À l’initiative du PSG, nous avons rencontré Jean-Marc Pilorget dans une des loges du Parc des Princes, pour évoquer avec lui le record de matches joués avec Paris (435), qu’il détenait depuis 1989 et dont vient de s’emparer Marquinhos. Une blessure au tendon d’Achille a reporté de plusieurs semaines le passage de témoin entre l’ancien défenseur de 66 ans et son successeur brésilien, « un joueur qui lui ressemble ». Rencontre.
Vous étiez le détenteur depuis 1989 du record du nombre de matches avec le PSG, avec vos 435 apparitions. Mais c'est désormais fini…
« J’ai toujours la même fierté d’avoir porté le maillot du PSG aussi longtemps, d’avoir fait partie de cette épopée. Mais il ne va pas tarder à tomber (sourire). C’est également une fierté de transmettre ce record à un garçon qui me ressemble un petit peu. »
Que pensez-vous de Marquinhos, puisque le passage de témoin vient de se faire d’un défenseur à un autre ?
« Je trouve que Marquinhos me ressemble, et je lui ai dit »
« Je trouve qu’il me ressemble, et je lui ai dit. Que ce soit dans le poste, la façon d’être sur le terrain, même s’il est un plus grand joueur et a gagné beaucoup plus de titres que moi. Je l’ai un peu côtoyé et je pense qu’il est un homme bien. »
Qu’est-ce qu’incarne Marquinhos, justement ?
« C' est un garçon qui donne toujours le maximum, ne triche jamais. Je crois qu’il est aimé par les supporters parce qu’il a fait beaucoup de grands matches. Il a aussi eu des matches moyens, voire mauvais, certes, mais il n’a jamais triché. Il a toujours donné le maximum sur le terrain, et ça, les supporters adorent. »
On lui a à plusieurs reprises reproché de se liquéfier dans les grands rendez-vous. Diriez-vous qu’il est tout de même un leader ?
« Honnêtement, oui. Il n’est peut-être pas aussi charismatique qu’un Zlatan Ibrahimovic, ou Neymar, Lionel Messi et Kylian (Mbappé) peuvent l’être. Mais, sur le terrain, ses coéquipiers savent qu’ils peuvent compter sur lui, et son entraîneur aussi. C’est important dans une équipe. »
C’est rare de voir un joueur aussi fidèle de nos jours, et encore plus dans un grand club.
« On en revient à ce record. Je ne pensais vraiment pas qu’il allait être battu un jour. Si on me posait la question cinq ou dix ans en arrière, j’aurais dis non en tout cas. Un garçon comme Marqui, qui fait autant de matches dans un club avec cet amour non feint du maillot… c’est une perle rare. Ce club a grandi en même temps que lui. »
Jusqu’où pensez-vous que Marquinhos puisse amener ce record ? À 500 ou 600 matches ?
« L’avenir le dira. Lui non plus ne sait pas forcément ce qu’il fera à la fin de la saison. Je crois qu’il a envie de continuer. Est-ce le souhait du club ? C’est une autre question. Il reste un garçon sur lequel on peut s’appuyer. »
Marquinhos puis Zaïre-Emery ?
Le PSG a-t-il parfois manqué de joueurs avec des valeurs, des profils similaires à celui de Marquinhos ?
« Les résultats auraient peut-être été différents si le PSG avait pu compter sur plus de joueurs comme Marquinhos »
« C’est évident ! Dans des moments cruciaux, les résultats auraient peut-être été différents si le PSG avait pu compter sur plus de joueurs comme Marquinhos. On ne peut pas réécrire l’histoire. Le PSG est encore en apprentissage au plus haut niveau européen, mais commence à être dans la cour des plus grands. Je crois que le club va finir par être récompensé de tous ses efforts et de toutes ses tentatives. Plein de choses ont été tentées : changements d’entraîneurs, de joueurs. Mais la logique n’est pas toujours respectée parce que certaines décisions qui paraissaient ahurissantes ont payé, et d’autres logiques n’ont pas fonctionné. C’est l’apprentissage d’un club qui continue d’apprendre. »
Les grandes dynasties qu’ont eu l’AC Milan ou le Real Madrid se sont appuyées sur des joueurs présents dans la durée et incarnaient quelque chose. C’est important d’avoir ces joueurs de club ?
« C’est primordial d’avoir une base d’équipe attachée à la ville, ses supporters, au président, etc. Ensuite, il faut leur greffer des joueurs dits « supérieurs », qui peuvent apporter un peu de folie et faire la différence. »
Warren Zaïre-Emery peut-il incarner cette nouvelle génération parisienne ?
« Zaïre-Emery fait partie des profils qui doivent incarner le PSG dès maintenant »
« Oui, oui. La réponse est logique, parce qu’il fait partie des profils qui doivent incarner le PSG dès maintenant. Mais ce garçon sera-t-il encore au PSG dans quelques années ? Je l’espère, mais on est incapables de le dire. Ça fait partie de l’évolution de ce club. »
Quel regard portez-vous sur lui ?
« Ça démontre qu’il est un joueur mature sur le terrain et qu’il l’est également dans sa tête. C’est le plus important. »
Retour sur sa carrière
Que reste-t-il de l’esprit PSG de votre équipe ? Perdure-t-il ?
« Je dirais qu’une chose n’a pas changé : la folie. Être capable de faire des coups de fou. Ce club l’a souvent fait. Nous en premiers. Nous avions l’impression d’être une équipe de rigolos parce que nous ne gagnions nulle part. Nous avons réussi quelques coups de folie et ce club l’a répété ensuite. Ce n’est pas fini. »
Si vous deviez conserver un souvenir de votre longue carrière au PSG, quel serait-il ?
« Le premier titre du club, qui est aussi le mien. C’est donc la finale de Coupe de France remportée en 1982 contre Saint-Étienne, et durant laquelle je convertis le tir au but qui nous donne la victoire (2-2, 6-5 t.a.b.). »
Vous avez également vécu le premier sacre du PSG en Ligue 1, conquis en 1986.
« Nous avons d’abord été pris pour des rigolos, puis pour une équipe de coups en Coupe, puis enfin respectés après avoir remporté un titre lié à la régularité. Ça a changé beaucoup de choses. C’est un moment important pour le club. »
Le grave accident de voiture que vous avez subi (dans la nuit du 18 au 19 décembre 1983, alors qu’il était en stage avec l’équipe de France A) a mis votre carrière en parenthèses durant plus d’un an. C’est quelque chose que vous gardez en tête depuis ?
« Honnêtement, non. Quand j’ai eu cet accident, j’ai découvert d’autres mondes, qui ont totalement changé ma vision du monde. La première fois que je suis arrivé dans un centre de rééducation, j’avais certes la jambe en vrac et je marchais à peine, mais j’allais pouvoir remarcher. J’ai vu des jeunes de 16 ou 17 ans en fauteuil roulant qui ne se plaignaient pas. Je me suis dit : « Ferme ta gueule, tu n’as rien ! ». À partir de ce moment-là, j’ai évité de me plaindre. J’ai raté des choses, dont l’Euro, oui… mais ma fille qui avait été expulsée de la voiture durant l’accident était toujours en vie. Qu’est-ce qui est le plus important ? La réponse est toute faite. J’ai jamais eu de regrets par rapport à cet événement qui m’a profondément changé. »
Où êtes-vous allé puiser l’énergie nécessaire pour reprendre votre carrière après cet accident très grave ?
« À l’époque, j’entends ma mère demander au chirurgien si je vais pouvoir rejouer au foot. Il lui répond : « S’il remarche, c’est déjà bien ». Je n’aurais jamais dû entendre cette phrase, mais je l’ai entendue. Ça m’a servi pour me motiver. Ma vie a été faite de ça, je suis un combattant. Je l’ai également montré sur le terrain. Je n’ai jamais prétendu avoir été un grand joueur, mais j’ai toujours tout donné sur le terrain. »
Vous reconnaît-t-on encore dans la rue ou dans la vie de tous les jours ?
« C’est de plus en plus rare, disons que les gens qui le font ont plutôt des cheveux grisonnants (rire). Ça arrive encore un peu et ça fait toujours plaisir. »
Comment votre amour pour le PSG est-il né ?
« J’ai un parcours atypique. Mes parents habitaient dans le VIIe arrondissement de Paris. Ils ont déménagé à Chilly-Mazarin en 1969, J’avais dix ans et je ne savais même pas ce qu’était le football. Des voisins me parlent de Pelé, et je ne le connais pas du tout. Je commence à jouer en 1970, avec des potes, puis je démarre en pro en 1974. C’est difficile à imaginer aujourd’hui. J’ai refusé de signer professionnel à Strasbourg en inventant une histoire, dans l’idée de jouer un jour dans le club de mon cœur : le PSG. Et voilà, c’est arrivé un an et demi plus tard (sourire). »