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[Itw CulturePSG] Vahid revisite 2003/2004 : « En mars, on a compris qu’on avait la capacité et l’énergie pour le doublé »

Publié le vendredi 10 avril 2020 à 18:46 par Omar E2F
Après deux podcasts ces deux derniers jeudis, CulturePSG conclut son retour sur la saison 2003/2004 par une interview exclusive de l'entraîneur de l'époque, Vahid Halilhodzic. Coach Vahid comme il était surnommé nous a récemment accordé près de 45 minutes pour revenir sur cette saison marquante de la décennie 2000 du club parisien, marquée notamment par une Coupe de France en fin de saison.
Après deux podcasts ces deux derniers jeudis, CulturePSG conclut son retour sur la saison 2003/2004 par une interview exclusive de l'entraîneur de l'époque, Vahid Halilhodzic. Coach Vahid comme il était surnommé nous a récemment accordé près de 45 minutes pour revenir sur cette saison marquante de la décennie 2000 du club parisien, marquée notamment par une Coupe de France en fin de saison.

Vice-champion de France avec pas moins de 76 points, vainqueur de la Coupe de France, invaincu durant une demi-saison, le PSG 2003/2004 aura laissé une trace à part dans l'histoire du club. Loin d'être aussi spectaculaire ou titrée que l'équipe actuelle, sans le moindre match européen au compteur, bâtie sur des revanchards plus que des talentueux, cette équipe dont CulturePSG a retracé la folle saison par deux podcasts de plus de deux heures (disponibles ici et ici) était coachée par Vahid Halilhdozic, magicien de la Ligue 1 des années 2000. Plus de quinze ans après, il a accepté de revenir sur ce qui a été l'une des plus belles saisons de sa riche carrière.

Vahid, avant tout comment allez-vous ? Comment vivez-vous le confinement ?

VH : « Comme tout le monde, je suis à la maison (rires). La seule chose positive, c’est que je peux passer beaucoup de temps avec ma famille, chose qui m’est très peu arrivé pendant ma carrière, pour le reste il faut qu’on reste tous disciplinés car ce virus est vraiment extrêmement dangereux. On écoute les consignes du gouvernement, il faut maintenir de l’activité physique, même à domicile. C’est ce que j’essaie de faire aussi avec la sélection marocaine et le staff médical. Aussi difficile que ce soit, on essaye d’avoir quelques moments de bonheur, de partage. 

« Quand le PSG toque à votre porte, cela ne se refuse pas »

Vous êtes annoncé au PSG autour d’avril 2003, à ce moment-là avez-vous déjà des idées claires sur comment faire jouer l’équipe et la manière dont elle devait être renforcée ?

VH : Honnêtement, pas immédiatement. J’étais concentré sur Rennes (NDLR : son club en 2002/2003) et les difficultés que nous avions à l’époque pour essayer de se maintenir. M. Pinault m’avait fait confiance quelques mois plus tôt pour sauver le club. La situation était vraiment désespérée, il fallait d’ailleurs être fou pour accepter une mission pareille mais, après plusieurs échanges avec lui, j’ai rencontré un personnage opposé à celui qu’on m’avait décrit. C’est quelqu’un de très attachant, un vrai passionné. Ce n’est qu’une fois le maintien assuré que j’ai reçu la proposition ferme de Francis Graille (NDLR : le président du PSG de l'époque), ça a été un grand choc et quelque chose d’assez mal vécu par le Stade Rennais. Ça m’a valu des discussions difficiles et houleuses avec M. Pinault, j’étais très gêné de tout ça, il a tout fait pour me garder mais, vous savez quand le PSG toque à votre porte, cela ne se refuse pas. 

Pour relever le challenge PSG, vous comptiez bâtir autour de Ronaldinho ? Vous aviez un projet de jeu déjà clair ?

VH : (rires) En acceptant de rejoindre le PSG, j’ai de suite compris que tout serait beaucoup beaucoup plus compliqué, la saison précédente on avait fini 13e ou 14e (NDLR : en fait 11e). Je découvre un effectif avec 36 joueurs sous contrat, certains avec des conditions vraiment bizarres, à la limite de la légalité et Canal+ (NDLR : l'actionnaire) me demande en 1er lieu de réduire la masse salariale. Les pertes étaient énormes (50M€/an) et environ 260 M€ cumulés depuis la prise du club donc, avant de m’occuper du terrain à proprement dit, l’actionnaire et Graille m’ont demandé de fortement réduire l’effectif avec 20 joueurs dont il fallait se séparer. Et vous savez quelle a été ma première question aux dirigeants ?

Non mais je l’imagine très bien

« On avait déjà l’accord de Pauleta, je rêvais de ce tandem avec Ronaldinho »

VH : Et bien c’était " Est-ce qu’on va garder Ronaldinho ?". Ils m’ont dit " Tu es le manager, c’est toi qui décides." Dix jours plus tard, M. Meheut me convoque à Boulogne (siège de Canal +), il me dit "on va être obligé de le vendre, le budget prévisionnel de cette saison ne peut intégrer le salaire de Ronaldinho mais aussi … ceux de sa famille". Là, j’ai découvert qu’il avait un contrat très farfelu. J’étais fâché et triste car je comptais bien entendu bâtir l’équipe autour de lui, on avait déjà l’accord de Pauleta, je rêvais de ce tandem. J’ai mis la pression comme jamais pour qu’on puisse le garder. Il n’avait vraiment pas fait une grande saison, il avait des problèmes relationnels avec Luis Fernandez … J’avais eu une réunion de 3h avec Ronnie, il m’avait confirmé sa ferme volonté de rester et de travailler avec moi ! Malheureusement son frère et son entourage avaient déjà décidé pour lui et l’actionnaire voulait aussi une grosse rentrée d’argent pour combler la dette. J’étais donc un entraineur triste, très triste, de voir partir un phénomène, un joueur unique et le plus grand talent de sa génération.

Un onze-type s’est dégagé après six ou sept journées et a assez peu tourné. Comment avez-vous fait au quotidien pour maintenir tout le monde concerné ?

VH : L’unité a été la première des directives que j’ai données. Le début de saison est difficile parce qu’on a du mal à trouver Pedro (Pauleta), il y a eu quelques blessures et surtout le stage de pré saison, les joueurs qui devaient quitter le club ont pris en otage le club, l’ambiance n’était vraiment pas bonne à ce moment-là.

« On a enchainé 27 matchs sans défaite, c’était une surprise pour tout le monde, moi y compris »

Mais j’avais décelé beaucoup d’investissement dans le travail. Les résultats ont fait le reste, on a enchainé 27 matchs sans défaite (sic) c’était une surprise pour tout le monde, moi y compris, mais une juste récompense parce que l’implication était remarquable. Cette année-là, Monaco finaliste de la Ligue des Champions finit troisième. On finit très proche d’un doublé derrière l’OL qui était programmé pour gagner la Champions League, on ne passe pas loin de créer une énorme sensation.

Au fond de vous Vahid, lorsque la saison démarre, quel objectif vous-êtes vous assigné ?

VH : Honnêtement, j’étais vraiment dans l’inconnu. L’actionnaire et Francis Graille m’ont demandé d’assurer la stabilité … économique, de réduire le pôle administratif du club car beaucoup de postes étaient doublés. Ce n’était pas facile d’être pleinement tourné sur le terrain quand vous devez vous séparer parfois de personnes qui faisaient du très bon boulot. Le climat au Camp des Loges était lourd avec beaucoup d’animosité mais ça n’a jamais eu d’impact sur l’ambiance de travail.

Le staff technique et médical ont pris beaucoup d’initiatives et ont dépensé une énergie folle pour créer et entretenir l’esprit de l’équipe autour de quelques idées directrices dont j’avais souhaité que tout le club s’imprègne : être conquérant, faire preuve d’une générosité sans faille et qu’aucun élément extérieur ne pourrait nous abattre. Ça, c’est le plus compliqué au PSG à mon sens. Les joueurs y ont ajouté une énorme solidarité. La mise en application de tout ça donne finalement une superbe saison.

Pour parler de votre méthode, de quoi vos séances d'entraînement se composaient et qu’est-ce que vous aviez identifié dans ce groupe pour pouvoir en tirer autant ?

VH : Souvent quand on parle de Vahid, on parle de son caractère et de mon personnage. Trop peu de gens ont analysé mon travail. Chaque entrainement était préparé avec beaucoup de minutie, beaucoup de jeux au départ pour assimiler la partie physique, la tactique arrive après et je suis très exigeant là-dessus. Les joueurs ont adhéré immédiatement sans exception. Le message passait et les victoires l’ont conforté, ça nous a permis de faire un bond énorme en termes de confiance et de volonté.

L’équipe s’est métamorphosée lors du passage en 4-4-2 avec une animation des côtés très profonde, expliquez-nous votre réflexion.

VH : L’idée, assez vite, avant même la fin du mercato, c’est de repositionner Heinze en latéral gauche pour gagner en sureté. J’avais les qualités à ma disposition pour avoir une animation offensive dynamique sur les deux côtés et, ça, c’était fondamental. Leurs rôles étaient basiquement d’apporter du surnombre et de créer du décalage.

Au quotidien, on a veillé à améliorer les automatismes des deux paires (NDLR : Heinze/Sorin et Mendy/Fiorèse) avec du jeu réduit pour pouvoir donner plus d’adaptabilité à l’équipe : si l’adversaire essaye de nous fixer sur un côté, on fixe, on renverse côté opposé et là le latéral et l’ailier doivent faire des courses à haute intensité pour conclure forcément par un centre ou une frappe soudaine Mais tout cela ne peut pas se faire si ton bloc est trop long, si l’équipe n’avance pas ensemble et qu’on est pas actif sur la première ligne défensive.

« Dans ce registre, Fiorèse a fait une saison exceptionnelle »

Dans ce registre, Fiorèse a fait une saison exceptionnelle, M’Bami a pris le leadership du milieu, il s’est véritablement affirmé dans les moments clés. Lorsque Sorin est arrivé (fin août), il a transmis son expérience, bien sûr, mais un désir de gagner chaque rencontre qui allait de paire avec l’esprit de conquête que j’ai voulu insuffler avec mon staff dès notre arrivée et ça a embarqué tout le groupe. Chaque entrainement est devenu un défi, on a encore mieux préparé nos séances.

L’implication était telle qu’on a dû veiller à doser les charges de travail pour prévenir les blessures et vous remarquerez qu'on a eu quasiment aucun blessé ! Le staff médical a fait un travail exceptionnel pour optimiser les capacités de récupération des joueurs, imposer le travail invisible, les bains froids et le stretching. C’est la somme de ces détails qui ont contribué à créer des relations techniques fortes dans l’équipe.

C’est ce qui explique que plusieurs joueurs ont connu le sommet de leur carrière cette année-là ?

VH : C’est d’abord dû à leur travail. J’ai maintenu un niveau d’exigence très élevé et je l’étais encore plus avec Pauleta. Il ne s’est jamais comporté en vedette, il a été d’une exemplarité et tout le groupe a été sensible à ça. Mon management était clair : je récompense ceux qui travaillent, je valorise l’état d’esprit, le don de soi et l’implication. C’est ce qui a transformé ma pseudo sévérité en carburant pour les joueurs. J’ai multiplié les entretiens individuels lors des mises au vert, ça nous a permis d’aplanir quelques incompréhensions, d’éliminer toute négativité et tout ce qui aurait pu nuire à l’équilibre collectif.

Qui étaient vos relais et leaders dans le groupe ?

VH : Heinze, Dehu, Sorin et Pauleta. Ça tombait bien parce que c’était également des leaders techniques, sans oublier Letizi et Alonzo. Jérôme, beaucoup de gens ont douté de ses capacités à être titulaire au PSG mais c’est un garçon qui a fait un travail remarquable en dépit des moqueries. Il a saisi sa chance et a fait une énorme saison. C’est un mec adorable, gentil, très communicatif, il parle énormément, parfois trop (rires) et c’est un gros chambreur, on a beaucoup rigolé.

A quel moment de la saison, vous êtes-vous dit qu’avec ce groupe il y avait quelque chose de grand à aller chercher ?

« Le championnat était vraiment difficile mais l’équipe avait pris une telle confiance, une telle force »

VH : Au mois de mars, on a compris qu’on avait la capacité et l’énergie pour le doublé. Le championnat était vraiment difficile mais l’équipe avait pris une telle confiance, une telle force. Il n’y avait plus aucun retard à l’entrainement, tout le monde venait 45mn – 1h avant les séances et ça se transposait sur le terrain. Ils ont nourri leurs ambitions et j’étais vraiment triste pour ces garçons-là de ne pas avoir fait le doublé après tout ce qu’on a vécu ensemble.

A quelle hauteur classeriez-vous cette saison dans votre carrière ?

« J’éprouve une telle fierté d’avoir vécu cette saison »

VH : C’est une immense fierté. Vous savez Paris c’est Paris, avec le showbiz, la forte présence et pression médiatique, chaque petite chose prend des proportions très importantes. Limite on pouvait retrouver le contenu de nos poubelles dans la presse du lendemain... Ça a été très difficile à gérer pour moi, c’est aussi pour ça que j’ai insisté sur la solidarité à tous les niveaux du club. Quand la compétence s’ajoute à des efforts constants, on arrive à de très belles choses, bien que ça se soit mal terminé (NDLR : il fut remercié assez vite la saison suivante). J’éprouve une telle fierté d’avoir vécu cette saison, d’avoir gagné un titre et ramené le Paris en Ligue des Champions. Le plus grand regret c’est le départ de Ronaldinho, avec lui, on aurait probablement fait encore mieux, j’aurais tellement aimé l’entrainer. Un joueur de ce talent, de cette dimension, on aurait pu entrer tous d’une manière encore plus grande dans l’Histoire du PSG.

Comment avez-vous vécu la finale de Coupe de France ? Vous gagnez mais Déhu, futur marseillais, est sifflé au moment de soulever le trophée...

VH : C’était un peu triste. Déhu était en fin de contrat. Il y a eu deux choses déterminantes : ses prétentions salariales ne correspondaient pas à nos possibilités, il n’était pas content de ne pas pouvoir prolonger. Et son état physique, plus particulièrement son genou. Les médecins m’ont alerté en m’indiquant qu’il ne pourrait plus jouer très longtemps, la suite leur a donné raison. On doit néanmoins tous reconnaitre qu’il a fait une superbe saison à 34 ans.

« Être manager du PSG, c’est une somme de choses à gérer parfois très surprenantes »

J’ai pris une autre orientation technique vers un défenseur plus jeune et plus dynamique et on a identifié Yepes pour rebâtir. Je ne commenterai pas son comportement parce qu’il était capitaine, à mon sens il aurait dû accepter de recevoir le trophée et ne pas baisser la tête durant la cérémonie… Mais c’est comme ça. Être manager du PSG c’est une somme de choses à gérer parfois très surprenantes et celle-ci en était une. Le club est toujours au-dessus de tout, on est tous de passage, le club, lui, reste et j’ai essayé d’en être un humble garant pendant que j’y étais.

L’intersaison fut très mouvementée, comment avez-vous tranché pour Sorin ?

VH : J’ai tout fait pour que Sorin reste, qui peut-être contre un joueur de cette qualité ? Il faudrait être fou ! C’était le premier dossier du mercato et il nous a posé les conditions suivantes : jouer la Copa America, puis aller aux JO. J’étais contre le fait qu’il y aille. Après les JO, il voulait un mois de vacances minimum, ça lui faisait reprendre courant octobre, nous jouions la Champions cette année-là ! Si on ajoute l’indemnité de transfert et son salaire c’était au-delà de toutes nos possibilités. Je rappelle que Sorin n’a fait qu’une seule bonne saison en Europe et c’est au Paris Saint Germain ! Alors, oui, bien sûr que je voulais le conserver, il avait tellement performé mais c’était juste impossible. Et tout ce qui a été raconté autour c’est n’importe quoi, comment voulez vous que je compte sur un joueur qui aurait rejoint le groupe en sachant qu’on n'avait aucun offensif gauche pour occuper la position ! C’est donc pour ça qu’on a recruté un joueur comme Rothen.

Il y a aussi eu l’affaire Fiorèse...

« Pourquoi Fiorèse ne s’est-il pas manifesté avant de resigner ? »

VH : (Il coupe) Je n’aime pas trop en parler, vous pouvez imaginer… C’est un joueur que j’ai prolongé en fin de saison pour quatre ans avec une forte revalorisation. Il avait joué son meilleur football, on comptait énormément sur lui et il vient nous demander son départ le dernier jour du mercato pour Marseille. Pourquoi ne s’est-il pas manifesté avant de resigner ? C’est toujours une déception qu’un joueur veuille s’en aller, mais il était bien traité, il avait tellement progressé, il était aux portes de l’Equipe de France. Je l’ai vraiment mal pris.

A en vomir ?

VH : (rires) C’est la vie !

Et à quelle place cette équipe finirait en L1 aujourd’hui selon vous ?

VH : Entre temps il y a des extraterrestres qui sont arrivés (rires). Le PSG a le meilleur effectif du monde, cette équipe doit gagner la C1 et elle aurait dû faire une finale depuis quelques années déjà. Mais vraisemblablement on aurait pu finir 2e avec notre équipe et on serait en course pour le podium c’est sûr !

Vous pouvez développer sur le PSG 2020 ?

VH : Je ne veux pas passer pour un donneur de leçons, car c’est toujours simple de parler quand on est en dehors mais, pour moi, c’était le grand favori en Champions League. Encore plus si les matchs reprennent, Liverpool est éliminé, City ou le Real sont restés sur le carreau, plus que jamais Paris doit aller la chercher.

Si je vous donne la possibilité de prendre un joueur de l’effectif du PSG 2020 pour l’ajouter à celui du PSG 2003, qui prendriez-vous ?

VH : C’est difficile mais je dirais Mbappé… mais aussi Neymar, Cavani ou Di Maria. Il y a tellement de qualités qu’il m’est impossible de trancher... »

Un grand merci à Vahid Halilhodzic pour le temps qu'il nous a accordé.

Pour revivre cette saison 2003/2004 du PSG :


Vous pouvez retrouver les commentaires de l'article sous les publicités.

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