Parmi les membres de notre communauté, certains entraînent des enfants dans des clubs un peu partout en France. Toutes les semaines, à tour de rôle, ils raconteront leurs aventures auprès de ces jeunes joueurs amateurs qu'ils coachent.
Lors des trois premiers épisodes, Iaro nous avait raconté ses débuts avec les U13 de son club. (Episodes 1, 2 et 3). Aujourd'hui, place à "Touriste" et ses U10 :
Alors que depuis 2 ans je tournais sur différentes sections en dépannage, cette saison 2014-2015, j’ai la responsabilité, avec deux autres coaches, d’une équipe U10. Histoire de resituer le contexte, cette équipe est un peu une équipe de miraculés. En fin d’année dernière, le club a été contraint de réduire son nombre de licenciés, provoquant le courroux des familles. Sous la pression de la mairie et de (énièmes) promesses de moyens supplémentaires, un certain nombre d’enfants seront « repêchés ». C’est donc ainsi que cette équipe U10 a été formée.
À cet âge-là, il est difficile d’évaluer le niveau d’un gamin et c’est bien souvent sur la motivation et l’attitude que la différence se fait. En gros, c’est ceux « qui en veulent » qui seront mis en avant. Et, de fait, c’est un peu ce qui manque à nos gamins. Ils sont volontaires et disciplinés, pas de soucis, mais ils manquent de cette « niaque » sur le terrain qui saute aux yeux et fait souvent la différence en match. C’est sur cet aspect que nous insistons lors de la préparation des matches.
Au passage, contrairement à ce que nos collègues des équipes premières peuvent vivre ou ce que j’ai pu vivre les années précédentes, nous avons des parents qui ne sont absolument pas intrusifs et très respectueux. De là à faire un lien entre l’envie mise par les enfants sur le terrain et la pression parentale, il n’y a qu’un pas que je vous laisse le soin de franchir.
En U10, les jeunes jouent désormais à 8, sur un demi-terrain et sur des matches de 16 minutes sans mi-temps. Physiquement, c’est bien plus dur qu’en U8-U9. De plus, les touches sont maintenant faites à la main et la règle du hors-jeu est appliquée de manière partielle. Cette dernière est d’ailleurs difficile à assimiler.
Niveau tactique, la consigne du club est de faire jouer les enfants en 2-4-1 alors que la plupart des équipes que nous rencontrons joue en 3-3-1. Dès la première journée, il est apparu que le 2-4-1 est difficile à appréhender pour les joueurs, au contraire du 3-3-1 qui apparaît plus simple. L’autre souci est que ce dispositif demande des allers-retours incessants aux milieux droit et gauche, ces derniers finissant rapidement carbonisés. Assez vite, nous avons été contraints de former des doublettes pour ces deux postes, pour permettre des remplacements et faire souffler les joueurs. Ce que j’ai trouvé surprenant, c’est que les milieux qui occupent ces côtés et nos deux défenseurs centraux ont naturellement pris l’habitude de compenser leurs déplacements. Les milieux droit et gauche étant isolés sur leurs ailes, ils sont souvent débordés dans leur dos. De fait, c’est le défenseur central qui va au marquage sur l’aile et les milieux excentrés ont alors le réflexe de venir prendre la place laissée vacante en défense centrale (et cela dès les premiers matches, sans consignes de notre part !). Ce petit exemple démontre les qualités de notre groupe : solidarité et intelligence tactique (même si ce terme est un peu présomptueux à cet âge-là).. On se questionne toujours sur cette organisation, hésitant à demander aux milieux axiaux de compenser à la place des latéraux, mais comme les gamins l’ont adoptée spontanément nous laissons faire pour le moment.
Au niveau des entrainements, à part les exercices classiques encore indispensables, nous insistons sur le (fameux) bloc-équipe, par exemple avec des 5 contre 5 où le but n’est validé que si les 5 joueurs sont dans le camp adverse. Curieusement, malgré le 241, notre assise défensive est bonne car tout le monde se sent concerné. En revanche, offensivement, les lignes s’espacent très rapidement. On n’a pas de « tueur » devant, les milieux axiaux restent timides et ce sont les latéraux qui doivent apporter le danger. Comme déjà dit, vu la contrainte physique, autant dire que l’équipe se retrouve rapidement inoffensive, dès le deuxième match. Dans cette catégorie, on fait trois matches à la suite. Les résultats sur 5 journées sont éloquents : VND, NND, NDD, VDD et VNN.
Les résultats ne sont guère fameux mais on constate une progression indéniable. Le plus dur reste toujours de remonter le moral des enfants et de les encourager, d’autant que sur cette première phase, ils ont pu rencontrer des équipes « premières » ou des U11 ayant déjà un an de « vie commune ».
Le plus paradoxal dans notre discours est qu’on insiste à l’entraînement sur la tactique, le respect des positions, les déplacements et le jeu collectif. Et les gamins sont vraiment à l’écoute et le souci de bien faire est réel. Seulement, en match, ce n’est pas forcément payant. Ils se montrent tellement appliqués, « scolaires », qu’ils manquent de spontanéité et d’impact. Rien que le temps de lever la tête pour chercher un partenaire plutôt que de foncer tout droit, ils sont bien souvent pris par l’adversaire. Alors on se dit qu’on investit sur l’avenir mais en attendant, les « mauvais » résultats doivent être digérés par les enfants.
En conclusion, on bénéficie d’un groupe d’enfants vraiment sympathique, volontaires et plutôt homogène. Ils prennent du plaisir à jouer ensemble. Je pense vraiment qu’ils peuvent progresser. Il leur suffit d’un déclic mental et qu’ils prennent confiance en eux et en leurs possibilités. Le fait qu’ils aient failli être « virés » du club joue peut-être, inconsciemment, contre eux. Ce samedi, nous allons commencer la deuxième phase du championnat et cette fois-ci dans un groupe avec des équipes théoriquement de niveau équivalent. Je suis impatient de m’y remettre et j’espère que les progrès entrevus lors de la dernière journée se confirmeront.
NB : Vu l'âge des enfants, nous avons volontairement anonymisé au maximum le récit.