peut être relatif. Ce que j'essaie de transmettre à mon équipe, c'est que notre parcours a été très dur, très compliqué, et que nous avons dû jouer des matchs de très haut niveau dès le début de la Ligue des champions. Cela a été difficile au début, mais maintenant c'est un avantage pour nous parce que nous sommes habitués à ce genre de matchs. Et même plus que ça puisque nous avons joué dans ce stade même, contre le Bayern Munich, l'une des meilleures équipes d'Europe. Et tout au long de notre parcours en Ligue des champions, nous avons joué ce genre de matchs. Nous avons déjà joué des “finales” juste avant. Nous sommes prêts, nous n'avons pas peur comme nous avons démontré tout au long de la saison, parce que nous venons pour jouer et tenter de montrer notre meilleur visage. »
Je lis mot pour mot une déclaration que vous avez faite il y a quelque temps : « Je suis dur quand il le faut et permissif quand je le peux ». Dembélé était là à l’instant. Je voulais vous demander si la décision [disciplinaire] que vous avez prise l'année dernière [écarter Dembélé pour le déplacement à Arsenal en phase de Ligue] s'est avérée être l'une des meilleures décisions de la saison quand on voit les résultats spectaculaires en 2025 de Dembélé qui est même devenu prétendant au Ballon d'Or.
« J'ai l'un des meilleurs effectifs d'Europe, cela ne fait aucun doute. Ensuite, les décisions que nous prenons, nous autres entraîneurs, ont toujours un seul objectif : unir tous les efforts pour l’intérêt collectif. Pour ce faire, je crois qu'il est important d'avoir la personnalité pour mener à bien cette mission. On sait que tout est toujours source de bruit et de controverse, et que cela crée beaucoup de polémiques, mais c'est le rôle de l'entraîneur de prendre des décisions en permanence. Cela ne garantit pas le succès et on fait toujours des erreurs, mais in fine, je me sens à l'aise avec les décisions que j'ai prises tout au long de ma carrière. »
Pouvez-vous me répondre en anglais, vous qui avez brisé bien des cœurs anglais ces deux derniers mois ? Nous avons parlé à beaucoup de vos supporters ici à Munich qui ont l'impression que le match de demain était écrit et qu’il est pour eux en quelque sorte parce qu'il y a cinq ans [lors de la finale perdue face au Bayern], ils ne pouvaient pas être du voyage [Covid] et que c'est pour cela qu'ils sont ici aujourd'hui. Les quatre dernières finales qui se sont déroulées dans cette ville ont toutes été remportées par des équipes qui la gagnaient pour la première fois. Que vous dit votre instinct ? Pouvez-vous nous donner une idée de l'importance de cette finale pour vous et pour vos supporters ?
« (Il répond en anglais) Eh bien, je ne sais pas… je ne sais pas. J'espère que (cette tradition) perdurera. Mais je dois dire que pour situer le niveau des équipes de Premier League, il faut rappeler que l'Europa League et la Conference League ont été remportées par des équipes anglaises. Nous avons dû en affronter à de nombreuses reprises cette saison et je trouve que ce fut difficile, vraiment difficile. Mais en même temps, après analyse, nous sommes contents d’avoir pu jouer notre football contre elles et je crois que nous méritons d'être en finale. Voilà, c'est tout. Je pense que nous sommes prêts, j'espère que nous la gagnerons. C’est notre plan, notre volonté. Nous verrons ce que l'avenir nous réserve. »
Cela fait des mois que vous insistez sur le fait que, collectivement, vous pouvez marquer plus de buts qu'avec un super buteur à la pointe de l’attaque. Demain, vous allez être confrontés à une situation que vous n'avez probablement jamais connue cette saison, face à une défense qui se resserre ou est capable de fermer de se resserrer de manière incroyable, avec trois défenseurs centraux. Quel est le plus grand défi auquel une attaque doit faire face à une défense repliée. Est-ce davantage psychologique que tactique ?
« La grande difficulté est très simple. Lorsqu'une équipe se replie dans sa propre surface ou à proximité de celle-ci, il y a peu d'espace et une grande densité de joueurs, c'est toujours difficile, quel que soit l'adversaire. Mais justement, c'est la situation de jeu que mon équipe rencontre le plus et nous avons l'habitude de la surmonter et de nous combattre ce type de difficultés.
En quoi consiste le problème ? L'Inter est une équipe qui compte de nombreuses individualités de très haut niveau offensif et défensif. C'est pour cette raison qu'ils sont en finale et qu'ils avaient déjà atteint la finale il y a deux ans. Elle est là la problématique. Mais il faut s'adapter aux exigences du match : tout peut changer avec un but. S'il y a un but dès le coup d’envoi, ou dans les premières minutes, il est certain que les situations de jeu seront différentes. Savoir s'adapter et savoir comment jouer la finale sera la clé du match. De ce point de vue-là, je suis optimiste. »
En anglais, s'il vous plaît. Ousmane Dembélé a déclaré qu'il avait un visage sérieux lorsqu'il se préparait pour un grand match, mais qu'il souriait à l'intérieur. Il était particulièrement heureux et a parlé de la confiance que vous lui avez accordée en le plaçant en position axiale. En six saisons en Espagne, il n'avait marqué que 24 buts. Depuis le début de l'année (civile), il en a marqué 25. Cela vous procure-t-il du plaisir, notamment le fait qu'il insiste pour mettre en avant le collectif et l’équipe, et pas son cas personnel ?
« Oui, bien sûr, parce que c'est notre mentalité et que nous savons comment grandir avec cette mentalité. Essayer de jouer de manière individuelle est une chose différente. Je crois que notre équipe peut résoudre les problèmes du passé et améliorer son niveau.
« Ousmane a été l'un des meilleurs joueurs de la saison, si ce n'est le meilleur »
Bien sûr, Ousmane a été l'un des meilleurs joueurs de la saison, si ce n'est le meilleur : il marque, il passe, il se bat, il défend. Ca, c’est une vraie mentalité. C'est ça un leader. Un vrai leader, c’est celui qui montre par l’exemple la voie à suivre. Et oui, c'est tellement agréable pour moi d'entendre Ousmane, de lui donner confiance pour qu'il développe ses qualités. Et oui, en tant que véritable équipe, nous allons tenter de gagner demain tous ensemble. »
Une question d'ordre personnel : avec tous les titres que vous avez à votre actif, considérez-vous que gagner demain peut devenir votre succès individuel le plus important en tant qu'entraîneur à ce stade ?
« Pour être tout à fait honnête, ma plus grande motivation est d'entrer dans l'histoire de Paris. Ce qui signifie procurer une joie incroyable à un pays, à une ville, à un club de très haut niveau. Et être le premier a quelque chose d'exceptionnel, c'est ce qui me motive le plus. Le reste fait partie de l’aventure. Je me sens très chanceux d'être assis ici, de pouvoir profiter de ce match. J'accepterai de bonne grâce ce que le football nous réserve. Mais oui, demain, nous allons tout donner, et même plus, pour offrir cette joie à nos supporters. »