Passé par le PSG entre janvier 2007 et juillet 2011, Jérémy Clément revient sur sa carrière professionnelle et ses nombreux à-côtés au sein de son autobiographie, intitulée « Pour le plaisir » (éditions Amphora). Il est notamment question de son aventure de quelques années à Paris, du maintien à l'arrivée de QSI, mais aussi de son regard sur l'équipe actuelle et la façon dont le club a évolué.
L’ancien milieu de terrain réalisera notamment une séance de dédicace ce dimanche au sein du mégastore du Parc des Princes entre 14h30 et 16h, avant d’assister au Classique face à l’OM.
Son expérience au PSG
Votre aventure avec le PSG au cours de la saison 2006-2007, lorsque vous débarquez en janvier malgré l'intérêt de l’Olympique Lyonnais. On connaît l’importance de Paul Le Guen, qui vous avez déjà dirigé à Lyon et à Glasgow, dans votre décision. À quel point étiez-vous l’un de ses hommes, son choix ?
« Il n’y avait qu’assez peu d’échanges et de mots entre nous, mais il existait pourtant une réelle confiance dans le travail. Pour le vivre en tant qu’entraîneur désormais, je pense qu’il est important de s’appuyer sur des hommes forts. Je prends souvent l’exemple de mon équipe, au sein de laquelle je dispose de soldats, des valeurs sûres. Cela ne veut pas dire que je les fais jouer plus que les autres, mais je suis certain de leur apport au sein du groupe et au niveau de l’état d’esprit, quelle que soit leur forme. C’est marrant de m’entendre dire cela aujourd’hui, mais j’étais vraiment un homme de confiance de Paul Le Guen, oui. Aussi bien dans ma façon de faire que sur le terrain. Il savait que je n’étais pas le plus facile, parce que j’avais mon caractère, mais je n’aurais jamais pu tricher ou endommager l’esprit d’équipe. Sur le terrain, je me donnais toujours à fond et je n’aurais jamais pu trahir cette confiance. »
En revanche, vous êtes rapidement trahi par votre corps. Vous subissez une rupture partielle de l’aponévrose plantaire qui vous oblige à vous stopper deux mois.
« Je m’en rappelle très bien. Ça m'avait vraiment fait chier ! Tu arrives dans un club en difficulté, et tu veux y faire tes preuves. J’avais tout à prouver, et d’autant plus parce que j’étais jeune et assez peu expérimenté. Cette blessure n’a pas été simple à gérer. Une fois de plus, on en revient au fait que le mental et l’aspect humain jouent un rôle majeur. Je venais de vivre un déménagement d’Écosse à Paris. On dit souvent que les aponévroses plantaires sont dues aux changements de terrain, mais il y a aussi tous les changements qui ont lieu dans la tête. Passer d’une ville écossaise à la capitale française représente quelque chose. L’adaptation n’est pas toujours simple et rapide pour les joueurs. »
À votre retour, vous retrouvez votre place et jouez donc un rôle dans le maintien assuré lors de l’avant-dernière journée grâce à un succès 2-1 contre Troyes. Vous attendiez-vous à vivre des débuts aussi difficiles à Paris ?
« Non, clairement pas. Mais on ne s’y attend jamais. Surtout qu’il y avait de sacrés joueurs au sein de cette équipe. C’est le football. Parfois, les choses vont mal malgré la présence de tous les ingrédients sur le papier. La confiance joue énormément, et quand tu es relégable, c’est très difficile d’en avoir. C’est plus facile de jouer des places au sein du haut de tableau que le maintien. »
La saison 2007-2008 sera encore plus compliquée. Le PSG obtient son maintien lors de la dernière journée en l’emportant contre Sochaux (2-1) grâce au fameux doublé d’Amara Diané. Mais comment le groupe vivait-il au quotidien cet exercice pesant, marqué par des défaites marquantes à Caen (3-0) ou contre Nice (3-2 après avoir mené 2-1) ?
« Les lendemains de défaites, c’était la gueule de bois sans boire »
« Les lendemains de défaites, c’était la gueule de bois sans boire (rire). C’était tout bonnement horrible. Cela me dérange d’entendre dire que les joueurs s’en foutent de perdre. Non, c’est faux. À ce niveau, tu es là pour gagner. La défaite ne fait jamais plaisir à personne. Je l’ai vécu à Paris, mais aussi à Nancy, où la situation faisait énormément de mal aux jeunes. C’est un poids au quotidien. On pense que les footeux jouent leurs matchs et se détachent complètement de leur club au coup de sifflet final. C’est faux, nous sommes tous touchés. Dans ces moments-là, il faut essayer de relativiser, de bien travailler et d’essayer de prendre le maximum de plaisir au quotidien. »
Pourtant, en parallèle de cette galère en championnat, Paris atteint la finale de coupe de France, perdue 1-0 face à Lyon, et s’offre une qualification pour la coupe UEFA en remportant la coupe de la Ligue contre Lens (2-1). Complètement paradoxal, non ?
« Complètement. Je me rappelle que nous avons fait un super match en finale de coupe de France malgré notre défaite. Nous avions tout juste acquis le maintien et n’avions donc plus rien à perdre. Nous avons joué libérés et pleins de confiance après le titre en coupe de la Ligue, et nous avons réussi à dominer Lyon. Les têtes jouent énormément, tout comme les dynamiques, aussi bien positives que négatives. Pourtant, en face, c’était le grand OL, très difficile à battre. Nous avons réussi à nous qualifier pour la coupe d’Europe malgré nos difficultés en championnat. Ces coupes étaient notre soupape de décompression au cours d’une saison pleine de rebondissements. »
Avant de démarrer la saison 2008-2009, le club recrute Claude Makelélé. Remplaçant en début de saison, vous regagnez votre place et évoluez à ses côtés devant la défense. Que vous a-t-il apporté, lui qui est l’un des témoins interrogés au cours de votre autobiographie ?
« Je me suis posé énormément de questions au départ. Je savais ce qu’il représentait en termes d’aura, d’expérience. En plus, nous avions un profil assez similaire, celui de milieu de terrain aligné devant la défense. Je savais que cela allait être compliqué de jouer à sa place, mais nous jouons finalement côte-à-côte après un changement tactique de Paul Le Guen. Je garde un super souvenir de Claude, qui a du vécu, mais qui savait aussi être détaché du football. En revanche, quand le match commence, il est un énorme compétiteur. J’ai écouté ses conseils, dont un qui m’avait particulièrement marqué. Il m’avait tout simplement expliqué qu’il ne s’emmerdait pas à faire des choses qu’il ne sait pas faire. Au Real Madrid, il avait Figo, Zidane, Beckham et Ronaldo à côté de lui, donc il se concentrait sur la récupération du ballon et le leur donnait derrière. C’est quelque chose qui m’avait marqué, parce qu’il avait tout compris en misant uniquement sur ses qualités. »
Au terme d’une saison bien plus aboutie et une sixième place en championnat, le club ne prolonge cependant pas Paul Le Guen et le remplace par Antoine Kombouaré. Sous ses ordres, vous remportez votre première coupe de France face à l’AS Monaco (1-0) lors de l'exercice 2009-2010.
« J’étais super content parce que ce titre complétait ma panoplie en France (après le championnat, la coupe de la Ligue et le trophée des Champions). Qu’on le veuille ou non, les titres restent dans les mémoires. »
Concurrencé par Clément Chantôme, en pleine ascension, vous perdez votre place de titulaire lors de la saison 2010-2011 après trois saisons pleines. Est-ce coup de moins bien sportif qui a causé la période difficile sur le plan mental que vous évoquez dans votre livre ?
« C’est une très bonne question. Les deux sont peut-être liés, mais je ne sais pas dans quel sens. Selon moi, être moins en forme et perdre sa place est toujours lié à un ensemble de choses, et non à un seul élément. C’est ce que j’explique dans le livre. C’est très compliqué d’être certain de ce qu’on avance dans le domaine humain et de la performance. Perdre sa place n’est jamais agréable, mais c’est le football. L’extra-sportif peut jouer en ta défaveur et te rendre moins bon. C’est le jeu, et ça m’a permis de partir à Saint-Étienne derrière pour me relancer. »
La transition du club et son départ
Vous quittez le PSG le 25 juillet 2011 pour Saint-Étienne. Votre départ coïncide avec l’arrivée des Qataris et le lancement d’un nouveau projet au sein du club. Avec recul, n’était-ce pas frustrant de s’en aller au moment de ce tournant ?
« Je pense qu’il était temps pour moi de m’en aller de Paris, de découvrir un nouveau projet. Quelque part, quand je vois ce qu’est devenu le club, j’y repense. Paris est entré dans une tout autre dimension depuis dix ans. J’aurais pu être pu jouer avec David Beckham, un joueur que j’adorais. C’est fou de se dire que tant de grands joueurs sont passés ou jouent au PSG actuellement. »
Quel souvenir gardez-vous de vos quatre ans et demi à Paris ?
« Je n’ai aucun regret en tout cas. J’ai donné tout ce que j’avais au PSG »
« Je n’ai aucun regret en tout cas. J’ai donné tout ce que j’avais au PSG. Cela a été une superbe expérience, parfois difficile, bien sûr, mais surtout très enrichissante. Ce passage fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui et le joueur que j’ai été lors de la fin de ma carrière. Je suis fier de dire que j’ai joué à Paris et au Parc des Princes pendant plusieurs années. C’est un plaisir d’avoir joué dans un top club. Le slogan “Paris est magique” est vrai, c’est carrément magique (rire) ! »
Vous expliquez que jouer à Paris est une expérience spéciale, à part. Qu’est-ce que cela implique selon vous ?
« Tu joues pour le club de la capitale, mythique, avec de la ferveur et des supporters. Il a fait rêver plus d’une génération. Je pense à leur épopée européenne dans les années 1990, aux grands joueurs passés par le club. Et puis, bien sûr, cela implique aussi le fait de profiter de la vie parisienne. C’est un luxe, aussi bien en termes de culture, que de sport ou encore de mode. Il y a également du mauvais, parce que quand les choses vont mal, cela devient très dur. Cela fait également partie du jeu. Cette vie un peu parisienne n’est pas banale, et je dirais même un peu déconnectée. On peut rapidement perdre pied. Il faut rester connecté à la réalité et ne pas oublier qu’on est joueur de football en premier lieu. »
À quel point êtes-vous resté attaché au PSG ?
« En 2019, je suis allé voir un match au Parc avec mon fils pour fêter ses 10 ans. Le club a été très généreux »
« Je suis un vrai supporter du club. Je suis à fond derrière l’équipe à chaque match, je les regarde tous. J’y reste attaché, mais c’est vrai que les clubs n’arrivent pas toujours à concerner leurs anciens joueurs. Je pense qu’il faudrait faire encore plus de choses pour les anciens du club. Par exemple en organisant des retrouvailles pour tout le groupe qui a gagné la coupe de France en 2008. Nous n’attendons absolument rien en échange, mais nous serions simplement heureux de nous revoir dans un contexte particulier. Je le constate quand je croise certains ex-coéquipiers. C’est important de rester attaché à son histoire. En 2019, je suis allé voir un match au Parc avec mon fils pour fêter ses 10 ans. Le club a été très généreux parce qu’il a reçu un maillot de Neymar en cadeau de la part du PSG. Ce sont ce genre d’actions qui unissent, rassemblent, mais il en manque un petit peu. »
Conservez-vous des liens au sein du vestiaire ou de la direction du PSG ?
« Non, je n’ai plus de liens directs au sein du club. Les personnes changent avec le temps. C’est le monde du football et de l’entreprise, mais c’est important de garder cet attachement pour l’histoire du club. Je le répète. Après, le club m’a directement dit oui pour une séance de dédicace au stade en marge du Classique face à l’OM lorsque je lui ai demandé (il sera présent au Mégastore du Parc des Princes de 14h30 à 16h ce dimanche). »
Et avec certains de vos anciens partenaires de jeu ?
« Je parle encore à beaucoup d’anciens coéquipiers. Notamment Sylvain Armand, dont je suis très proche. J’ai revu Christophe Jallet au moment de la sortie de mon livre. On n’est pas trop téléphone, on ne s’était pas vus depuis un moment, mais c’est comme si on ne s’était jamais quittés. J’ai eu Guillaume Hoarau au téléphone récemment, mais il n’a pas pu venir. Je reste en contact avec pas mal d’autres, et ce serait un réel plaisir de tous les revoir pour discuter et se chambrer. Vraiment ! »
Le PSG actuel
Comment jugez-vous la saison actuelle du club ?
« L’objectif principal du club est de briller en Ligue des Champions voire de la remporter. J’ai l’impression que les saisons de Paris sont à chaque fois faussées une fois l’aventure terminée dans cette compétition. C’est dommage, parce que je trouve qu’on sous-estime bien trop le fait d’enchaîner les victoires en championnat ou dans les coupes nationales. C’est très compliqué à réaliser. On ne peut pas juger la saison qu’en se référant à la Ligue des Champions. »
Quel regard portez-vous sur cette nouvelle désillusion en huitièmes de finale retour de Ligue des Champions face au Real Madrid (1-0 à l’aller, puis 1-3 au retour) ?
« C’est impossible à expliquer. Comment est-ce possible d’avoir une telle maîtrise dans un match et de complètement craquer à cause d’un événement contraire. C’est impossible de juger la saison du PSG sur ces trente dernières minutes, mais elles vont bien sûr rester dans les têtes. Là encore, tout l’aspect humain et psychologique du football ressort complètement. Il faut arrêter de constamment chercher des excuses. Parfois, on ne maîtrise pas certaines choses, et c’est le cas dans ce match. Le supporter parisien que je suis était complètement dégouté, mais le passionné de football en moi a également vécu un moment chargé d’émotions. Il n’y a que le football pour procurer cela. »
Des débats surgissent concernant la politique sportive du club, accusé d’être trop tourné vers les stars et d’avoir délaissé la formation. Qu’en pensez-vous, vous qui avez vu éclore Mamadou Sakho et Clément Chantôme notamment ?
« On me dit souvent “c’était mieux à votre époque” alors que nous étions bien moins forts »
« Je ne parle qu’en mon nom propre, et je ne suis aucunement un donneur de leçon, mais d’après mon vécu et ce que je ressens, les supporters ont besoin de s’identifier à leur club. On me dit souvent “c’était mieux à votre époque” alors que nous étions bien moins forts. Cela peut passer par des joueurs qui leur ressemblent un peu plus. Personnellement, je pense qu’un groupe doit être construit avec des jeunes formés au club, et donc au PSG. Qui de mieux qu’eux pour obtenir une identité précise ? C’est un élément que je prends en compte en tant qu’entraîneur désormais. D’ailleurs, je n’en avais pas assez à l’entame de la saison, même s’ils sont moins talentueux, ils revêtent un rôle majeur. Ils sont garants des valeurs du club. À Bourgoin, je me repose sur un conseil des sages composé d’anciens, qui sont garants des valeurs et de l’esprit même s’ils jouent moins pour certains. Cela a une place tout aussi importante que les qualités techniques. »
Et pour la suite, quelles seraient vos pistes de travail pour relancer le club si vous étiez intégré à sa direction ?
« Si j’étais à une position décisionnaire, je m'appuierais sur des jeunes formés au club. Après, il faut disposer des talents pour le faire. Si la formation ne suit pas derrière, c’est plus compliqué. Je ne pense pas que ce soit le cas à Paris, qui dispose tout de même d’un sacré vivier. C’est un subtile mélange à créer. J'ai également connu cela à Lyon. Lorsqu’on a l’argent pour le faire, c’est plus simple d’aller chercher quelqu’un d'expérimenté et prêt plutôt que de faire confiance à l’un de ses jeunes. En football, on n’a pas le temps. La confiance n’est que de très courte durée pour les personnes placées à des postes à responsabilités. »
Justement, en tant que jeune entraîneur, comment expliquez-vous le défilé de techniciens de qualité qui n’arrivent pas à mettre en place ce qu’ils souhaitent à Paris ?
« Il faut remettre les choses dans leur contexte. Le coach est garant de certaines choses, dont le jeu de l’équipe, mais ce sont les joueurs qui sont sur le terrain. Ce sont eux qui font de l’entraîneur celui qu’il est, et non l’inverse. Ils ont les clés, même si l’entraîneur est là pour les accompagner et les manager. Leur envie de bien faire et de se surpasser font énormément. L’entraîneur n’a pas à assumer l’ensemble des responsabilités en cas de défaite. L’addition de talents sur le terrain entraîne le reste. »
Et l'ancien milieu de terrain que vous êtes doit constater plus que quiconque l’importance de Marco Verratti dans le cœur du jeu, voire la dépendance du PSG envers l’Italien, non ?
« Si on aime le football, on ne peut qu’aimer Verratti »
« J’adore ce joueur. Pour l’avoir affronté à plusieurs reprises, je peux dire qu’il m’a énormément énervé (rire). Mais dans le bon sens du terme. Quand Thiago Motta était encore à Paris, on a pris quelques bouillons monumentaux (avec Saint-Étienne). Si on aime le football, on ne peut qu’aimer Verratti. Il est chiant, parfois dans l’excès, mais je l’adore. Il râle, prend des cartons, mais il est comme cela. On ne pourra plus le changer ou le canaliser. Il faut prendre les joueurs pour ce qu’ils sont. Il ne doit surtout pas changer, parce que c’est son tempérament propre. Je suis fan du joueur, mais je me demande si ce n’est pas le moment pour lui de se challenger. Il est en position confortable à Paris, où il a toujours joué. Attention, on peut parfois s’endormir un petit peu après tant d’années au sein d’un club. Je ne sais pas s’il est mal accompagné ou pas au sein du milieu parisien, mais j’aimerais bien savoir quelle suite il va vouloir donner à sa carrière à long terme. Ce sont tout un tas de questions -aussi bien sportives que extra sportives- que chaque footballeur se pose et auxquelles j’ai tenté de répondre au mieux au sein de mon livre. »
Son livre :
Pour le plaisir
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